Interview

"Le métier de flic a fait de moi un homme... et m’a détruit aussi" : Olivier Marchal se confie

Propos recueillis par Jérôme Vermelin
Publié le 4 novembre 2022 à 13h21, mis à jour le 4 novembre 2022 à 14h01

Source : Sujet TF1 Info

Le réalisateur Olivier Marchal est de retour avec "Overdose", un polar sanglant disponible ce vendredi sur Prime Vidéo.
Entre la France et l'Espagne, il met en scène une affaire de go fast sur laquelle enquête une flic jouée par Sofia Essaïdi.
L'occasion pour TF1info de l'interroger sur sa vision de la violence à l'écran et le métier qu'il a autrefois exercé.

Il occupe une place à part dans le cinéma français. Ancien flic, Olivier Marchal n’a de cesse de filmer un univers qui l’a marqué à vie, pour le meilleur et pour le pire. Dans Overdose, disponible ce vendredi 4 novembre sur Prime Vidéo, il met en scène Sara (Sofia Essaïdi), une agente de la brigade des stupéfiants de Toulouse qui s’associe à Richard (Assaâd Bouab), le chef de la police criminelle de Paris, sur une sombre d’affaire de go fast entre la France et l’Espagne.

Spectaculaire et sans répit, ce polar adapté du roman Mortels Trafics, de Pierre Pouchairet, est l’un des plus sombres de la carrière du cinéaste de 36 Quai des Orfèvres, toujours soucieux de coller au plus près à la réalité. Sans filtre, il a raconté à TF1 les coulisses de son dernier bébé et sa manière de filmer une violence qui le fascine autant qu’elle le déprime…

Le titre du film, c’est aussi une métaphore de l’excès de violence auquel sont confrontés les policiers ? 

Oui, c’est ça. C’est l’overdose de tout. De ce à quoi les policiers assistent. Ce pourquoi ils travaillent. Ce pourquoi ils se lèvent le matin. C’est l’overdose du système et des comportements de violence. Le film lui-même est très violent et je l’ai volontairement voulu comme ça. Pas glauque. Mais violent. Parce que c’est ce qui me choque aujourd’hui lorsque j’allume ma télévision : il n’y a que des mauvaises nouvelles, sauf peut-être quand l’équipe de France marque un but. Tout le reste, c’est de la merde. Ça peut être déprimant mais à travers les deux flics joués par Sofia Essaïdi et Assaâd Bouab, je voulais que le public ressente l’acharnement des flics à réussir leur mission et aussi la tension permanente à laquelle ils sont confrontés.

Vous filmez la violence de manière très frontale, voire extrême. Auriez-vous réalisé de la même manière il y a dix ou quinze ans ? 

J’aurais sans doute été beaucoup plus "plan-plan". Là j’ai risqué des choses, on a filmé beaucoup à l’épaule. Il y a l’époque, c’est vrai. Mais c’est aussi lié aux conditions de tournage. En nombre d’acteurs, de scènes d’action et de comédie, Overdose est à peu près le même film que 36 Quai des Orfèvres. Sauf qu’à l’époque, j’avais 16 semaines et là seulement 10. Il a fallu travailler vite et bien. La scène de la fusillade sur l’autoroute, j’ai dit aux acteurs que c’était un "one shot". On ne pouvait pas se louper, ce qui les a rendus hyper tendus, hyper fébriles. En plus il y avait les effets spéciaux qui pétaient en même temps… On avait 2h30 pour filmer dix acteurs en train de se canarder sur une autoroute, avec 50 voitures qui bloquaient l’accès. J’ai vacciné les acteurs à l’urgence et je crois qu’on a réussi le pari parce que ça ressemble à un sacré bordel… comme dans la vraie vie.

Pour préparer "Overdose", j’ai vu des tas de films sur les narcos et comment ils se vengent des mecs qui les balancent. C’est insoutenable !
Olivier Marchal

La violence, c’est aussi une question de dosage, non ? 

