Maxime Chattam : "Se dévouer entièrement aux autres est une forme de déviance"

par Judith KORBER
Publié le 10 juin 2016 à 17h16
Maxime Chattam : "Se dévouer entièrement aux autres est une forme de déviance"

INTERVIEW – Avec "Le coma des mortels", Maxime Chattam signe un excellent roman noir psychologique. On y suit les aventures de Pierre, un trentenaire englué dans un quotidien monotone jusqu'à ce qu'il décide à tout plaquer. Entre un job au zoo de Vincennes et sa nouvelle copine, le jeune homme cherche quel sens donner à sa vie. Mais très vite les cadavres vont envahir son quotidien. Qui est le tueur ? Une seule certitude, avec ce livre palpitant, qui commence par la fin et dont l'histoire est contée à rebours, Maxime Chattam fait battre le cœur de ses lecteurs à 100 à l'heure.

Votre personnage principal Pierre est en proie à une sérieuse crise existentielle. Avez-vous déjà vécu quelque chose de similaire ?
Pas vraiment. Mais pour un romancier ce qui est intéressant c'est justement de se confronter à quelque chose qu'on ne vit pas. C'est un travail de projection. En revanche, on s'est tous posé cette question 'Et si je refaisais ma vie demain, qu'est-ce que je ferais ?' Cette envie de tout plaquer naît notamment quand on se rend compte qu'on est devenu ce que la société et nos proches attendaient qu'on devienne. Ce n'est pas mon cas. J'ai la chance d'avoir un métier que j'adore et une vie personnelle vraiment épanouie.

Mais est-ce que vous avez déjà imaginé vivre une autre vie ?
Il y a tellement de livres que j'ai envie de lire, de lieux que je souhaiterai visiter, de gens avec qui je voudrai discuter, que j'aimerais avoir une vie pour cela. Mais je ne changerais pas grand-chose à ma vie d'aujourd'hui.

"Les enfants mettent une claque dans votre rapport à la vie"

C'est grâce à votre métier que vous ne ressentez pas de monotonie ?
J'ai un métier atypique, ça aide. Je suis obligé de renouveler tout le temps mes idées. Et comme j'écris vite tous les six mois , un an, je suis obligé de me projeter ailleurs, de me poser mille questions, d'être à l'écoute du monde. C'est pareil dans ma vie personnelle. Ma femme a un métier particulier [Maxime Chattam est marié avec l'animatrice Faustine Bollart avec qui il a deux enfants, ndlr]. On se remet souvent en question. Il ne peut pas y avoir de routine.

Vous venez d'avoir 40 ans. Avez-vous vécu cela comme un cap dans votre vie ?
Non pas du tout. Les enfants [Abbie, 3 ans, et Peter, 1 an] ont été un cap. Les vrais marqueurs chronologiques de l'existence sont les enfants. Cela met une claque dans votre rapport à la vie. Je me suis longtemps battu pour être celui que je voulais être professionnellement et personnellement et je crois l'être aujourd'hui. Je suis très apaisé. On parle souvent de la crise de la quarantaine chez les hommes mais je pense qu'elle doit être plus violente chez les femmes pour qui le temps implique beaucoup plus de choses en termes d'enfants, de carrière…

"Je n'ai aucune peur de la mort"

Avez-vous eu le sentiment de vous rapprocher de votre mort en ayant des enfants ?
Avoir des enfants vous inscrit dans un cheminement vers la mort. Vous vous dites, un jour je ne serai plus là pour eux. Depuis que je suis adolescent, j'ai toujours été fasciné par ce qu'était la mort. J'en ai eu peur quand j'avais 10,12,14 ans. Aujourd'hui, je n'ai aucune peur de la mort mais j'ai peur de ne plus vivre. Je me suis tellement ancré sentimentalement et affectivement dans la réalité avec ma famille que l'idée de cette absence d'échange au quotidien avec eux m'est insupportable.

Et si comme Pierre on vous proposait de vivre pour faire le bonheur des autres, vous accepteriez ?
Pour ne faire qu'aider les autres, il faut être un saint et je suis assez lucide sur mon cas pour vous dire que non. Quand j'écris c'est avant tout pour éprouver du plaisir. Ce n'est qu'à la relecture que je pense au partage avec le lecteur. L'écriture est un plaisir égoïste. Et puis, je crois que se dévouer entièrement aux autres est une forme de déviance. L'être humain n'est pas fait pour être tourné à 100% vers l'autre. Les saints ne sont pas sains.

Avez-vous besoin de laisser passer du temps entre deux romans ?

Non, l'écriture est une nécessité. Là je suis en train de terminer mon nouveau roman mais il faut préciser que j'ai écrit Le Coma des mortels il y a 3 ans. Comme il est très différent de mes précédents livres, j'ai eu besoin de le mettre de côté, de me demander si ce n'était pas juste un délire personnel. Il est resté dans un coin et finalement j'ai regretté de ne pas l'avoir publié.

A lire : Le coma des mortels, de Maxime Chattam, éditions Albin Michel, 389 pages, 21,90 euros. 
 


Judith KORBER

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