La dictée, un exercice figé dans le temps

par Judith KORBER
Publié le 1 septembre 2016 à 12h37
La dictée, un exercice figé dans le temps
Source : Sipa

RENTRÉE DES CLASSES – "La dictée, une histoire française", de Laure de Chantal et Xavier Mauduit, vient de sortir aux éditions Stock. A l’occasion de la rentrée, ce jeudi 1er septembre, LCI vous dit tout sur cet exercice qui fait suer les élèves depuis des générations, sans forcément suivre son époque.

"Prenez une feuille et un stylo." Depuis des générations, la dictée donne des sueurs froides aux élèves français. En ce jour de rentrée, Laure de Chantal, agrégée de lettres classiques et co-auteur avec Xavier Mauduit de La dictée, une  histoire française (éditions Stock), nous décrypte cet exercice obligatoire. 

La dictée, de l’histoire ancienne

"L’exercice remonte à l’introduction du certificat d’études [en 1866, sous l’impulsion du ministre Victor Duruy, ndlr.] et devient fréquent dans les années 1880 avec  l’école obligatoire."

La dictée, au-delà de l’orthographe

"La dictée était le moment idéal pour inculquer des règles de morale ou faire de l’instruction civique. L’instituteur trône au milieu de la classe. Les élèves, toutes oreilles tendues, sont suspendus à ses lèvres. Au XIXe siècle, on fait passer des messages d’hygiène : il faut se moucher, se laver les mains. D’autres dictées portent sur l’obéissance, la patience… Il peut aussi y avoir de la propagande quand, par exemple, il s’agit d’aller reprendre l’Alsace et la Lorraine."

La dictée, la fête des clichés

"La dictée met des gens dans des cases, notamment les femmes. La meilleure amie de la femme au foyer est l’aiguille. La mère est celle qui se lève la première pour laver le linge, faire les courses. Ses connaissances lui permettent de soigner son mari, ses enfants. Elle doit aussi et surtout bien faire la cuisine, sinon son époux ira dans ce lieu de perdition qu’est le cabaret."

La dictée, toujours stéréotypée ?

"Dans les dictées récentes, on ne retrouve pas ces clichés de manière aussi crue. Il n’y a pas : ‘Faites bien la cuisine sinon votre mari ira au McDo, antre de perdition et lieu de cholestérol.’ Cependant, on y trouve encore des familles traditionnelles avec un papa et une maman qui ont deux enfants, un garçon et une fille. Il n’y a pas de divorce, de famille recomposée, de père gay…"

La dictée, des images d’Épinal 

"Il n’y a jamais de drame dans les dictées. On évoque l’adolescence avec une jeune fille qui abandonne ses cours de guitare parce que cela ne l’intéresse plus. Pas question de mentionner une quelconque rébellion contre les parents. Il y a un côté rétro un peu charmant. Même dans les dictées de 2015, les gens ont des ordinateurs de bureau avec des mulots dont ils ne savent pas vraiment s'en servir. Ils prennent leur auto le matin et il n’y a jamais d’embouteillage. Le téléphone portable a un côté outil futuriste. Il n’y a pas de néologisme. La dictée regarde toujours un peu en arrière."

La dictée, plus difficile avant ? 

"Si on compare les dictées du BEPC et celles du certificat d’études, il n’y a pas vraiment de différence de niveau. Les dictées d’aujourd’hui ne sont pas plus difficiles que celles d’hier. Quant au niveau des élèves, une étude a été réalisée à partir d’une dictée test : ‘Les arbres’, de Fénelon, qui était très fréquente au XIXe siècle. Les chercheurs ont pu établir que le niveau de français avait nettement augmenté jusque dans les années 1980. En revanche, entre 1987 et 2005, il a diminué." 


Judith KORBER

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