Jesse Eisenberg, la star de "The Social Network" à Deauville : "Je ne suis ni sur Facebook, ni sur Twitter !"

Publié le 5 septembre 2022 à 21h59

Source : JT 20h Semaine

L’acteur américain est venu à Deauville présenter son premier film de réalisateur, "When You Finish Saving The World".
Une tragicomédie qui met en scène une relation mère-fils pour le moins compliquée à l’ère des réseaux sociaux.
Pas tout à fait surprenant de la part de celui qui avait incarné Mark Zuckerberg dans "The Social Network".

Il a bientôt 40 ans, mais une allure d’éternel ado, la politesse en prime. "Salut, moi c’est Jesse !", nous lance d’ailleurs Jesse Eisenberg lorsqu’il vient à notre rencontre dans les salons feutrés d’un hôtel de Deauville. Comme si on n’avait pas reconnu celui qui incarnait avec brio le créateur de Facebook Mark Zuckerberg dans le génial The Social Network de David Fincher en 2010.

Aussi à l’aise en tant qu'acteur dans les blockbusters (Bienvenue à Zombieland, Justice League) que dans le cinéma indépendant (Night Moves, Vivarium), c’est dans la deuxième catégorie qu’il fait ses débuts de réalisateur avec le très chouette When You Finish Saving The World, dont il a également signé le scénario.

C’est l’histoire de Evelyn (Julianne Moore), une travailleuse sociale dont l’ado Ziggy (Finn Wolfhard de Stranger Things) s’est lancé dans une carrière de chanteur sur Youtube. Un choc des générations qui raconte notre époque avec humour et sensibilité. Et qui est bien plus personnel qu’on pourrait le croire pour son auteur.

Pour un premier film, on va souvent chercher dans son histoire personnelle. C’est le cas avec le vôtre ? 

Le film est personnel d’une façon détournée. Il ne parle pas de ma vie. Mais il parle de quelque chose contre lequel je lutte. Je suis un acteur, je travaille dans le divertissement populaire tandis que tout le monde autour de moi travail dans le social. Ma femme a lancé un programme d’insertion des handicapés à New York, mon meilleur ami donne des cours à d’anciens détenus et ma mère donne des cours d’éthique aux médecins. Et moi... je fais des films de zombies ! Lorsque je rentre à la maison le soir, j’essaie de me réconcilier avec moi-même et de trouver de la valeur aux choses qui me rendent populaire, par opposition avec leur travail qui ne fait pas de bruit, mais qui est très important. Mon film suit cette idée. Il y a cette femme, Evelyn, qui travaille dans un foyer pour femmes victimes de violences conjugales. C’est quelqu’un qui sauve des vies. Et puis il y a son fils, Ziggy, c’est un songwriter en ligne, il a 20.000 abonnés sur Youtube. Ils s’engueulent parce que chacun n’accorde pas de valeur à la façon de vivre de l’autre. En fait, ils se battent à la maison comme je me bats dans ma propre tête !

Ziggy fait partie d’une génération qui est née avec les réseaux sociaux. Ils vivent, respirent, gagnent même de l’argent grâce à leurs publications. Ça vous effraye ? Ça vous amuse ? 

Moi, je n’ai pas grandi en jouant la comédie en ligne. J’ai commencé au théâtre. Et il me semble  qu’il y a un truc un peu triste dans le fait de jouer ses chansons devant un écran dans sa chambre. Mais il y a aussi là-dedans quelque chose d’assez relaxant, parce qu’on est dans son confort, il n’y a pas l’anxiété de se produire sur scène. Dans le film je voulais montrer l’envers du décor de ce genre de situation, avec le côté un pathétique d’un personnage qui attend que les gens lui envoient un pourboire depuis sa chambre d’ado. 

On peut être incroyablement populaire sur les réseaux. Mais c’est dans un périmètre hyper spécifique dont le reste du monde n’a jamais entendu parler
Jesse Eisenberg

Avec les réseaux sociaux, beaucoup de gamins pensent pouvoir devenir des stars. C’est un leurre ?  

