"Les Crimes du Futur" : faut-il (ou non) passer sous le bistouri de David Cronenberg ?

Jérôme Vermelin, à Cannes
Publié le 24 mai 2022 à 10h11

Source : Sujet TF1 Info

En compétition pour la Palme d’or et en salle ce mercredi, "Les Crimes du futur" marque le retour derrière la caméra de David Cronenberg.
L’histoire d’un artiste contemporain qui a fait de l’extraction de ses tumeurs un spectacle.
Derrière les effets chocs, le cinéaste livre un best of un peu indigeste de son cinéma.

Avant la publication officielle du bilan des sorties en civière de la projection officielle du nouveau film de David Cronenberg, Les Crimes du futur, avouons que le cinéaste canadien avait mis le paquet pour impressionner ses invités. Infanticide, chirurgie-spectacle, greffes bizarroïdes et coups de langue dans les boyaux… Ceux qui avaient dîné avant l’ont sans doute amèrement regretté. 

Ce festin de sensations fortes n’a rien de surprenant lorsqu’on connaît la filmographie du Canadien, passé maître du "body horror" de Scanners à Existenz en passant par Vidéodrome et La Mouche. Il n’empêche qu’après deux long-métrages plutôt soft – Cosmopolis et Maps to the stars, il y a huit ans déjà – on ne s’attendait pas à le retrouver sur un terrain aussi extrême. Et c’était plutôt alléchant sur le papier.

Plus intello qu'effrayant

Dans un village de bord de mer post-apocalyptique, Viggo Mortensen incarne Saul Tenser, un artiste contemporain dont on comprend très vite qu’il est une sorte de double fantasmé du cinéaste. Son organisme mutant générant tumeur sur tumeur, il se les fait retirer lors de performances underground par Caprice, son assistante et compagne jouée par Léa Seydoux.

Ces pratiques pour le moins étranges attirent l’attention d’un obscur bureau gouvernemental où travaille Timlin, interprétée par Kristen Stewart, une geek un peu coincée qui va développer une fascination indécente pour Saul. Mais elle n’est pas la seule à s’intéresser d’un peu trop prêt à ce personnage sulfureux qui mène lui-même un double jeu.

S’il faut avoir le cœur bien accroché pour rester devant Les Crimes du Futur, ses effets chocs visent moins à effrayer qu’à soutenir un propos post-moderne sur l’évolution de notre rapport au corps dans un monde en perte de sensations où le bistouri serait devenu l’outil ultime du plaisir, voire de toute forme de transcendance. "La chirurgie est le nouveau sexe", murmure Timlin à l'oreille de Saul. "J’ai envie d’être ouverte", lui confie de son côté Caprice, avant de passer à l'acte de manière spectaculaire.

La limite de l’exercice, c’est sans doute le rythme de l’intrigue, dépourvue de véritable enjeu dramatique au profit de dialogues parfois drôles, parfois abscons, mais rarement captivants malgré toute la bonne volonté des acteurs. Bavard, Les Crimes du futur donne aussi le sentiment que David Cronenberg régurgite ses vieilles obsessions dans une forme d’auto-célébration un peu vaine. Les fans hardcore y verront une œuvre testamentaire savoureuse. Les autres ont droit de sortir de table.


Jérôme Vermelin, à Cannes

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