Le port obligatoire du préservatif va-t-il tuer le porno en Californie ?

Publié le 6 août 2014 à 17h23
Le port obligatoire du préservatif va-t-il tuer le porno en Californie ?

BUSINESS – La capitale mondiale du porno est aux abois. Depuis l'adoption d'une loi obligeant le port du préservatif sur les tournages, le nombre de films tournés à Los Angeles aurait dramatiquement chuté. Et le législateur envisagerait bientôt d'étendre cette règle à l'ensemble de la Californie, provoquant la colère des professionnels du secteur.

Au royaume du porno, la capote serait un tue-l'amour. C'est en tout cas l'avis des professionnels de l'industrie du X, dont l'activité est plombée par la loi sur le port obligatoire du préservatif, adoptée dans le comté de Los Angeles fin 2012. Depuis, le nombre d'autorisations de tournage aura en effet chuté de 90%. L'an dernier, 40 films ont été "visés" par les services du FilmL.A., Inc, l'organisme qui gère les autorisations pour la ville et le comté de Los Angeles. Depuis le début de 2014, 20 films seulement l'ont été.

D'après le Los Angeles Times, qui publie ces chiffres , l'industrie du porno serait progressivement en train de se délocaliser – vers l'Amérique du Sud et l'Europe notamment – même si de nombreux films continuent à être tournés sans autorisation. En 2011, on estimait à environ 5 000 les productions "adultes" filmées dans des entrepôts ou des maisons privées. Pour le reste, le petit monde X semble accuser le coup depuis la mise en place de cette fameuse loi, la "Measure B", votée sous l'impulsion des associations de lutte contre le SIDA, et soutenue par une majorité d'élus démocrates.

Jusqu'à 4 milliards de dollars de recettes par an

"Nous ne ciblons pas spécialement cette industrie", affirme l'élue démocrate Isadore Hall III au Los Angeles Times. "Seulement nous lui demandons de protéger ses employés et de leur fournir un cadre de travail sûr". L'an dernier, la comédienne Cameron Bay avait ému les internautes en révélant les conditions de tournage effroyables, sans doute à l'origine de sa séropositivité. L'Assemblée de Californie pourrait aller encore plus loin le mois prochain en validant un texte, approuvé en mai dernier, élargissant le port obligatoire du préservatif, ainsi que le test du VIH, à l'ensemble des tournages de l'Etat. Un coup fatal pour la grande famille du porno ?

Si le X ne représente que 5% des permis de tournage délivrés chaque année en Californie, elle contribue depuis longtemps à l'économie locale, avec le succès de grosses sociétés comme Vivid Entertainement, l'un des leaders du marché. Il y a dix ans, les experts estimaient à entre 10 000 et 20 000 le nombre de personnes travaillant dans l'industrie du porno, rien que dans la vallée de San Fernando. Et à 4 milliards de dollars les ventes annuelles de DVDs, canal de distribution privilégié du genre.

Pas de marché pour le porno avec capote ?

"Nous ne parlons pas que des acteurs et des réalisateurs, mais de tous les techniciens et assistants qui œuvrent sur ces films", explique Stuart Waldman, président de la Valley Industry and Commerce Assn., une importante association de commerçants de la région. "Ces gens vivent à San Fernando, achètent des maisons, envoient leurs enfants à l'école, emmènent leurs vêtements à la blanchisserie... S'ils s'en vont, tout l'argent part avec".

Du côté des associations de lutte contre le SIDA, on affirme que la Measure B n'a d'autre but que d'empêcher une explosion de l'épidémie. Et ne vise en aucun cas à mettre au chômage les producteurs de porno. Une argumentation qui n'a guère convaincu jusqu'ici les professionnels. Lesquels estiment, chiffres à l'appui, qu'il n'y a pas de demande des consommateurs pour des films pornos dans lesquels les acteurs portent des préservatifs. La dure loi du marché, en somme.

A lire aussi : "Porno et préservatif, l'impossible entente", par Ovidie.


Jérôme VERMELIN

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