Dans le film, Ziggy a 20.000 fans en ligne. Mais lorsqu’il va à l’école, personne ne sait qui il est. On le considère un peu comme un loser et il rêve d’attirer l’attention des gamins qui sont plus impliqués politiquement que lui. C’est quelque chose qui est assez dingue dans le monde d’aujourd’hui. On peut être incroyablement populaire sur les réseaux. Mais c’est dans un périmètre hyper spécifique dont le reste du monde n’a jamais entendu parler. Quand j’étais gosse, je faisais du théâtre pour enfants, je participais à des spectacles off sur Broadway. Je me rappelle que je jouais dans des endroits incroyables. Mais quand je retournais à l’école, dans le New Jersey, je n’en parlais pas à camarades, j’avais peur qu’ils se moquent de moi. Dans un sens, ça ressemble un peu à Ziggy.

Il y a 12 ans vous avez joué le "parrain" des réseaux sociaux puisque vous étiez Mark Zuckerberg dans The Social Network. Quel regard portez-vous sur l’évolution de cet univers ? 

Moi je ne suis sur aucune application. Ni sur Facebook, ni sur Twitter. Grâce à mon métier, je suis déjà un personnage public comme lorsque je suis en train de faire des interviews. Alors quand je rentre à la maison, je recherche un maximum d’intimité. Je ne vais poster des trucs sur ma vie personnelle, ce serait too much ! Facebook, comme les autres réseaux, incarne une forme de communication qui est désormais omniprésente, avec ses problèmes inattendus parce que c’est une nouvelle technologie. Ce qui est drôle, c’est que je suis associé à Facebook parce que je suis dans le film. Mais en même temps personne n’a jamais vendu ou détourné une photo privée de moi sur les réseaux… parce qu’il n’y en a pas !

Vous aimeriez rejouer Zuckerberg, une décennie plus tard ? 

Ce qui était génial avec ce film, c’est qu’il parlait de Facebook… sans véritablement parler de Facebook. Le génie d’Aaron Sorkin, qui l’a écrit, c’était de s’en servir pour dire quelque chose de la condition humaine. De même que les personnages étaient avant tout de grands personnages, au-delà de leur identité en fait. 

Dans le film, Zuckerberg est encore un personnage positif. Depuis, beaucoup voit en lui le diable, non ?

Moi, je dirais que dans le film, on le considère déjà comme quelqu’un de disons "difficile" dans les relations humaines. La perception du public a sans doute évolué. Mais c’est parce qu’au départ, le public n’avait simplement aucune perception de lui. On ne savait rien, comme on ne savait rien de tous les créateurs de ces inventions si importantes aujourd’hui dans nos vies. Et ce qui est certain, c’est qu’ils détiennent désormais bien plus de pouvoir que tout ce qu’on pouvait imaginer.

Plus de pouvoir que les artistes, non ? 

C’est différent. Les artistes sont là pour tendre un miroir à leur époque. Ils réagissent au monde qui les entoure, du moins c’est comme ça que j’envisage l’art. Même si certains voient peut-être les choses autrement…

Vous avez été Lex Luthor dans Batman v Superman et Justice League de Zack Snyder. Cet univers des blockbusters est à des années lumières de votre film. Vous vous imaginez y retourner ? 

L’industrie du divertissement est tellement imprévisible. Je viens de faire une série, je n’ai pas travaillé depuis deux mois et demi et je commence un nouveau film dans un mois. Ça fait trois mois et demi off et je ne sais pas quoi faire de ma vie ! Moi, j'aime rester occupé. Ça peut être en faisant une série ou une pièce de théâtre. Ou en réalisant un film, ce qui est désormais un rêve devenu réalité.

>> When You Finish Saving The World de Jesse Eisenberg. Avec Julianne Moore, Finn Wolfhard. 1h28. En salles prochainement.


Jérôme VERMELIN

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