Cannes 2022 : notre palmarès, avec la Palme d’or pour "Close" de Lukas Dhont

Jérôme Vermelin, à Cannes
Publié le 28 mai 2022 à 9h44, mis à jour le 28 mai 2022 à 9h51

Source : TF1 Info

Le jury du 75ᵉ Festival de Cannes dévoilera son palmarès ce samedi soir.
Sur la Croisette, tout le monde y va de son pronostic, comme c’est la tradition.
TF1info vous dévoile le sien, en toute subjectivité bien sûr.

Quel film succédera ce soir à Titane, la Palme d’or rugissante de Julia Ducournau l’été dernier ? Le baromètre de la presse est souvent à côté de la plaque et c’est presque normal, puisque le palmarès est établi par un jury d’artistes dont l’alchimie est aussi mystérieuse qu’imprévisible. Le président Vincent Lindon a-t-il retrouvé son âme d’enfant, comme il l’espérait en arrivant sur la Croisette ? Ses collègues vont-ils le convaincre de faire un choix plus politique ? Les délibérations ont commencé à l’heure où nous écrivons ces lignes et il faudra patienter jusqu’à 20h30 et la cérémonie de clôture pour en connaître le verdict. Nous, on a vu beaucoup de films, du franchement brillant au très décevant. Et on a décidé de vous livrer ce palmarès qui n’engage que son auteur…

Palme d’or : "Close" de Lukas Dhont

Diaphana

C’est seulement son deuxième film. Mais il porte la marque des plus grands. Quatre ans après avoir été révélé à Cannes avec Girl, l’histoire d’une danseuse née dans un corps de garçon, le jeune réalisateur belge Lukas Dhont raconte le drame terrible qui va unir Léo et Rémi à jamais. Chaque silence, chaque regard, chaque geste frémit d’une émotion qui étreint le spectateur dès la première seconde et le poursuit bien après la projection. D’une infinie délicatesse, cruel et poétique à la fois, Close nous rappelle l’adolescent que nous avons tous été. Et nous invite à aimer nos enfants comme ils sont.

Grand Prix : "Boy From Heaven" de Tarik Saleh

Memento

Dans Le Caire Confidentiel, Tarik Saleh avait utilisé les codes du film noir pour raconter la corruption d’un système qui a conduit au soulèvement populaire de 2010. Mi-thriller, mi récit initiatique, Boy From Heaven suit un fils de pêcheur candide pour nous dévoiler l’envers du décor de la prestigieuse université qui forme l’élite religieuse de son pays. Luttes de pouvoir, meurtres et manipulations… C’est à la fois un brillant divertissement, où le suspense rebondit en permanence, et un portrait édifiant de l’Égypte contemporaine, partagée entre le passé et le présent.

Meilleur acteur : Pierfrancesco Favino dans "Nostalgia"

ARP

Il est de tous les plans, ou presque, du film de Mario Martone. Star du cinéma italien – vous l’avez peut-être vu dans Le Traitre, très applaudi ici à Cannes, Pierfrancesco Favino joue ici un homme d’âge mûr qui a quitté Naples et l’Italie à l’adolescence. Après 40 ans d’exil, il promène son spleen dans les rues d’une ville gravée à jamais dans son cœur, pour le meilleur et pour le pire. Dans ce délicieux film de mafia déguisé en voyage de vacances, il suffit de peu de mots à cet acteur irrésistible pour retranscrire l’état émotionnel de son mystérieux personnage.

Meilleure actrice : Zahra Amir Ebrahimi dans "Les Nuits de Mashhad"

Metropolitan

Au départ, son compatriote Ali Abbasi l’avait engagé comme directrice de casting. Et pour cause : après avoir fui son pays il y a 14 ans suite à un terrible scandale qui a stoppé net une carrière prometteuse, Zahra Amir Ebrahimi avait presque renoncé à jouer les premiers rôles. Le destin a voulu qu'elle incarne la journaliste obstinée qui traque le tueur en série de prostituées sévissant dans les rues de la ville sainte. Une performance intense qui dénonce, au passage, la misogynie qui imprègne chaque couche de la société iranienne. 

Prix de la mise en scène : Jerzy Skolimowski pour "EO"

SKOPIA FILM

En sortant du film, on se dit sans doute un peu bêtement qu’il est incroyable de réaliser un film aussi inventif et enragé à plus de 80 ans. Et pourtant Jerzy Skolimowski réussit un véritable tour de magie en faisant d’un âne terriblement attachant le héros de ce conte cruel qui dénonce la maltraitance animale et la cruauté des hommes qui va avec. Cadrages, musique, découpage et donc direction d’acteur à quatre pattes : le grand cinéaste polonais mérite un coup de chapeau, lui qui a été contraint de renoncer à la Croisette suite à un accident domestique.

Prix du scénario : Ruben Östlund pour "Triangle of Sadness"

Plattform

Palme d’or en 2017 avec The Square, le cinéaste suédois Ruben Östlund n’a plus l’effet de surprise pour lui. Mais son regard sur les travers de la société contemporaine est toujours aussi juste et corrosif. Triangle of Sadness nous embarque à bord d’une croisière pour super riches où une influenceuse et son boyfriend jaloux ont été invités par un sponsor, pour le meilleur et pour le pire au fil des heures. Chaque situation est bien pensée, chaque réplique fait mouche, surtout on sent la jubilation derrière le clavier – et à vrai dire aussi derrière la caméra. Mais comme on a déjà donné la mise en scène à quelqu’un d’autre, le scénario fera l’affaire.

Prix du jury : "Armageddon Time" de James Gray

Universal

James Gray n’a jamais rien gagné à Cannes, malgré son immense talent. Présenté comme le "petit film d’un grand cinéaste", Armageddon Time croque le New York des années 1980 à travers le portrait d’un lycéen qui rêve de devenir artiste, au grand désespoir de parents qui constatent, impuissants, l’effritement de l’American Dream. Avec une grande habileté, le réalisateur de Two Lovers et Little Odessa mêle l’intime à l’universel et obtient de ses comédiens, petits et grands, des performances aussi sobres que bouleversantes. Rien que pour la scène de l’interrogatoire d’enfants, inoubliable, il mérite de figurer au palmarès.


Jérôme Vermelin, à Cannes

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