"Pageboy" d'Elliot Page : cruelle et bouleversante, on a lu l'autobiographie de la star

Publié le 7 juin 2023 à 7h00

Source : Sujet TF1 Info

Révélé à l'âge de 20 ans dans la comédie dramatique "Juno", Elliot Page a fait son coming out transgenre en 2020.
Dans "Pageboy", son autobiographie qui paraît ce mercredi en France, il raconte son combat pour assumer son identité.
Un parcours au cours duquel il a été très tôt victime d'agressions sexuelles au sein de l'industrie du divertissement.

Dans Les Éclats, son dernier roman paru au printemps, Bret Easton Ellis raconte son coming-out impossible dans le Los Angeles des années 1980, ses liaisons secrètes avec ses camarades de lycée et son agression sexuelle par un producteur hollywoodien qui se trouvait être le père de sa petite-amie. Une imposture qui a longtemps tourmenté le plus grand écrivain de sa génération, qui a pourtant grandi dans l’un des États les plus progressistes des États-Unis.

Quarante ans plus tard, on pourrait se dire que les choses ont été plus simples pour Elliot Page. Et puis en lisant ses terribles confidences dans Pageboy, son autobiographie qui paraît en France chez Kero ce mercredi, on réalise les souffrances que l’acteur a été contraint d’endurer pour assumer son identité dans une industrie qui a tout fait pour la nier. Après son coming out lesbien en 2014, la star a fait son coming out trans et non binaire en 2020.

Une proie dès le début de sa carrière

Elliot Page, si vous avez le manqué le début, s’est fait connaître en 2007 en tenant le rôle de l'adolescente enceinte Juno dans le film du même nom, une nomination précoce aux Oscars à la clé. À l’époque, il porte encore un prénom féminin, celui que ses parents lui ont donné à sa naissance au Canada vingt ans plus tôt. À l’école, l’enfant prodige a fait très tôt l’expérience du harcèlement scolaire, la tête plongée dans la cuvette des WC des garçons par de charmants petits camarades.

Repéré par un directeur de casting à l’âge de 9 ans, Elliot décroche un rôle dans une série télé. Le métier d’acteur deviendra alors son refuge. Et aussi son enfer. "Quand j’étais adolescent, un réalisateur a tenté de me séduire", raconte-t-il. "Ses textos réguliers et les livres qu’il m’offrait me faisaient me sentir spécial. Il m’emmenait dîner chez Swann à Toronto. Il me caressait la cuisse sous la table en murmurant : "C’est toi qui dois faire le premier pas, moi je ne peux pas."

Coïncidence troublante, c’est en interprétant une adolescente séduite par un homme plus âgé que l’acteur décroche son premier rôle marquant dans Hard Candy de David Slade en 2006, après une pige chez les X-Men. À l’écran, son personnage séquestre le pervers joué par Patrick Wilson et le torture jusqu’à lui faire avouer tous ses vices. Sur le tournage, l’enfant star fait la rencontre d’un cruciverbiste "qui a depuis réalisé ses propres films".

Après la fête de fin de tournage avec toute l'équipe, il entraîne Elliot dans un appartement où il lui baisse le pantalon et l’agresse sexuellement avant de s'endormir à ses côtés, comme si de rien n'était. Ce n’est hélas qu’un début. "Dès que j’ai atteint mes 18 ans, il n’y a plus eu aucune limite : c’était comme si les gens s’autorisaient à faire tout ce qu’ils voulaient sans mon consentement", constate l’acteur. 

J’ai suggéré un smoking. Ils ont répondu que je devais porter une robe et des talons
Elliot Page

Si Pageboy se nourrit des nombreux souvenirs d’une enfance marquée par la séparation précoce des parents de l’acteur, une blessure jamais refermée, ses pages les plus édifiantes sont consacrées aux coulisses de Hollywood. Elliot Page raconte par exemple comment sa décision de venir habillé en jeans et en chemise de cowboy à l’avant-première de Juno a provoqué la panique de ses producteurs qui l’ont emmené illico se rhabiller chez Holt Renfrew, une boutique chic.

"J’ai suggéré un smoking. Ils ont répondu que je devais porter une robe et des talons", se souvient Elliot. "Ils ont contacté le réalisateur. Il les a soutenus et a insisté pour que je joue le jeu", ajoute l’acteur à propos de Jason Reitman sans le nommer. "Michael Cera, en baskets, pantalon et chemise avait la classe", ajoute-t-il à propos de son partenaire à l’écran. "Je me suis demandé pourquoi ils ne l’avaient pas traîné à Holt Renfrew. Il faut croire qu’il n’avait rien à cacher, il était dans les clous."

Une liaison secrète avec l'actrice Kate Mara

Au fil des pages, Elliot Page égratigne quelques personnalités du showbiz qui se reconnaîtront. Il y a notamment cette "connaissance" de l’industrie du divertissement, croisée régulièrement à la salle de sport, et qui va l’agresser lors d’une soirée chez des amis, l’accusant de ne pas être lesbienne après son coming out en 2014. "Les hommes sont des prédateurs et ils te terrorisent", lui balance-t-il, aviné, le poursuivant de ses ardeurs. "Je vais te baiser pour te faire comprendre que t’es pas lesbienne. Je vais te lécher le trou de balle. Ça aura goût de citron. Tu verras !".

À 36 ans, Elliot Page a débuté durant une période pas si lointaine durant laquelle les producteurs, managers et autres publicistes recommandaient à leurs protégés de dissimuler leur orientation sexuelle. L’acteur raconte notamment son idylle passionnée avec Olivia Thirlby, sa partenaire dans Juno. Puis sa liaison très "hot" avec la comédienne Kate Mara, alors en couple avec l’acteur Max Minghella. C’est de manière plus pudique qu’il évoque sa relation avec la danseuse Emma Portner et leur divorce en 2021 après trois ans de mariage.

Sur le tapis rouge des Oscars, en mars 2022.
Sur le tapis rouge des Oscars, en mars 2022. - AFP

À l’heure où les discussions sur le genre nourrissent leur lot de fantasmes et d’incompréhension, d'attaques violentes aussi, Pageboy aborde le sujet avec des mots simples et sincères. "À 11 ans, j’ai senti mon corps de garçon devenir sans mon accord celui d’une fille", résume la star de la série Netflix Umbrella Academy, dont le personnage a lui-même fait sa transition à l’écran. Pour son interprète, il a fallu deux décennies entières pour réécrire le scénario.

Sans pathos, Elliot Page raconte également la récente chirurgie du torse qui l’a définitivement libéré, après de longs mois d'hésitation durant le Covid. "Ça fait plus d’un an que je prends de la testostérone", explique-t-il. "Chaque vendredi, je me réveille nerveux, mais heureux et apaisé comme jamais auparavant (…) Je suis en train de changer, je me développe et ce n’est que le début. Laissez-moi exister à vos côtés, plus heureux que jamais".

>> Pageboy, autoportrait d'un artiste, d'Elliot Page. Editions Kero. 288 pages. 21,50 euros


Jérôme VERMELIN

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