Hergé au Grand Palais : 5 choses que vous ne saviez pas sur le créateur de Tintin

par Jennifer LESIEUR
Publié le 28 septembre 2016 à 14h49
Hergé au Grand Palais : 5 choses que vous ne saviez pas sur le créateur de Tintin

EXPO – Mercredi 28 septembre, le Grand Palais ouvre ses portes à une grande rétrospective consacrée à Hergé. Dévoré par Tintin, l'artiste belge a été longtemps occulté par son personnage majeur. Cette exposition nous dévoile un homme méconnu, pudique et complexe, que Benoît Mouchart approfondit dans "Hergé intime" (Robert Laffont).

Benoît Mouchart n’est pas que tintinophile, il connaît aussi son Hergé comme sa poche. Le directeur éditorial de Casterman, qui édite les albums de Tintin, est l’auteur, avec François Rivière, de la biographie Hergé intime qui vient de reparaître chez Robert Laffont. Son livre révèle des facettes méconnues de la vie et de la personnalité d’Hergé, que Benoît Mouchart décrypte pour nous. 

La folie de sa mère a déteint sur son œuvre

"La mère d’Hergé souffrait d’une forme de dépression et à un début de psychose. Elle était sujette à des crises de colère et de larmes, et son état a empiré après la mort de sa propre mère, survenue quand Hergé dessinait Les Cigares du Pharaon. Dans cet album, il est question d’un poison qui rend fou… A partir de là, le thème de la folie va régulièrement revenir. Au décès de la mère d’Hergé, on voit sept savants plongés dans un état de crise dans Les Sept boules de cristal. Enfin, s’il y a une forme de conformisme dans le personnage de Tintin, autour de lui gravite une galerie de personnages excentriques, voire marginaux, mais qui sont toujours regardés avec bienveillance."

Son statut d’autodidacte l’a longtemps complexé

"Hergé s’est très longtemps jugé médiocre, y compris dans son travail, même s’il a publié ses premiers dessins dans des revues scoutes quand il était adolescent. Il a commencé à dessiner avant d’avoir appris, en quelque sorte. En-dehors de quelques tableaux abstraits qui sont exposés, de nus de Germaine, sa première épouse, et de caricatures, tout ce qu’Hergé dessinait était destiné au public. Le fait d’être autodidacte l’a libéré de la tradition, il n’a pas été formé avec des références académiques. Ses préoccupations ne sont pas liées à la tradition picturale, ce sont plutôt le dynamisme, le mouvement, la vitesse, qui relèvent plus du cinéma... ou de la bande dessinée."

Cher Hergé, l'amitié a toujours été plus importante que l'idéologie
Benoît Mouchart

Il a été blanchi de tout soupçon de collaboration après la guerre

"Le dossier politique d’Hergé est vide. (Pendant la Seconde Guerre mondiale, Hergé a publié ses dessins dans le quotidien belge Le Soir, alors sous la coupe de l’occupant allemand, ndlr.) Il a été interrogé plusieurs fois, il a passé une nuit en prison, et les juges en charge de l’épuration étaient très intransigeants à l’époque en Belgique. Or Hergé n’appartenait à aucun parti politique, il n’a participé à aucun meeting, et dans sa correspondance, ce qui peut choquer aujourd’hui, c’est qu’il se disait neutre. Il fréquentait depuis l’enfance des gens qui ont accédé à de hautes fonctions pendant l’Occupation, et ils sont restés ses amis après la guerre. Chez Hergé, l’amitié a toujours été plus importante que l’idéologie. On aimerait qu’il soit très pur comme Tintin, mais il n’était qu’un être humain…"

Il est devenu plus tolérant avec l’âge

"A 20 ans, Hergé ne savait pas grand-chose mais croyait tout savoir. Ses certitudes ont évolué en doutes, vers quelqu’un de plus ouvert. Il y a beaucoup d’humour dans ses dessins, mais la personnalité qu’il dégage dans les photos ou les interviews paraît raide, dure. François Rivière, avec qui j’ai écrit Hergé intime, se souvient d’un homme devenu avec l’âge très tolérant, très ouvert, qui ne jugeait pas ses interlocuteurs. Et ça correspond à l’idée que l’on se fait de son œuvre : les premiers albums sont pétris de beaucoup de préjugés, qui tombent au fur et à mesure. Les derniers albums sont bien moins manichéens."

Sa deuxième épouse, Fanny Vlamynck, l’a réconcilié avec lui-même et ouvert au monde

"C’est comme si Hergé avait vécu par procuration à travers Tintin, avant de rencontrer Fanny. Avant, il travaillait tous les jours, week-ends compris, il ne prenait pas de vacances… ça l’a d’ailleurs amené à ce qu’on appelle un burn out aujourd’hui. Sa première épouse, Germaine, avait beaucoup de qualités, mais une si grande rigueur morale qu’elle était un peu figée dans ses certitudes. Rencontrer Fanny a aidé Hergé à s’accepter, même s’il s’est reproché de ne pas avoir été assez spontané. Il disait 'je refroidis mon dessin' : la ligne claire, c’est aussi une manière de cerner le monde et les êtres d’un trait précis, presque chirurgical, ça traduit quelqu’un qui réfrène un bouillonnement intérieur. Avec Fanny, il a voyagé, il a ralenti son rythme de travail, il s’est mis à lire des livres de philosophie et de développement personnel. Il est mort dans une grande sérénité."


Jennifer LESIEUR

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