Maren Ade, la réalisatrice de "Toni Erdmann" : "L’humour vient souvent des situations les plus désespérées"

Publié le 15 mai 2016 à 17h22

INTERVIEW – Avec "Toni Erdmann", la réalisatrice allemande Maren Ade a offert au 69e Festival sa première belle surprise. Cette comédie sentimentale, dans laquelle un papa un brin loufoque s'invente un personnage imaginaire pour dérider sa fille businesswoman, nous a ému par sa pudeur et sa folie douce. Metronews est donc allé poser quelques questions à sa sympathique auteure.

Toni Erdmann est votre troisième film mais seulement le premier présenté à Cannes. Avez-vous un peu la sensation d’être l’outsider de ce festival 2016 ?
Je dois vous avouer que lundi, j’étais encore post-production. Mardi, j’ai vu la version finale du film et être ici, en compétition, c’est énorme. Surtout en compagnie de réalisateurs que j’admire…

Vous dîtes que vous étiez encore en post-production il y a quelques jours. Le comité de sélection n’avait donc pas vu le film en entier avant ?
Si, mais dans une version de travail. Comme je voulais qu’il soit parfait, j’ai travaillé sur le mixage jusqu’au dernier moment. Et puis à cause de sa longueur (2h42 – ndlr), c’est presque comme si je devais m’occuper de deux films à la fois ! Bref je me suis un peu mise la pression pour être prête pour le festival…

La comédie n’est pas le genre dont on parle le plus lorsqu’on aborde la nouvelle génération du cinéma allemand. Mais Toni Erdmann en est-il vraiment une ?
Lorsque j’ai commencé à réfléchir à ce projet, je voulais clairement faire une comédie. Du moins m’essayer à ce genre, m’y référer. En écrivant, j’ai réalisé que je n’étais pas capable d’en écrire une au sens pur et dur. C’est peut-être triste mais c’est comme ça (sourire). Disons que Toni Erdmann est un film qui traite de l’humour, qui parle d’une femme qui essaie de comprendre celui de son père afin de retrouver, de réactiver le sien. Sur le tournage, j’ai compris que la psychologie, les sous-entendus étaient ce qu’il y a de plus important. Dans la vie, comme au cinéma, l’humour vient souvent des situations les plus désespérées, lorsqu’on a l’impression d’être au fond du trou. D’après moi toute bonne comédie a besoin d’un socle "sérieux".

Il paraît que Wilfried/Toni est inspiré de votre père…
Mon père est ce que j’appellerais un "passionné" en matière d’humour. Sous toutes ses formes. Il y a une douzaine d’années, je lui ai offert des fausses dents, comme celles de Toni dans le film, et de temps à autre il les sort. Quand on est au restaurant au moment de payer, où lorsqu’il est en voiture pour effrayer les automobilistes (sourire). Pour le reste notre relation est différente de celle d’Inès et Wilfried. Disons que j’emprunte à ma vie personnelle, et que je dramatise un peu les choses.

En quoi alors Inès vous ressemble-t-elle ? Avez-vous parfois besoin qu’on vous aide à rigoler ?
A rire, non ! (rires) En faisant des recherches pour le film, j’ai eu envie de rencontrer des gens de mon âge qui travaillent dans le domaine de la finance. Parce que j’avais envie de m’éloigner au maximum de moi-même. Finalement j’ai découvert que je leur ressemblais beaucoup, notamment le fait d’être une femme dans un univers qui est dans l’ensemble dominé par des hommes. Mais aussi parce qu’en tant que réalisatrice, je suis appelée à prendre des décisions en permanence. Sa solitude n’est pas éloignée de la mienne parfois. Au début j’avais peur qu’on la croit froide, à l’inverse du père qui est spontanément chaleureux et sympathique. A l’arrivée j’espère que beaucoup de femmes se reconnaitront en elle, y compris lorsqu’elle tente désespérément d’enlever sa robe trop serrée (sourire).

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La rédaction de TF1info

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