La comédienne américaine Fran Drescher, 65 ans, préside depuis 2021 le SAG-AFTRA, le principal syndicat des acteurs à Hollywood.Elle est aujourd'hui en première ligne dans les négociations avec les studios, à quelques heures d'une grève générale.Star de la sitcom "Une nounou d'enfer" dans les années 1990, cette ancienne coiffeuse a promis la fermeté face aux grands studios.
Son rire est aussi contagieux que sa détermination. À quelques heures de la fin de l’ultimatum posé aux studios par le SAG-AFTRA, le principal syndicat d’acteurs à Hollywood, tous les regards sont braqués vers sa présidente, la comédienne Fran Drescher. Son nom vous dit quelque chose ? Normal, puisqu’elle était l’héroïne de la sitcom Une nounou d’enfer, un programme culte qui a fait les beaux jours de la chaîne CBS de 1993 à 1999, avant un récent reboot sur Netflix. On peut actuellement redécouvrir l'original sur TFX et en replay sur MYTF1.
Co-scénariste avec Peter David Jacobson, son compagnon de l’époque, cette fille d’immigrés juifs s’était inspirée de sa jeunesse dans le quartier populaire du Queens pour créer son personnage. Elle était Fran, une représentante en cosmétiques trompée par son mari, qui postule auprès d’un père célibataire de Manhattan, en galère avec l’éducation de ses enfants. Sans expérience, elle emportait la mise grâce à son charme, son franc-parler et son grand cœur…
30 ans plus tard, c’est un peu avec la même recette que Fran Drescher a pris les commandes du SAG-AFTRA, en septembre 2021, succédant à Gabrielle Carteris, l’une des stars de la série Beverly Hills 90210. Avec 52,5% des suffrages, la comédienne a triomphé de Matthew Modine, l’acteur de Full Metal Jacket et Stranger Things, qui en était à sa deuxième candidature. Issue de la branche majoritaire et modérée du syndicat, la comédienne avait promis "de l’optimisme et de la positivité" si elle était élue, après la douloureuse période de la pandémie.
Les rivaux de Fran Drescher lui reprochaient un CV vierge en matière syndicale ? Cette ancienne coiffeuse mettait en avant des décennies d’activisme en matière de santé, après avoir vaincu un cancer de l’utérus, diagnostiqué en 2000. Mais aussi dans le domaine des violences sexuelles, elle qui a été violée sous la menace d’une arme lorsqu’elle avait 28 ans, sous le regard impuissant de son mari, ligoté par leur agresseur. "Ce que je ne connais pas, je promets de l’apprendre très vite", déclarait-elle après sa victoire. "Et ce que je connais déjà, ça ne peut pas s’apprendre."
Le capitalisme est devenu un cannibale. Et comme toutes les tumeurs malignes, il oublie de mourir
Fran Drescher en 2017 dans "Vulture"
Avant de présider le SAG-AFTRA, Fran Drescher avait également une expérience de la politique. Si George W. Bush l’a nommé envoyée spéciale pour les questions de santé des femmes durant sa présidence, c’est à Hillary Clinton qu’elle apporté son soutien lors de la primaire démocrate de 2008, remportée par Barack Obama. En 2016, c’est auprès de François Hollande qu’elle a posé, lors d’un séjour à Paris. Depuis, elle en pince pour les écolos du Green Party. Le cœur à gauche la nounou d’enfer ?
Just had dinner with Pres. Hollande of France! Ooh la la pic.twitter.com/8V7gIKjmtt — Fran Drescher (@frandrescher) April 9, 2016
"Je suis anti-capitaliste", expliquera-t-elle l’année suivante dans les pages du magazine Vulture. Un entretien presque surréaliste, à faire pâlir les membres les plus radicaux de La France Insoumise. "Je pense que nous avons besoin d’un nouveau système hybride. Attention, je ne pense pas que ce soit mal de faire de l’argent (…) Mais le capitalisme est devenu un cannibale. Et comme toutes les tumeurs malignes, il oublie de mourir. Il oublie de s’arrêter avant de tuer son hôte".
En relisant ce genre de discours, on imagine la tête des grands patrons des studios lorsque Fran Drescher est venue leur présenter son cahier de condoléances, à l’aube du conflit actuel. Hausse du salaire minimum, à l’heure où les salaires des stars n’ont jamais été aussi élevés, intéressement aux revenus du streaming, encadrement de l’intelligence artificielle, limitation des auditions auto-filmées, qui obligent les acteurs à payer de leur poche pour espérer travailler…
"Si nous n’obtenons pas des avancées significatives, il y aura une grève", a-t-elle déclarée jeudi matin sur le plateau de "Good Morning America". "Nous vivons à une époque bien différente de celle où l’accord actuel avec les studios a été passé. C’est l’ère du digital, c’est l’ère du streaming. Et c’est un business model complètement différent. Ça nécessite que nous soyons fermes et que nous rendions justice aux membres de cette industrie. Je suis là pour gagner."
"It really begs that we stand firm and hold strong and do right by the members in this industry and honor the massive contributions that they make." — @SAGAFTRA president @frandrescher on the #WGAstrike pic.twitter.com/7f9wad3goN — Good Morning America (@GMA) June 29, 2023
Début juin, 98% des 116.000 adhérents du SAG-AFTRA avaient voté le principe d'une grève, les acteurs se montrant solidaires des scénaristes qui ont posé leurs stylos début mai et dont ils partagent plusieurs revendications majeures. Encore hypothétique il y a une semaine, elle semble inévitable depuis qu'une centaine de stars de premier plan comme Jennifer Lawrence et Meryl Streep ont apporté leur soutien à une lettre ouverte, émanant de la base du syndicat, pour réclamer une ligne dure face aux studios. Habile, la présidente l'a signée aussi.