Cannes 2022 - Kristen Stewart, l'interview : "Je ne vais laisser personne me tenir en laisse"

Propos recueillis par Jérôme Vermelin, à Cannes
Publié le 23 mai 2022 à 21h46, mis à jour le 24 mai 2022 à 14h38

Source : Sujet TF1 Info

L’actrice américaine présente à Cannes "Les Crimes du Futur" de David Cronenberg.
Un film de SF extrême qui risque de faire quelques vagues sur la Croisette.
Pas de quoi impressionner la jeune femme, ravie de l’expérience avec le maître canadien.

Elle commence à avoir ses habitudes sur la Croisette. Quatre ans après avoir fait partie du jury de Cate Blanchett, l’actrice américaine Kristen Stewart est de retour à Cannes avec Les Crimes du Futur, le nouveau film de David Cronenberg. Un film de SF choc, gore et sexy dans lequel elle incarne une fan assidue d’un artiste contemporain joué par Viggo Mortensen. De la saga Twilight à sa récente nomination aux Oscars dans Spencer, la jeune femme a franchi un cap, dans sa vie professionnelle et personnelle. Souriante et détendue, elle s’est confiée à TF1info à quelques heures de la projection.

Cannes, c’est un festival qui compte dans votre carrière, non ?

Oui, parce que j’ai vécu quelques-unes de mes plus belles expériences de cinéma ici, avec des gens que j’adore. Je crois que c’est la quatrième ou cinquième fois que je viens ici et c’est clairement le seul festival où les gens ne sont pas obsédés par le fait de "vendre" les films mais simplement de les aimer. C’est pour ça que je me sens à l’aise ici.

C’est l’antithèse d’Hollywood où il est surtout question de box-office ?

Un exemple : nous sommes assis là et en temps normal, mon job c’est de vous dire : "Mon film sort, s’il vous plaît aller le voir tel ou tel jour !". Alors qu’à Cannes j’ai l’impression de vraiment parler des films, ce qui est quand même beaucoup plus fun.

Ici vous avez également présenté un court-métrage qui marquait vos débuts de réalisatrice…

Et je n’arrivais pas à croire qu’on m’autorisait à le montrer ici. J’espère bien revenir un jour avec un autre film que j’aurais réalisé. Mais c’est vrai, c’était un des plus beaux moments de ma vie.

Aider David Cronenberg à raconter une histoire qui s’apparente une sorte de testament, c’est un honneur énorme
Kristen Stewart

Vous êtes cette année à l’affiche du nouveau David Cronenberg, Les Crimes du futur. Que représente son cinéma pour vous ?

Sans vouloir paraître cliché, les films de David sont vraiment ses films. Ils ont son empreinte, ils ont une voix, une singularité. Vous reconnaissez ce que vous regardez. Moi je dirais que même lorsqu’il est très critique de notre société, il n’est jamais totalement cynique. Dans ce film par exemple, il y a cette phrase "la chirurgie est le nouveau sexe". C’est une manière de dire que de nos jours, on a presque besoin de se découper la chair pour ressentir encore quelque chose. Parce que nous sommes déconnectés, parce que dans ce monde en mutation permanente, le corps devient obsolète. Sur le papier ça sonne intense et effrayant, c’est pour ça d’ailleurs qu’on parle de body horror. Mais quand je regarde ses films, même les plus extrêmes me paraissent tendres en réalité. Alors pour moi, l’aider à raconter une histoire qui s’apparente à une sorte de testament, c’est un honneur énorme. Ce film est si personnel car Viggo joue son personnage selon une version de David.

Je reconnais que ce film est un peu gore parfois. Mais c’est fait avec une forme d’élégance et de sensualité qui est choquante
Kristen Stewart

Comment s’est faite la connexion entre vous. Qui a appelé qui au téléphone ?

C’est lui qui m’a appelée. Je l’avais rencontré ici à ce festival à vrai dire. Je l’avais trouvé très gentil et accueillant. On avait des discussions vraiment intéressantes et je ne l’avais pas revu depuis une décennie, je crois. Là ça s’est fait de manière très traditionnelle. Il m’a appelé et m’a envoyé le script mais avant même de le lire, je faisais des bonds partout ! Oh my god ! Je n’arrivais pas à croire que Cronenberg me demandait d’être dans l’un de ses films. Moi je ferais n’importe quoi pour lui.

