Le génie du trait, c’est Matisse qui l’avait : la preuve en cinq tableaux réunis à Lyon

par Jennifer LESIEUR
Publié le 20 décembre 2016 à 16h57
Le génie du trait, c’est Matisse qui l’avait : la preuve en cinq tableaux réunis à Lyon

BONNE MINE - Le musée des Beaux-Arts de Lyon expose "L" laboratoire intérieur" d’Henri Matisse, jusqu’au 6 mars 2017. Outre une majorité de dessins, qu’il enchaînait comme s'entraîne un sportif de haut niveau, l’exposition montre un panorama de ses différentes périodes artistiques, où l'épure du trait touche au sublime.

Avec trois petits coups de pinceau, Henri Matisse (1869-1954) arrivait à donner vie à un visage. Donnez-lui un crayon, il reproduira la souplesse d’un nu ; donnez-lui des couleurs, et vous verrez une fenêtre ouverte sur la Méditerranée, un après-midi d’été. Qu’un peintre puisse tout reproduire, c’est une chose, mais passer d’un style à l’autre, que ce soit sur une feuille de carnet ou sur une toile géante, et réussir à chaque fois à saisir l’essence d’un mouvement, d’un regard ou d’une humeur ? Peu d’artistes arrivent à l'épure de Matisse. Voici la preuve par cinq tableaux, actuellement réunis au musée des Beaux-Arts de Lyon.

"La blouse roumaine", 1936, plume et encre sur papier

Dans les années 30, Matisse, issu d’une famille de tisserands, se prend de passion pour les motifs délicats des blouses roumaines, dont il revêt ses modèles. S’ensuit une série où la finesse des broderies décoratives et de la coupe se fondent dans les membres déliés du modèle préféré de Matisse à l'époque, la blonde et sensuelle Lydia Delectorskaya. Celle-ci réapparaîtra plusieurs fois, plus ou moins vêtue.

"Nymphe et faune" (1942-1943), fusain et estompe sur toile préparée

Une nymphe endormie, un faune jouant de la flûte au-dessus d’elle : comme quoi, un grand fusain presque gris sale peut reproduire toute une scène mythologique. Matisse est passé par tous les stades de l’effacement avant d’en arriver là : effacement des ombres, des courbes, des détails, pour ne laisser passer que la seule lumière. Pas si simple que ça, en fait. 

"La Serpentine" (1909), bronze

Pour commencer, une sculpture filiforme, accoudée avec nonchalance, comme un personnage de bande dessinée dont elle serait l’esquisse. Cette Serpentine ne fait pas référence à un reptile mais à une danse très en vogue au début du XXe siècle. Notre élégant bronze a beau ne pas danser, il fait partie d’une grande série de tableaux sur cette thématique. 

"Jackie" (1947), encre sur papier

Douze traits seulement, et voici Jackie, choisie pour l’affiche, qui sourit dans toute la ville. Les autres portraits n’ont pas cette stature de masque vivant, mais on reconnaît la même économie de moyens pour saisir l’expression du visage de Louis Aragon, par exemple, ou la moue un peu ingrate d’Yvonne Landsberg. 

"Le clown" (1947), planche extraite du livre d’artiste "Jazz"

Avec les papiers découpés, Matisse aborde sa dernière période. Dans son album Jazz, il crée vingt planches dont Le Clown est la première, en papiers colorés à la gouache qui deviennent à la fois forme et mouvement. Ces découpes s’adapteront à merveille aux projets décoratifs de Matisse, dont son ultime chef-d’œuvre, la Chapelle du Rosaire à Vence. 


Jennifer LESIEUR

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