Une grève des scénaristes et des acteurs paralyse Hollywood

Intelligence artificielle : pourquoi les acteurs en grève jouent (très) gros pour leur avenir

Publié le 2 octobre 2023 à 17h53

Source : JT 20h WE

À Hollywood, les studios s’apprêtent à reprendre les négociations avec le syndicat des acteurs, une semaine après avoir trouvé un accord avec les scénaristes.
Depuis le début de la grève, le développement de l’intelligence artificielle est un point de tension majeur entre les deux camps.
Des stars aux figurants, la profession est à un tournant vis-à-vis d'une technologie qu’elle a elle-même contribué à alimenter.

Après les scénaristes, les acteurs vont-ils trouver un terrain d’entente avec les studios ? Les négociateurs du syndicat SAG-AFTRA ont rendez-vous ce lundi avec les représentants de l’AMPTP, l’organisation qui regroupe les majors et les plateformes, afin de mettre un terme à un conflit social qui a coûté des centaines de millions de dollars à l’industrie du divertissement. Comme les plumes de Hollywood, les acteurs vont chercher à obtenir un intéressement aux revenus des plateformes de streaming. Mais aussi à obtenir un meilleur encadrement du recours à l’intelligence artificielle, l’objet de tous les fantasmes. 

Le 13 juillet dernier, Duncan Crabtree-Ireland, le négociateur en chef du SAG-AFTRA, avait jeté un pavé dans la mare en affirmant publiquement que les studios souhaitaient pouvoir scanner les figurants et les répliquer "jusqu’à la fin des temps" sans leur consentement. L’AMPTP avait hurlé à la désinformation, jurant que sa proposition d’accord prévoyait non seulement le consentement des acteurs en question, mais également leur juste rémunération.

Un dilemme "injuste" pour les acteurs ?

"Ce n’est pas un véritable consentement. C’est un consentement fictif", avait réagi Duncan Crabtree-Ireland lors d’une conférence Zoom avec les membres du SAG-AFTRA, rapportait alors la revue Variety. "Si vous voulez être embauché et que vous devez consentir à l’utilisation de votre réplique numérique pour l’éternité, votre choix est d’accepter l’emploi et d’accepter ces conditions, ou de refuser l’emploi et vous ne serez pas embauché. C’est un dilemme injuste pour nos membres."

Si Hollywood se retrouve à un tournant sur ces questions, c’est parce que la technologie a fait des progrès considérables… et que les acteurs y ont bien souvent participé eux-mêmes. Le meilleur exemple en date, c’est le rajeunissement de Harrison Ford dans le dernier volet de la saga Indiana Jones. Grâce à un nouveau logiciel utilisant l’intelligence artificielle, les équipes de Lucasfilm ont été capables de créer un "masque numérique" de l’acteur à partir des milliers d’heures qu’il a tournées au fil des décennies pour la société de production.

Des résurrections qui posent question

Pour ce travail "indirect", on peut imaginer que le comédien a été généreusement rémunéré. Et que les producteurs n’auraient jamais osé se servir de ce procédé de manière gênante voire dégradante pour le principal intéressé, à la manière des deepfakes qui pullulent sur Internet. Le procédé est revanche plus contestable dans le récent The Flash où le réalisateur Andy Muschietti a ressuscité Christopher Reeve, le défunt Superman, le temps d’une scène qui convoque différentes incarnations des superhéros DC Comics. Sa famille a-t-elle reçu la moindre contrepartie ? Motus et bouche cousue.

Dans la même séquence, on peut également apercevoir Nicolas Cage dans le costume de Superman, clin d’œil à un film que devait réaliser Tim Burton et qui n’a jamais vu le jour. Interrogé le mois dernier par le British Film Institute, le cinéaste a avoué que ce genre de procédé était l’une des raisons pour lesquelles il en avait "terminé" avec les studios. "Ils peuvent prendre ce que vous avez fait et le détourner", déplorait-il. "Que vous soyez un esclave de Disney ou de la Warner, ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Dans mes dernières années de vie, je suis en révolte contre ça."

Si même un cinéaste majeur comme Tim Burton n’a pas son mot à dire sur la manière dont les personnages de ses films sont réemployés, qu’en sera-t-il d’un acteur en bas de l’échelle à Hollywood ? "Nous allons être systématiquement remplacés par l'intelligence artificielle", expliquait à l’AFP la présidente du SAG-AFTRA, la comédienne Fran Drescher, lorsque la grève a démarré en juillet dernier. "Nous allons continuer à être marginalisés et je suggère à tout le monde de se réveiller."

"Nous ne pouvons pas accepter qu'un figurant soit payé pour une journée de travail, que l'on scanne son visage et qu'ensuite on n'ait plus besoin de lui", insistait l’ex-vedette de la série Une nounou d’enfer, très remontée contre les patrons des majors. "Car il sera utilisé de multiples fois partout où le studio voudra l'utiliser, sans être payé, et sans avoir de travail." Et cette fois, ce ne sera plus de la science-fiction.


Jérôme VERMELIN

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