INTERVIEW - A l’affiche de cinq longs métrages cette année, Pio Marmaï revient ce mercredi dans "Des lendemains qui chantent", chronique féroce des années 1980 sur la fin des utopies politiques. Ce passionné de moto nous parle de sa double vie d’acteur-bricoleur et d’engagement.
Trente ans, déjà quinze films et deux nominations aux Césars, Pio Marmaï pourrait se la jouer. Il n’en est rien pour ce jeune homme chaleureux et blagueur, qui fixe rendez-vous dans un café de quartier. Il faut dire que ce fils de costumière et de scénographe a fait ses armes en toute humilité au théâtre avant d’exploser au cinéma dans Le Premier Jour du reste de ta vie, de Rémi Bezançon. Son charme gouailleur opère à nouveau dans le caustique Des lendemains qui chantent, de Nicolas
Castro.
Nicolas Castro, qui a signé des documentaires sur les années 1980, semble obsédé par le sujet : il l’explore à nouveau dans Des lendemains qui chantent...
Je ne saurais expliquer cette obsession. Il faudrait en parler à sa ou son psy... Le film a le mérite de traiter d’une époque peu abordée dans le cinéma français. J’ai vécu les années 1980 par le prisme de mes parents. C’était une période pour eux, comme celle décrite dans le film, teintée d’utopie politique, de bouillonnement culturel et humain. Une décennie pleine d’amertume aussi car il y avait tout et n’importe quoi : c’était les années fric avec ce filou de Bernard Tapie, les dérives du journalisme spectacle et les filles à poil à 20 heures à la télé.
Léon, votre personnage, est militant au parti socialiste en 1981. Etes-vous un citoyen engagé ?
Je ne suis pas encarté et ne le serai jamais. Pour moi, l’engagement, c’est d’abord un travail collectif au service d’un projet social ou culturel. Avec des amis, nous avons monté un atelier à Aubervilliers où nous faisons de la sérigraphie, du web design et de la fabrication de motos. J’avais le projet, en collaboration avec l’ancienne mairie, de travailler avec de jeunes élèves pour les sensibiliser à l’art et à la création. Au-delà du fait de voter, pour moi, ça c’est de l’engagement concret.
Il paraît que vous avez vibré au discours de Jean-Luc Mélenchon, place de la Bastille, le 18 mars 2012…
Ce discours m’a profondément touché. J’y ai vu un élan populaire dans le bon sens et j’ai été emporté par cet instant, un peu, de grâce. A la différence de certains qui galvanisent les foules avec des propos haineux sur les immigrés, c’était un vrai moment humaniste. Le résultat des européennes m’a catastrophé. Cette minorité qui a voté FN a une capacité incroyable à se rassembler. Elle se déplace pour aller voter, contrairement aux socialistes et aux gens de l’UMP, fatigués par les affaires et l’impuissance des politiques à régler le problème du chômage.
Vous allez collaborer pour la troisième fois avec le réalisateur Rémi Bezançon, pour la comédie Nos futurs. Il vous compare à Patrick Dewaere, est-ce un compliment ?
En France, on se croit toujours obligé de faire des comparaisons. Celle-ci est flatteuse évidemment. Ça doit être à cause de mes cheveux bouclés (rires). J’ai revu Coup de tête récemment. Une fable féroce dans laquelle Dewaere a une énergie de fanfaron qui cache une énorme sensibilité. Son parcours chaotique me touche beaucoup... Avec Rémi Bezançon, qui est un ami, c’est un plaisir de se retrouver. On a une confiance mutuelle et du coup on travaille très vite.
Zabou Breitman, votre maman dans Le Premier Jour du reste de ta vie, dit que vous êtes un "suractif attachant". A trente ans, vous vous êtes calmé ?
Je n’ai pas changé. D’ailleurs, je viens de retaper un camion afin de vendre des saucisses exclusivement viennoises. J’en ai vendu 40 kilos ce week-end. Mais je m’égare là (rires). Je suis excessif sans être pénible. J’aime travailler dans une ambiance légère. Sur un plateau, je suis respectueux de tout le monde mais, avec l’expérience, je ne me laisse plus marcher sur les pieds. Je suis un acteur instinctif mais qui a travaillé sa technique.
Vous aimez les films de genre teintés d’humour noir de Quentin Dupieux, alias Mr Oizo, et du Suédois Roy Andersson. En quoi ce cinéma, pointu et hors normes, vous attire-t-il ?
Chez Quentin, j’aime son cinéma ludique et irrévérencieux, le côté absurde très réaliste. C’est un humour qui me laisse coi. Musicalement, c’est également très fort. Je suis très sensible à la musique en général. J’adore le punk hardcore. J’ai été mécène pour un groupe. Roy Andersson, qui a fait Chansons du deuxième étage, est également très singulier et son univers me touche.
Vous êtes apparu dans cinq longs métrages cette année : pourquoi cette frénésie de tournages ?
J’ai eu le sentiment de participer à de très beaux projets avec de bons réalisateurs dont Pierre Salvadori (Dans la cour) avec lequel je vais retravailler. Même si je n’avais pas le premier rôle, c’étaient des expériences fantastiques qui tombaient bien car j’ai eu une année compliquée dans ma vie personnelle. Je serai au générique du prochain film de Ramzy (son partenaire dans Des lendemains qui chantent, ndlr). Il est en train d’écrire le scénario. J’aime l’idée de faire ma route, tout en restant indépendant, avec une petite équipe que j’aime bien. Je n’ai pas de rêves d’Amérique : je suis assez casanier en fait et je préfère les aventures humaines.
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