INTERVIEW – Atteinte de sclérose en plaque, la jeune femme de 28 ans revient sur son incroyable histoire dans "Rosy", un documentaire lumineux qui sort le 5 janvier. Rencontre avec une femme inspirante.
Son histoire force l'admiration. Atteinte d'une sclérose en plaque, Marine Barnérias a fait de sa maladie une force. Jeune étudiante qui croque la vie à pleines dents, sa vie bascule à 21 ans lorsqu'elle apprend qu’elle est atteinte d’une sclérose en plaques, une maladie auto-immune incurable qui peut, à terme, la clouer sur un fauteuil roulant.
Avant d’envisager tout traitement médical et pour encaisser ce diagnostic brutal, elle décide de partir pour un long voyage initiatique à travers trois pays, financé grâce à une cagnotte envoyée à ses proches : la Nouvelle-Zélande pour redécouvrir son corps, la Birmanie pour apaiser son esprit et la Mongolie pour renouer avec son âme.
Armée de son téléphone, elle décide de se filmer durant son périple sans jamais imaginer que ces images se transformeraient en film. Baptisé Rosy, le surnom qu'elle donne à sa maladie, son documentaire est une véritable leçon de vie et un exemple de résilience bouleversant. Rencontre avec une force de la nature.
Comment allez-vous et comment va Rosy aujourd'hui ?
Je vais très bien. Rosy fait toujours partie de ma vie. On est en coloc maintenant depuis 5 ans, mais elle ne m'a toujours pas piquée. Je ne sais pas comment les choses vont évoluer. Et même j'ai une épée de Damoclès au-dessus de la tête, j'essaie d'y mettre des paillettes et de savourer l'instant. On peut tous choisir de voir d'une manière ou d'une autre les aléas qui arrivent dans la vie. Ça peut être n'importe quel type d'obstacle, pas seulement la maladie. Qu'on soit au chômage, qu'on divorce, qu'on soit en reconversion professionnelle ou qu'on accompagne quelqu'un, on a le choix de voir les choses de manière positive.
Votre histoire est incroyable. À quel moment avez-vous vous pensé à faire un documentaire ?
Je n'ai jamais eu envie d'écrire de faire un film ou d'écrire un livre. C'est toujours venu par des personnes extérieures qui m'ont accompagnée. Pour le livre (Seper Hero, sorti en 2017 chez Flammarion, ndlr), j'ai reçu un texto d'une femme avec qui j'ai eu un feeling. Je me suis rendue compte, en écrivant les dix premières pages, que je commençais à faire une espèce de thérapie. Le livre, à mon grand étonnement, a bien fonctionné. On me disait que je devais absolument faire un film. J'ai rencontré des gens, mais sans jamais avoir de feeling. J'ai quand même monté ma boîte de production et le karma a fait le reste !
J'ai fait un choix complètement irrationnel, mais j'étais convaincue que c'était bon pour moi. Je voulais découvrir qui j'étais.
Marine Barnérias
L'annonce de votre maladie a été d'une violence extrême. On ne se rend pas toujours compte de la puissance des mots…
Je suis entièrement d'accord avec vous : on devient ce que l'on dit. On est dans un monde où un mot tue beaucoup plus qu'un geste. Quand on répète à quelqu'un "Tu es nul", "T'es sclérosé", "T'es cancéreux", "T'es au chômage", il finit par s'enfoncer et s'enfermer. L'impact de la parole des médecins sur notre destinée est hyper importante. Il faudrait mettre notre âme et nos émotions en premier pour avoir le meilleur accompagnement possible.
Partir seule neuf mois à l'autre bout du monde alors qu'on est malade, c'est du courage ou de l'inconscience ?
Ni l'un ni l'autre. Dans mon cas, c'était juste vital. Pour la première fois de ma vie, j'ai eu envie d'arrêter de réfléchir et de suivre cette pulsion, cette intuition. Comme si la vie me tendait la main. J'ai fait un choix complètement irrationnel, mais j'étais convaincue que c'était bon pour moi. Je voulais découvrir qui j'étais.
On peut être beaucoup plus handicapé en n'ayant aucune maladie
Marine Barnérias
Pourquoi avez-vous choisi ces trois pays ?
Le soir où j'ai perdu la vue pour la deuxième fois, je me suis dit tout de suite : "Je vais traverser à pays dans son intégralité. Il y aura plus de moutons que d'habitants". La Nouvelle-Zélande m’a paru parfaite pour me reconnecter à mon corps. La Birmanie, qui représente l’esprit et la Mongolie, l’âme, étaient une évidence.
Votre voyage a duré neuf mois, le temps d'une gestation. C'était une sorte renaissance ?
Je ne m'en suis jamais rendu compte, mais oui c'est marrant. Toutes les mamans m'ont fait la réflexion ! Je pense que la vie est bourrée de symboles. A nous d'ouvrir les yeux et de les voir.
Nommer sa maladie, c'est une façon aussi de la dompter ?
Oui, c'est une façon de cohabiter avec elle au quotidien. Et puis je n’en pouvais plus de noter "sclérose en plaques" pour évoquer ma maladie, c'est tellement moche ! De "sclérose" est sorti "rose" puis "Rosy". Et, en parlant de signe, ma grand-mère s'appelle Roseline et mon arrière-grand-mère s'appelait Rose. Je l'ai découvert bien après ! Et en plus, je déteste le rose (Rires).
En quoi Rosy a-t-elle changé votre vie ?
Avant, j'avais beaucoup de haine, d'anxiété, de peur et, paradoxalement, de paralysie. Mais la maladie m'a libérée. Avant je dévorais la vie, maintenant je la savoure. On peut être beaucoup plus handicapé en n'ayant aucune maladie. C'est pour cela que je dis qu'on est tous des fleuristes et qu'on a tous une Rosy en nous.
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