En salles le 13 avril, "Le Dernier Piano" est le premier film du Libanais Jimmy Keyrouz.Son héros est un musicien qui rêve de quitter son pays, occupé par l’État islamique.Le jeune cinéaste raconte à TF1info les coulisses de ce projet pas comme les autres.
Au milieu des décombres, un pianiste joue sa partition comme si de rien n’était, ou presque. De la guerre en Syrie à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, cette image symbolique se répète de manière surprenante dans l'actualité. Elle a nourri l’imaginaire du jeune réalisateur libanais Jimmy Keyrouz qui en a fait un court-métrage, Nocturne in Black, qui a fait le tour du monde, puis un long, Le Dernier Piano, au cinéma en France mercredi 13 avril après avoir été sélectionné au Festival de Cannes en 2020.
Karim, son héros, est un musicien qui vit dans un petit village sous la coupe de l’État islamique. Alors qu’il a l’opportunité de passer une audition à Vienne, il décide de vendre le piano de sa mère pour financer le voyage. Lorsque l’instrument est détruit par l’occupant, le jeune homme décide de partir à la recherche de pièces de rechange, au péril de sa vie... Tourné entre le Liban et l'Irak, ce premier film engagé et émouvant a été mis en musique par Gabriel Yared, le compositeur de B.O. de légende comme L'Amant et Le Patient Anglais.
Comment est né ce film, qui est le prolongement d’un court-métrage ?
Tout a commencé en 2014. À l’époque, j’étais encore étudiant à l’Université de Columbia, à New York. Je suivais l’actualité de la guerre en Syrie, la montée en puissance de l’État islamique, avec des scènes aussi choquantes qu’absurdes. Je me rappelle avoir été interpellé par le fait que la musique soit interdite. Je joue moi-même du piano et je trouvais ça fou que quelque chose d’aussi innocent, aussi beau que la musique puisse être interdit. Je suis parti de là et en faisant des recherches, j’ai découvert que beaucoup de musiciens continuaient à jouer dans les décombres, malgré la guerre, malgré les obus. Malgré l’interdiction. Et c’est quelque chose qu’on voit encore maintenant en Afghanistan ou en Ukraine. Je voulais surtout faire parvenir un message d’espoir. Ce film, c’est l’histoire de quelqu’un qui est prêt à tout pour faire vivre ses rêves.
Je voulais surtout faire parvenir un message d’espoir. Ce film, c’est l’histoire de quelqu’un qui est prêt à tout pour faire vivre ses rêves
Jimmy Keyrouz
Passer du court au long-métrage, c’est un combat ?
C’est conseillé en tout cas ! Après avoir fini le court en 2016, je pensais déjà au long. J’avais un autre projet en tête mais tout le monde me conseillait de faire le long-métrage. C’est quelque chose que beaucoup de réalisateurs ont fait, même les plus grands. Pour plusieurs raisons, mais d’abord parce que c’est comme une carte de visite. Ça prouve aux producteurs qu’on est capable de raconter une histoire en 5 minutes, en 10 ou en 20. Pour ensuite le faire en 1h30 et plus.
Dans les décombres de Mossoul
Le décor du film est très réaliste, mais il est totalement fictif. Où l’avez-vous recréé ?
On n’a pas pu tourner en Syrie, pour des raisons évidentes. L’Irak aussi c’est compliqué mais on a quand même réussi à tourner à Mossoul, durant cinq jours, pour tout ce qui est plans extérieurs, plans larges, parce qu’on n’avait pas les moyens de reconstituer ça en studio ou par ordinateur comme le font les grosses productions. Le reste a été fait au Liban, notamment les scènes en intérieur. L’histoire en elle-même pourrait se passer en Irak ou en Syrie, mais je ne l’ai pas précisé parce que peu importe. Je montre avant tout une région qui a été conquise par l’État islamique et où la musique est interdite. Ce qui est arrivé dans les deux.
Les images de destruction que vous avez filmées à Mossoul sont particulièrement impressionnantes… Est-ce troublant sur le moment ? Ressentons aussi une forme de responsabilité ?
Lorsque nous avons filmé là-bas, les combats s’étaient achevés il y a un peu plus d’un an. Il y avait toujours les odeurs de cadavres sous les décombres. Tout n’avait pas été déblayé et une bonne partie de la ville était toujours en ruines. Sur place on ressent beaucoup de tristesse. Mais il y aussi de la beauté parce que la vie continue. Dans ces décombres, il y a toujours des enfants qui jouent. Il y a toujours une femme qui cuisine pour sa famille. Et oui, il y a une forme de responsabilité à montrer la tristesse, l’absurdité de la guerre. Et l’importance de toujours garder l’espoir. Parce que pour moi il y a toujours de la lumière, même dans les ténèbres.
Comment un jeune réalisateur comme vous parvient-il à convaincre un compositeur aussi demandé que Gabriel Yared d’écrire la BO de son premier film ?
J’avoue que n’y croyais pas trop au départ. Je n’avais pas un gros budget et je me disais qu’il était sûrement très occupé. Et il était très occupé ! Une connaissance commune lui a envoyé le scénario, il a adoré, et il a demandé à me voir. On s’est rencontré à Paris, on a discuté et le courant est très bien passé. C’est un très grand compositeur, d’accord. Mais étant moi d’origine libanaise, et lui ayant grandi au Liban, j’étais persuadé qu’il allait apporter quelque chose de plus à la musique. Qu’il aurait une compréhension et des souvenirs différents de cette partie du monde que d’autres compositeurs. Pas seulement ajouter une touche orientale, mais qu’il serait en mesure d’aller plus loin.
Comment avez-vous travaillé ensemble ? Lui avez-vous donné des directives précises ?
Je suis venu le voir à deux reprises à Paris et on a beaucoup discuté des pièces que devait jouer Karim à l’écran. Moi j’avais comme référence cette scène du film Les Evadés, où le personnage principal joué par Tim Robbins rentre dans le bureau de directeur de la prison. Il sort un 33 tours d’une boite et joue un opéra italien que toute la prison entend. À ce moment-là le personnage joué par Morgan Freeman explique en voix off : "Je ne sais pas de quoi parle cette cantatrice, mais durant un moment tout le monde s’est senti libre". Dans mon film, Karim dit qu’il y a toujours de belles choses dans la vie pour lesquelles il faut se battre. C’est ce que je voulais avec la musique de Gabriel. Je voulais qu’elle transporte, qu’elle nous emmène ailleurs. Et j’ai trouvé le résultat magnifique.
>> Le Dernier Piano de Jimmy Keyrouz. Avec Tarek Yaacoub, Rola Baksmati, Mounir Maasri. 1h50. En salles le 13 avril.
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