INTERVIEW – Florence Cestac vient de sortir "Filles des oiseaux" (éditions Dargaud) dans lequel elle raconte une histoire d’amitié entre deux jeunes filles d’un pensionnat catholique dans les années 1960, à Honfleur. L’occasion de rencontrer la seule auteure de BD récompensée par le Grand Prix d’Angoulême, dont les dessins sont actuellement exposés à la Galerie Martel.
Dortoir glacé, messe en latin et cours de couture obligatoire… Bienvenue au Pensionnat des Oiseaux, à Honfleur, en Normandie. Florence Cestac y a été scolarisée dans les années 60 et l’auteure a choisi de nous raconter ses souvenirs à travers la formidable BD Filles des oiseaux, qui vient de sortir aux éditions Dargaud. Avis aux fans : les planches de l’album, de nombreux autres dessins et des masques des personnages emblématiques de Florence Cestac sont exposés à la Galerie Martel jusqu’au 15 octobre. Rencontre avec la seule dessinatrice de BD récompensée par le Grand Prix d’Angoulême, devenue allergique à la religion depuis son passage chez les bonnes sœurs.
Pourquoi avez-vous eu envie de vous replonger dans l’univers des jeunes filles des années 1960 ?
J’avais envie de raconter une histoire d’amitié entre deux filles qui, au départ, n’avaient rien pour se rencontrer. Et puis, les histoires de religion qui sont dans l’air en ce moment m’ont donné envie de témoigner. Dans les années 1960, nous avons subi la religion catholique à haute dose. Nous étions en uniforme, nous n’avions pas le droit de porter des pantalons. Finalement, est-ce que nous étions loin du burkini ? Je ne comprends pas pourquoi la religion s’attaque depuis toujours au corps des femmes.
Vous avez du mal à comprendre les jeunes femmes qui se tournent aujourd’hui vers la religion ?
En effet, je ne comprends pas. Je ne sais pas quelle est la solution mais c’est aux femmes de se prendre en main, d’arrêter de se faire embrigader et priver de liberté. Nous avions jeté tout ça aux orties et c’est hallucinant de voir que cela revient.
Le passage par le pensionnat catholique était-il incontournable à votre époque ?
Oui, quand on était une jeune fille de bonne famille, on y allait pour apprendre à tenir son foyer ou devenir servante du seigneur. Certaines filles étaient également placées là pour les remettre dans le droit chemin.
Pourtant, vous y êtes allée de votre plein gré…
Oui, à 12, 13 ans, je ne m’entendais pas bien avec mon père et j’ai demandé à mes parents, avec qui j’habitais à Rouen, d’aller en pension.
Quel était votre quotidien ?
C’était d’un ennui total avec la prière le matin, avant les cours, après les cours, après le dîner, un abrutissement quotidien. On avait droit à une sortie le jeudi et quand on croisait des garçons, les sœurs nous disaient ‘baissez les yeux, voilà le péché qui passe’. Il y avait une espèce d’atmosphère pesante, comme le dit Jean Teulé dans sa préface : ‘ça sentait les chaussettes du général De Gaulle et la vieille culotte de tante Yvonne’. J’en suis sortie profondément athée.
Mais comme on peut le voir dans votre BD, ce n’était pas le bagne non plus…
Pour moi, finalement, ça a été l’école de la rébellion. J’inventais tous les jours quelque chose pour ennuyer les bonnes sœurs, qui étaient finalement plus bêtes que méchantes. Elles avaient peur de tout ce qui était neuf. Et puis, heureusement, Mai 68 est arrivé.
Justement, tout votre album est en sépia, sauf la dernière page qui éclate de couleurs, pour annoncer le second tome dans lequel vous aborderez Mai 68. Dans la vraie vie, l’avant-après a-t-il été aussi marqué ?
Oui, vraiment. Les jeunes avaient enfin de la musique pour eux, de nouveaux journaux. La vie a radicalement changé. Dans les années 60, on avait juste le choix de devenir une parfaite épouse, de faire des enfants et de tenir la maison. D’un coup, on s’est dit qu’on pouvait faire plein de choses. La libération ! En mai 1968, j’avais 18 ans et je me suis même retrouvée en taule pour vol et destruction de biens nationaux.
Dans quelles circonstances ?
Nous étions dans le bassin d’Arcachon et nous avions descendu tous les drapeaux français des mairies pour les remplacer pour des drapeaux rouges.
Etes-vous nostalgique de cette période ?
Nostalgique, non. Mais nous sommes dans un climat lourd, chargé. Pourquoi pas une rébellion et changer tout ça ? Il faut que les jeunes se bougent.
Mais une rébellion contre quoi ?
Contre la société de consommation, peut-être.
Si vous deviez dessiner 2016, quelles couleurs utiliseriez-vous ?
Des couleurs éteintes. Mais j’ai quand même de l’espoir !
Comment s’annonce le prochain festival d’Angoulême, alors que la dernière édition a été marquée par une polémique sur l’absence de femme dans la sélection pour le Grand Prix ?
Si j’ai bien tout compris, on prend les mêmes et on recommence. Pour cette année, je ne pense pas que les choses vont changer. Le milieu de la BD n’est pas forcément machiste mais il est masculin. Ils ont tellement l’habitude d’être entre mecs que cela ne leur vient même pas à l’idée de se demander pourquoi il y a si peu de femmes et pourquoi on les oublie à chaque fois.
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