(Sourire) Je ne sais pas, parce que moi je marche à l’instinct. Je fais des storyboards avec les scènes de violence. Et parfois ça m’arrive de tout changer une fois sur le tournage. La scène de torture à la fin dans la cave, j’ai fait installer une porte parce que je me suis dit que j’allais suggérer, et pas montrer, parce que c’est beaucoup plus fort. À l’arrivée, je trouve que ça marche à mort. Après, c'est au montage qu’on arrive à doser aussi. Par exemple, la scène d’ouverture avec le coup de masse, ça durait des plombes et c’était too much. J’ai préféré faire plus court au final. Mais la violence on la tourne et il arrive qu’il y ait des petits accidents. On a beau répéter, les acteurs se font mal. Sur 36, Catherine (Marchal, la mère de ses quatre enfants – ndlr) s’est fait ouvrir toute la bouche d’un coup de crosse. Après elle s’est cassée le pouce. Alain Figlarz, lui, s’est pris un éclat de métal dans les parties, on a dû le transporter d’urgences à l’hôpital. Moi-même ça m’est arrivé de me fracturer la main en jouant mais c’est ça qu’on aime : y aller à fond ! Autrement, ce n’est pas crédible. 

Est-ce aussi un devoir, pour vous l’ancien flic, de montrer la violence telle qu’elle est ? 

Un devoir, on s’en passerait. Sauf qu’elle est là. Et elle est inhérente au genre policier de toute façon. Je veux bien faire un polar à la Maigret demain, mais je ne sais pas si ça m’intéresserait. J’aime bien les enquêtes à la Simenon. Mais moi je suis fasciné par la violence et ceux qui l’exercent. Pour préparer Overdose, j’ai vu des tas de films sur les narcotrafiquants, comment ils se vengent des mecs qui les balancent. C’est insoutenable ! Il y a des vidéos sur Internet qui sont pires que mon film ! Au cinéma, on a quand même un devoir d’atténuer, parce que sinon… mais quand même de montrer, parce que la violence, elle est partout.

Les plateformes me permettent de continuer à faire mon métier, elles ont de l’argent. Et cet argent, il est dans le film
Olivier Marchal

Ce devoir de témoignage, il passe aussi par votre représentation du quotidien des flics, au boulot comme dans le privé ?

Je le fais de bon cœur parce que c’est ce que je connais. Quand je parle à des gamins qui veulent faire leur premier film, je leur dis "racontez ce que vous savez". Moi, pourquoi ça a marché ? Parce que pour mon premier film, Gangsters, j’ai fait un huis clos dans un commissariat, durant une garde à vue. Or quand j’étais flic, il m’est arrivé de rester 48 heures, 72 heures avec des braqueurs. Si demain on me demande de faire un film sur les sous-mariniers, il va falloir que je parte deux mois dans un sous-marin ! Pareil si je devais filmer un chirurgien dans un hôpital. Pour moi c’est un devoir de ne pas montrer n'importe quoi. Et puis j’ai voulu écrire sur les flics. J’ai toujours plein de copains dans ce métier, il m’arrive de traîner à la PJ de Marseille, à la BRB de Lyon. J’assiste aux remises de médaille, aux départs à la retraite… Ils m’invitent parce que je suis un peu leur porte-parole. Et je me dois de le faire parce que c’est un métier qui m’a construit. Il a fait de moi un homme avant l’heure. Il m’a détruit aussi. Mais il a fait le réalisateur et l’acteur que je suis, avec tout ce chagrin rentré qui est toujours prêt à sortir.

Après Bronx sorti sur Netflix, Overdose est un film Prime Vidéo. Les plateformes, c’est là où il faut être aujourd’hui ?

Moi je vais là où on me permet de faire mon travail. Or les plateformes, c’est là où nos films ont le plus de chance d’avoir de la visibilité aussi. En tout cas dans mon genre, celui du polar. Bac Nord est l’exception, avec plus de 2 millions d’entrées. J’ai eu la chance de faire ce genre de score par le passé mais aujourd’hui, c’est risqué un polar sur grand écran. Les plateformes me permettent de continuer à faire mon métier, elles ont de l’argent. Et cet argent, il est dans le film. Cinéma ou télévision, je travaille de la même manière. Là je vais tourner une série pour Netflix et avec mon chef op, on a des optiques de cinoche, on va tourner en scope. On voit les choses en grand et c’est pour ça que les gens regardent. Enfin, je pense ! (Sourire).

>> Overdose de Olivier Marchal. Avec Sofia Essaïdi, Assaâd Bouab, Alberto Ammann. 1h59. Sur Prime Vidéo.


Propos recueillis par Jérôme Vermelin

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