Parlez-moi de votre personnage. Rien que son prénom est intriguant…

Timlin ! (Rires). Ce personnage est une chouette représentation du pouvoir qu’a l’art de transformer les gens. Au début, c’est une petite chose bureaucratique qui bosse pour le gouvernement et au fil du film, elle découvre le monde marginal de l’art underground dans lequel le personnage joué par Viggo est une célébrité. Elle devient tellement obsédée par lui, c’en est presque comique puisqu’elle arrive à peine à lui parler. Elle illustre bien le fait que certains artistes peuvent rendre les gens complètement dingues.

Si les gens hurlent et claquent la porte à la projection à Cannes, ce serait une forme de victoire ?

J’espère ne jamais faire un film qui ne suscite aucune réaction. Pour moi, le plus choquant, c’est qu’il y a beaucoup de douceur dans ce film. Je reconnais que c’est un peu gore parfois. Mais c’est fait avec une forme d’élégance et de sensualité qui est choquante. Je n’ai jamais fermé les yeux en le regardant. Pourtant en général je suis un peu prude avec ces choses-là. Or là, j’en suis restée bouche bée. Parce que c’est un film qui donne envie de désirer.

Bientôt derrière la caméra

Kristen vous êtes une actrice qui enfreint les conventions, dans votre travail comme dans votre vie personnelle. Est-ce que vous ressentez une forme de responsabilité vis-à-vis de vos fans ? Ou bien avancez-vous un peu sans trop réfléchir ?

L’un ne va pas sans l’autre, je crois. Si je réfléchissais à mon comportement dans le but d’influencer les gens, je ne serais ni authentique, ni une source d’inspiration. Je préfère ne pas y penser. J’adore aussi quand je discute avec une personne plus jeune et qu’elle me dit "grâce à toi, je me sens bien". C’est contagieux et c’est réciproque si bien que je ressens la même chose. Ça ne nourrit je crois autant que ça nourrit les autres, apparemment. J’ai de la chance.

Il faut se battre pour être qui on a envie d’être dans ce métier ?

Oui mais c’est un combat très plaisant ! (Rires).

On parlait de votre court-métrage. Avez-vous déjà une idée pour votre premier long ? 

Oui, j’ai adapté les mémoires de la romancière Lidia Yuknavitch, La Mécanique des fluides, et là nous attendons que l’argent arrive, ce qui est un peu ce que tous les réalisateurs indépendants attendent. J’ai encore un peu de travail pour que ça aboutisse mais j’espère tourner à la fin de l’année.

Est-ce que vous pensez que vous resterez toujours indépendante, au fond ?

Je crois que je ne vais laisser personne m’attraper en laisse à l’avenir. J’ai l’impression d’avoir trouvé mon rythme, je me sens confiante et heureuse de pouvoir naviguer dans ce métier à l’instinct. Je ne ressens aucune pression.

Vous avez des regrets ?

Non ! Tous les trucs terriblement stupides qu’on fait dans la vie font partie de vous. Vous savez, nous sommes tous le résultat d’un million d’erreurs. Et je n’en regrette aucune.

Et un rêve secret que vous pourriez m’avouer aujourd’hui ?

Non ! (Rires).

Un réalisateur avec qui vous aimeriez tourner alors ?

Alors je vais vous parler de quelqu’un que tout le monde devrait connaitre. Elle s’appelle Rose Glass et nous allons faire ensemble un film qui s’appelle Love Lies Bleeding. J’avais adoré Saint Maud, je la trouve incroyable comme réalisatrice. C’est l’une des rares personnes que j’avais envie de rencontrer, sans raison particulière. Je suis toujours un peu timide et en général ce sont les réalisateurs, qui sont des gens très décidés, qui viennent vers vous. Mais là ça m’a appris que lorsque vous allez vers une personne que vous admirez, dites-le parce que ça marche !

Vous êtes l’une des rares actrices américaines à avoir remporté un César, c’était pour Sils Maria d’Olivier Assayas. On vous revoit quand dans un film français ?

J’adorerais faire un autre film français. En fait, j’apparais un tout petit moment dans la nouvelle série d’Olivier Assayas, Irma Vep. Je crois qu’il prépare quelque chose et je le cuisine presque tous les jours. On retravaillera ensemble, c’est sûr. Si je pouvais faire un autre film avec Olivier "en français"… C’est mon prochain but ! 

Moi je pensais que vous parliez déjà bien français !

Pas du tout ! Je peux faire semblant d’avoir l’accent. Mais je ne comprends même pas ce que je dis (Rires).


Propos recueillis par Jérôme Vermelin, à Cannes

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