"Il m'a violée alors que les caméras tournaient" : Alyssa Milano livre un témoignage puissant pour les 2 ans de #MeToo

Publié le 14 octobre 2019 à 16h46, mis à jour le 14 octobre 2019 à 17h12

Source : La matinale

COURAGE - Le 15 octobre 2017, elle donnait naissance à un hashtag devenu un mouvement mondial militant pour la parole des victimes de harcèlement et d'agression sexuels. Dans l'épisode de son podcast "Sorry not sorry" publié cette semaine, l'actrice américaine témoigne de sa propre expérience avec son "prédateur" hollywoodien.

Elle a fait de son podcast une tribune. Un espace où la parole est libérée et où tous les sujets sont évoqués sans tabou. L'épisode de "Sorry not sorry" ("désolée, mais pas vraiment") publié lundi 14 octobre est l'occasion pour Alyssa Milano de revenir sur l'explosion du mouvement #MeToo, qu'elle a lancé avec un hashtag il y a deux en réaction aux révélations sur le producteur Harvey Weinstein.

Après avoir fait témoigner plusieurs femmes, l'actrice de 47 ans choisit de "raconter son histoire #MeToo à Hollywood".  "J'ai partagé mes autres histoires #MeToo mais je n'ai jamais partagé celle-là publiquement avant. C'était il y a presque 25 ans mais c'est toujours très difficile d'en parler", prévient-elle. Avant de livrer un récit glaçant.

Alyssa Milano remonte le temps jusqu'en 1993. "L'année qui a suivi l'arrêt de 'Madame est servie', je travaillais dur pour sortir de la case dans laquelle mon travail en tant qu'enfant-star à la télévision m'avait mise. À l'époque, ça voulait dire accepter des rôles qui avaient des scènes de sexe. L'un de ces films avait une scène dans laquelle je faisais l'amour avec un homme de 17 ans mon aîné",  note-t-elle, sans dévoiler le titre du long-métrage en question. Elle souligne l'une des mauvaises habitudes de Hollywood, à savoir que "c'est presque toujours un homme plus âgé avec une femme plus jeune". 

"Mais les professionnels apprennent à gérer la situation de manière appropriée, sans dépasser les limites et en faisant fi du consentement, avec un degré de confiance qui est tellement important. Les prédateurs ne peuvent pas. Cet homme n'était pas un professionnel", dit-elle de son agresseur présumé, qu'elle n'appellera que "le prédateur" durant les moins de 5 minutes que dure son récit.

ANGELA WEISS / AFP

"Il a profité d'un moment de totale vulnérabilité pour mettre ses mains sous mes sous-vêtements  et essayer d'insérer ses doigts en moi. Il m'a violée sur le tournage, alors que les caméras tournaient", poursuit-elle, faisant des pauses entre chaque phrase. Elle se souvient s'être "figée" puis avoir couru vers sa loge. "Je pleurais, j'avais peur et j'étais furieuse. Le réalisateur du film, juste après mon agression, m'a dit : "Je suis désolé, je ne sais pas ce que tu veux que je fasse à propos de ça. Est-ce que je devrais appeler la police ?"", se remémore-t-elle.

J'ai fini par retourner sur le plateau et continuer, pendant six heures, à tourner la scène avec l'homme qui venait de m'agresser sexuellement
Alyssa Milano

Le tournage a été brièvement interrompu mais Alyssa Milano dit s'être "sentie piégée, complètement seule et sans soutien des responsables de cette production". "Les gens attendaient après moi, je portais le futur du film sur mes épaules alors que j'étais en pleine détresse émotionnelle", ajoute-t-elle. Mais sous la pression, elle a fini par "retourner sur le plateau et continuer, pendant six heures, à tourner la scène avec l'homme qui venait de l'agresser sexuellement". Son agresseur présumé "est toujours dans l'industrie" et "continue à jouer dans des productions très visibles".

Son identité, elle a "failli" la dévoiler. "Je voulais vraiment le faire.  Je veux qu'il subisse les mêmes conséquences qui me touchent encore après cette attaque. Je veux qu'il ressente mon anxiété et ma panique quand je reviens sur un plateau. Je veux qu'il voit son monde s'écrouler autour de lui de la même manière que le mien s'est écroulé autour de moi", insiste Alyssa Milano. Si elle n'en dit pas plus, c'est par respect pour sa femme et leurs enfants. "Je ne veux pas les prendre pour cibles. Je ne veux pas mettre en lumière les personnes qui ont travaillé avec moi sur ce film et les forcer à parler publiquement d'une affaire qui était si privée. Et franchement, je ne veux pas mettre en péril ma propre carrière ou ma stabilité financière si jamais ce prédateur essayait de porter plainte contre moi", anticipe-t-elle. 

Aucune femme qui a dû supporter la douleur de l'agression sexuelle ne devrait avoir à supporter plus parce qu'elle dit la vérité à ce sujet. Et pourtant, on le fait
Alyssa Milano

Mais les médias américains devraient rapidement partir en quête de l'information et faire se délier les langues. Alyssa Milano ne veut pas souffrir du "victim blaming", tendance qui consiste à faire se reporter la responsabilité sur les victimes et non sur leurs agresseurs présumés. "Je ne veux pas qu'on me persécute pour avoir dit la vérité (...). Ce n'est pas comme ça que ça devrait être. Je ne devrais pas être celle qui craint les conséquences", martèle-t-elle. Elle cite Christine Ford, l'accusatrice de Brett Kavanaugh, dont le témoignage ne l'a pas empêché d'être nommé à la Cour suprême américaine. Ou encore Anita Hill, une juriste qui a accusé son ancien patron devenu membre de la Cour suprême de harcèlement sexuel en 1991. C'est Joe Biden, alors président de la commission judiciaire du Sénat, qui avait confirmé sa nomination.

"Aucune femme qui a dû supporter la douleur de l'agression sexuelle ne devrait avoir à supporter plus parce qu'elle dit la vérité à ce sujet. Et pourtant, on le fait", conclut Alyssa Milano, qui souhaite que #MeToo se concentre désormais sur la perception des victimes. Une prise de parole courageuse et puissante qui ne devrait pas rester sans écho.


Delphine DE FREITAS

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