C’est un trou de verdure où chante un festival. Tout Grenoble s’est donné le mot pour se blottir dans le cocon de son Jardin de Ville, écrin de la 21e édition du Cabaret Frappé. Programmation inventive et paritaire, défrichage musical, voyage en Cosmopolitanie et surtout gratuité, dans un cadre idyllique.
Camélia Jordana, Neneh Cherry ou encore Charlotte Cardin ont déjà posé leur patte sur ce Cabaret Frappé lorsqu’on débarque pour le jour 3, décidé à se laisser parcourir par le frisson de la découverte. Force est de constater que le festival cherche tous les ans à se renouveler. « Nous voulions nous démarquer de ce qui se fait déjà à Grenoble, explique Robin Direr, chargé de la programmation. Ceux qui étaient présents n’étaient jamais venus ou alors il y a assez longtemps, sinon ça n’a vraiment pas d’intérêt. »
Autre intérêt pour les spectateurs : la gratuité depuis 2016 : « Depuis que le festival est devenu gratuit, c’est un énorme plus, commente Léa, étudiante de 22 ans. Avoir une scène ouverte, c’est génial : ça amène toujours plus de gens qui n’ont pas forcément l’habitude d’aller en festival. » Ici, les jeunes festivaliers côtoient les familles, les couples âgés et les amoureux de tous âges. Les cheveux grisonnants croisent même des poussettes. « L’ambiance est conviviale, les concerts variés et on découvre beaucoup, expliquent Elizabeth et Richard, couple de sexagénaires. On revient chaque année depuis la naissance du festival, on n’est jamais déçus. Voyou c’était incroyable, il a gagné une fan ! »
Il faut dire que le surdoué de la pop à la française a déployé toute son énergie pour décoincer les corps. Derrière sa gueule d’ange, son regard de velours et un alias mignon, Voyou cache un bosseur minutieux et une fougue insoupçonnée… Il sautille partout pour enflammer l’assistance, sur des textes délicats et des rythmes millimétrés. Ce qui provoque un instant aussi doux que génial entre une mère et son jeune fils, placés tout proche de la scène : « Il est foufou le monsieur maman ! » « Un peu c’est vrai, tu n’aimes pas ? » « Siiiii » lance-t-il le poing serré et le sourire jusqu’aux oreilles. Saro, champion du monde de beatbox, reprend le flambeau et s’occupe de faire danser Grenoble qui ne demandait que ça. Un parfum d’Orient s’empare du Cabaret Frappé avec la prestation du groupe palestinien de hip-hop, 47 Soul, au style musical mélangeant rythmes traditionnels et sons électros qui opère auprès du public et le fait esquisser des pas de leur « Shamstep ».
Programmation 100 % féminine pour un 4e soir placé sous le signe du voyage musical : la Belge Blu Samu (photo ci-dessus) déboule et s’impose en nouvelle prêtresse du hip-hop mêlé de soul, en digne descendante de Lauryn Hill. Elle fait doucement monter la pression - « entre hargne et tendresse » selon Pascale, visiblement conquise - et installe une ambiance de feu. Mayra Andrade charme de sa voix ronde et droite, avec sa pop sur rythmes chaloupés. Toute en élégance, elle vogue entre portugais et créole capverdien, et embarque le public grâce à son sourire ravageur et sa joie communicative. « C’est possible de tomber amoureuse en moins d’une heure ? » s’emporte Nora, 27 ans. C’est la fin de l’escapade avec Muthoni Drummer Queen. Le Cabaret Frappé jette ses dernières forces dans la bataille sur les rythmes R&B-dancehall de la Kényane, ses basses dévastatrices et ses paroles intensément féministes. C’est le cœur léger et la tête pleine de découvertes qu’on quitte Grenoble avec, déjà, la hâte de revenir pour l’édition 2020.