"Johnny Hallyday ne s’est jamais plaint" : Yodelice raconte les coulisses de l’enregistrement de "Mon pays c’est l’amour"

Publié le 16 octobre 2018 à 18h15, mis à jour le 16 octobre 2018 à 18h30

Source : JT 20h Semaine

CONFIDENCES - Muet depuis la disparition de Johnny Hallyday, Maxim Nucci, alias Yodelice, a raconté avec beaucoup d'émotion la création et l'enregistrement de "Mon pays c'est l'amour", à l'issue de la première écoute du disque, ce lundi 15 octobre dans les locaux de Warner Music. Récit.

Maxim Nucci n’avait pas encore 30 ans lorsqu’il a croisé pour la première fois la route de Johnny Hallyday. C’était en 2010 : le jeune musicien débarque à Los Angeles dans les valises de Matthieu Chedid, venu écrire et enregistrer avec lui l’album "Jamais seul", le premier opus du "patron", après sa sortie du coma quelques mois plus tôt suite à son hospitalisation en urgence au Cedars-Sinai de Los Angeles.

L’accueil du public sera mitigé, et sans doute un peu injuste avec le recul. Mais le rockeur a repéré ce prodige qui, après avoir travaillé pour les autres – le groupe L5, Jenifer, Anna Torojo de Meccano –, vient de lancer sa carrière solo sous le pseudonyme de Yodelice, décrochant la Victoire de la musique de l’album révélation avec l’excellent "Tree of Life".

Simple compositeur en 2014 sur "Rester Vivant", Maxim Nucci - Max pour les intimes – prend les commandes du vaisseau Hallyday l’année suivante avec "De l’amour". Un disque sobre et élégant dont les accents blues et rockabilly rendent hommage à la musique américaine que Johnny préfère. Annoncée sur scène, lors d’un concert  à Lille en octobre 2015, cette collaboration fructueuse est saluée par le public, comme par la critique.

Sorti un 13 novembre de funeste mémoire, "De l’amour" est un franc succès avec plus de 300.000 exemplaires vendus. Et une Victoire de la musique du meilleur album de chansons que les deux hommes viennent chercher ensemble sur la scène du Zénith de Paris, le 16 février 2016. Johnny et Yodelice ont beau avoir 36 ans d’écart, entre eux l’entente musicale est totale. Et appelle une suite.

"Johnny a très vite manifesté son envie de revenir sur scène", a expliqué Maxim Nucci, ce lundi 15 octobre, lors de la conférence de presse du tant attendu "Mon pays c’est l’amour". "On sortait d’un premier album ensemble qui était assez épuré. Et son envie de "faire des stades" nous a poussés à balayer l’ensemble des styles musicaux de sa carrière. Et à tendre sur certains titres vers des arrangements un peu épiques."

Je savais qu’à chaque fois que je pouvais lui ramener une chanson que potentiellement il pouvait aimer, ça lui faisait du bien
Yodelice

Un enthousiasme vite douché par l’annonce du cancer qui ronge le rockeur. "Personnellement, j’étais tétanisé", avoue Maxim Nucci. "Je n’étais plus du tout dans l’idée de faire un album mais d’essayer de lui ramener des chansons. Johnny, la musique, ses fans, la perspective d’un concert, c’était son moteur. Son carburant. Et donc je savais qu’à chaque fois que je pouvais lui ramener une chanson que potentiellement il pouvait aimer, ça lui faisait du bien. C’est tout con. Mais c’est ça."

L’écriture de ce qui sera le 51e et dernier album de Johnny Hallyday avancera par couches successives, avec plusieurs équipes d’auteurs. "J’étais en studio avec Yohann Mallory et Hervé Le Sourd, des jeunes qui ont beaucoup de talent. On travaillait pour un autre artiste et Johnny m’appelle pour me dire ‘t’en es où ? J’attends des chansons.’ Et je ramais. J’avais l’impression que tout ce que je faisais n’était pas assez bien. Un week-end, j’ai dit à Yohann et Hervé qu’il fallait travailler pour Johnny. Ils étaient comme des dingues."

Le duo va écrire "Pardonne-moi" et "Je ne suis qu’un homme", "deux textes qui ont plu à Johnny. Et ça m’a fait du bien." De fil en aiguille, Maxim Nucci retrouve le chemin de l’inspiration. En parcourant une série de textes validés par le rockeur à l’époque de "De l’amour",  il retrouve celui de "4m2", un gros rock inspiré par sa fascination pour l’univers carcéral. Il y a aussi "Back in LA", avec son "riff stonien" sur lequel Miossec va poser ses paroles. Mais aussi "Tomber Encore", écrite par un fan qui avait proposé ses services au duo à l'issue d'un concert.

En août 2017, Maxim Nucci démarre l’enregistrement de la musique à Los Angeles, avec la crème des musiciens de studio américains. Parmi eux, le guitariste Dean Parks (Michael Bublé, T-Bone Burnett), le bassiste Davey Faragher (Elvis Costello, Sheryl Crow) ou encore le batteur Matt Chamberlain (David Bowie, Tori Amos). Une vingtaine de chansons sont mise en forme, dont trois bénéficient déjà de la voix de Johnny : "Pardonne-moi", "Un enfant du siècle" et "Je ne suis qu’un homme".

Après la tournée des Vieilles Canailles, Johnny s’octroie quelques jours de vacances à Saint-Barth en famille, avant de reprendre le travail entre La Savannah, sa maison de Marne-la-Coquette, et le studio Guillaume Tell, en banlieue parisienne. "J’allais chez lui le matin avec une guitare et on travaillait les titres avant d’aller en studio. C’était un rituel déjà à l’époque de "De l’amour" à Los Angeles. Il annotait les textes. Et il choisissait la chanson qu’il allait chanter l’après-midi."

Lorsque Johnny Hallyday s’éteint le 5 décembre, Maxim Nucci se retrouve avec la lourde tâche de finaliser ce projet qui tenait tant à cœur à son aîné. "C’était très difficile de travailler sur sa voix, sur ces textes qui d’un coup prenaient un autre sens", se souvient-il. "Je crois qu’on a beaucoup pleuré. Il y avait des moments où on restait focus sur ce qu’on avait à faire. Et puis d’autres où se laissait aller… C’était très pénible. Je n’aurais jamais cru vivre quelque chose d’aussi difficile en faisant de la musique."

Il était grand, il était classe. Il était élégant. Il n’y a pas un moment pendant ces sessions où il s’est plaint de quoi que ce soit
Yodelice

Soutenu par Laeticia Hallyday, par le manager Sébastien Farran et toute l’équipe artistique de Warner Music, Maxim Nucci met la touche finale au disque. "98% de ce qu’on entend était enregistré au moment où Johnny posait les voix", précise-t-il. "Ce qui a été fait après, ce sont les cordes, les cuivres. Il avait manifesté son envie de renforcer les guitares sur deux titres pour que ce soit "plus rock n’roll", comme il disait. Ce que j'ai fait avec Yarol. On a également enregistré ses choristes de scène, Amy et Carmen, pour des doublages de refrains."

Lorsqu’on aborde la maladie de Johnny Hallyday, Maxim Nucci cherche ses mots, ému. "Il nous a beaucoup préservé", assure-t-il. "Il était grand, il était classe. Il était élégant. Il n’y a pas un moment pendant ces sessions où il s’est plaint de quoi que ce soit. C’est ce qui fait qu’on travaillait ce disque comme un autre disque. A aucun moment il ne nous a fait sentir que ça pouvait être le dernier."


Jérôme VERMELIN

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