Le 20 novembre 2013, le cinéma parisien Le Grand Rex était le tout premier en France à s’emparer du film d’animation Disney devenu par la suite un phénomène.Une décennie plus tard, la magie d’Elsa et de sa bande originale continue à opérer sur les nouvelles générations.À commencer par sa chanson phare, devenu un "hymne culte" aussi entêtant qu’agaçant.
Il suffit de lire son titre pour l’avoir en tête. À moins d’avoir vécu dans une cave sans accès à Internet ces dix dernières années, impossible d’être passé à côté de la chanson "Libérée, délivrée". Le mois dernier encore, ils sont près de 2000 à avoir martelé ces deux mots pour une séance spéciale de La Reine des neiges dans la salle principale du Grand Rex, là même où le film d’animation Disney a été projeté pour la toute première fois le 20 novembre 2013. Un cinéma-karaoké, qui permet aux spectateurs de chanter en même temps que les héros. Sans se faire réprimander par le voisin.
Les parents emmènent leurs enfants d’habitude. Mais cette fois, c’était le contraire !
Natacha Campana, fondatrice du cinéma-karaoké L'Écran Pop
"Ça faisait un petit moment qu’on discutait avec Disney de ce qu’on pourrait faire ensemble. Ils m'ont proposé La Reine des neiges à l'occasion des dix ans de sa sortie. J'ai sauté sur l'occasion pour le premier film d'animation de notre catalogue", explique à TF1info Natacha Campana, fondatrice de L’Écran Pop qui organise depuis 2017 des séances chantées de comédies musicales cultes. Librement inspiré du conte du même nom d'Andersen, La Reine des neiges narre le destin de la princesse Elsa, terrifiée par le pouvoir magique qui lui permet de contrôler la neige et la glace, et de sa soeur Anna, qui part à sa recherche accompagnée du montagnard Kristoff.
"On propose des films qui se transmettent de génération en génération, comme Grease et Les demoiselles de Rochefort. Les parents emmènent leurs enfants d’habitude. Mais cette fois, c’était le contraire ! Tout le monde chantait et tout le monde connaissait LA chanson, c’est clair", note Natacha Campana. "Libérée, délivrée", c’est plus de 700 millions d’écoutes sur Spotify, des traductions dans 41 langues différentes et près de 4 milliards de vues pour la seule version karaoké en anglais de "Let It Go" sur les comptes officiels de Disney sur YouTube. Le single interprété par Idina Menzel s’est classé 5e du classement Billboard, devenant le premier morceau Disney à intégrer le top 10 depuis "L’air du vent" de Pocahontas en 1995. Un phénomène qui a contribué à transformer le film en bullbozer au box-office – près de 5 millions de spectateurs en France - et en magasins.
On commençait tout juste à comprendre qui était Elsa. Libérée, délivrée nous a amenés à réécrire l’introduction du film
Peter Del Vecho, producteur
Mais la toute première écoute, c’était comment ? "Nous étions dans la story room avec les réalisateurs Jennifer Lee et Chris Buck. Nous l’avons écoutée ensemble et on s’est regardé en se disant 'Wow, c’est super !'"", se souvient le producteur Peter Del Vecho pour TF1info. "C’est une chanson si puissante. On commençait tout juste à comprendre qui était Elsa. 'Libérée, délivrée' nous a amenés à réécrire l’introduction du film, car il fallait mettre en place le cheminement d’Elsa. Cette chanson a vraiment défini le genre de personnage qu’elle était pour nous".
Une héroïne qui ne cherche pas le prince charmant mais cherche à trouver sa place en acceptant qui elle est. "Les enfants veulent ressembler. Je l’ai vu à L’Écran Pop, il y avait beaucoup de petites Elsa, un petit moins d’Anna. Elle est autonome, elle ose se libérer de ses peurs et grandit", analyse Natacha Campana. Dans la salle du Grand Rex le 31 octobre, se trouvaient des fans d’à peine trois ans qui lui ont rappelé sa propre fille au même âge. "Quand elle a découvert la chanson, elle chantait 'Délibrée, délibrée !'. Elle ne savait pas dire 'délivrée' mais je pense qu’elle comprenait l’intention. Les enfants sont animés par une ferveur quand ils la chantent, c’est là que ce morceau est fort !", admet-t-elle. Un bonheur pour les petits, souvent un cauchemar pour les plus grands.
Kristen est allée dans un parc à New York et elle s’est mise debout sur l’un des bancs. Elle a commencé à comprendre ce qu’Elsa ressentait
Chris Buck, réalisateur
"J’adore la chanson mais j’adore aussi la manière dont elle a été créée", confesse le réalisateur Chris Buck à TF1info, citant le duo à l’origine des chansons originales de La Reine des neiges, les époux Kristen Anderson-Lopez et Bobby Lopez. "Kristen est allée dans un parc à New York et elle s’est mise debout sur l’un des bancs. Elle a commencé à comprendre ce qu’Elsa ressentait et à trouver les paroles de 'Libérée, délivrée'", nous raconte-t-il. À l'écran, la jeune princesse se change littéralement en Reine des neiges dans une des plus belles scènes du film.
Dans une interview à The Independent en 2021, l’autrice expliquait avoir écrit "Libérée, délivrée" en "pensant à la pression". "La pression que j'ai ressentie à 16 ans, [puis] en tant que [jeune] femme, puis en tant que mère de deux filles. La pression pour que tout soit parfait, pour rester mince (…) pour participer à tout, tout le temps. La pression en tant que femme à l'aube de la quarantaine aussi. Je ne pense pas m'être jamais sentie aussi épuisée et mise à l'épreuve", détaillait-elle.
"Libérée, délivrée", c’est aussi une promesse envoyée à ses deux filles, loin des stéréotypes jusque-là diffusés par les princesses Disney. "Cette chanson est inspirée par notre amour pour vous et l'espoir que vous ne laisserez jamais la peur ou la honte vous empêcher de célébrer les personnes uniques que vous êtes", leur lancent Kristen Anderson-Lopez et Bobby Lopez en recevant l’Oscar en 2014. "C’est un morceau très efficace en raison de sa mélodie très entêtante et du message qu’il transmet. En dix ans, c’est devenu un hymne culte. C’est un peu obsessionnel, ça reste bien en tête mais c’est ce qu’on appelle un tube !", résume Natacha Campana qui, après des séances à Lyon, Marseille et Nice, donne rendez-vous au public parisien le dimanche 5 mai dans l’après-midi pour un nouveau cinéma-karaoké La Reine des neiges.
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Pourquoi si tard ? Car Disney veut aussi laisser se déployer Wish – Asha et la bonne étoile, le film d’animation qui achève de célébrer le centenaire du studio, en salles le 29 novembre. Un dessin animé dans la plus pure tradition de ses productions avec sept chansons inédites dont l’une, "Je fais un vœu", pourrait bien détrôner "Libérée, délivrée" dans le cœur du public, déjà battue dans les charts par "Ne parlons pas de Bruno" issu d’un autre Disney, Encanto. "Espérons-le ! C’est une chanson magnifique qui incarne tellement le film. Nous l’adorons !", s’enthousiasme Peter Del Vecho, pensant sans doute déjà au troisième volet de La Reine des neiges en cours de projet et au quatrième qui pourrait aussi voir le jour...