"La leçon du mal" : avant le manga à succès, le roman vraiment (très) méchant qui a fasciné le Japon

Publié le 12 octobre 2022 à 11h03

Source : JT 20h Semaine

À l’origine d’un manga devenu culte, le roman "La leçon du mal " (Belfond) n’était jamais sorti en France.
L’écrivain Yûsuke Kishi y met en scène un serial killer dissimulé sous les traits d’un charmant prof d’anglais.
Entre hyper violence et humour noir, c’est la révélation inattendue de cette rentrée littéraire.

Plus charmant, tu meurs. Seiji Hasumi, la figure centrale de La leçon du mal, doit davantage au Patrick Bateman d’American Psycho qu’à Jeffrey Dahmer, le véritable serial killer de la série Netflix. Beau gosse, bienveillant, aux petits soins pour ses élèves… Ce prof d’anglais d’un lycée de la ville de Machida est en réalité un monstre manipulateur, dénué de la moindre empathie. Dans sa classe, tout le monde se laisse berner hormis l’hyper sensible Reika qui alerte ses deux meilleurs amis, Keisuke et Yûichirô. Parviendront-ils à le démasquer avant qu’il ne soit trop tard ?

Sorti dans son pays d’origine en 2010, ce petit chef-d'œuvre de cruauté a été plébiscité chez nous sous forme de manga, paru aux éditions Kana. Il a également été adapté au cinéma par le réalisateur déjanté Takashi Miike pour un film encore inédit en France. Mais on vous recommande franchement de découvrir le texte à la source, publié en cette rentrée chez Belfond. Une maison bien connue des amateurs de littérature japonaise puisqu’elle édite les œuvres complètes du maître Haruki Murakami.

Un psychopathe qui ne recule devant rien

Hyper addictif, audacieux et d’une noirceur absolue, La leçon du mal joue sans cesse avec les attentes du lecteur, questionnant aussi bien sa morale que ses pulsions les plus sombres. Dès la scène d’ouverture, où Hasumi rêve de tirer ses élèves à la carabine comme à la fête foraine, on se dit qu’il y a quelque chose qui cloche dans sa tête. Puis lorsque Reika décrit l’atmosphère au sein du lycée, on aurait presque envie de lui prêter main forte.

"L’école n’était pas un sanctuaire dédié à la protection des enfants, mais une arène où seule régnait la loi du plus fort", écrit Yûsuke Kishi. "Afin de survivre, il fallait soit avoir de la chance, soit faire preuve de beaucoup d’intuition, soit pouvoir déployer la violence physique nécessaire pour se défendre." On se dit alors qu’on va peut-être assister à une version "high school" de Battle Royale. Mais très vite, l’écrivain nous fait comprendre que le principal danger, c’est bel et bien ce super prof qui ne recule devant rien pour parvenir à ses fins.

Au fil des pages et des rebondissements, Yûsuke Kishi nous fait pénétrer l’âme noire de sa terrifiante créature depuis le berceau. "Bébé, tout lui semblait si neuf, si attirant qu’il avait une soif de connaissances inextinguible", s’amuse-t-il. "Il observait, touchait, faisait bouger l’objet de sa curiosité. Puis il le brisait". Un flashback délicieux qui renforce la fascination du lecteur avant une dernière partie cauchemardesque qu’il serait criminel de spoiler. Vous voilà prévenus.

Diplômé en économie de l’Université de Kyoto et ancien agent d’assurance, Yûsuke Kishi  publie des romans de genre depuis le milieu des années 1990 au Japon. La leçon du mal est le premier à être traduit en France alors que l'écrivain vient de fêter ses 63 ans. Avec son style incisif et imagé, l’ambiguïté de ses personnages et son humour corrosif, c’est l’une des plus excitantes révélations de la rentrée littéraire. Mieux vaut tard que jamais.


Jérôme VERMELIN

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