"Scotchés et terrifiés" : les frères Naudet racontent l'incendie de Notre-Dame dans un docu saisissant

Propos recueillis par Rania Hoballah
Publié le 13 avril 2021 à 11h14
Les réalisateurs français Gédéon et Jules Naudet vivent aujourd'hui aux Etats-Unis.
Les réalisateurs français Gédéon et Jules Naudet vivent aujourd'hui aux Etats-Unis. - Source : AFP

INTERVIEW - Ce mardi 13 avril, TMC diffuse "Notre-Dame de Paris", le documentaire inédit de Jules et Gédéon Naudet. Les auteurs de "New York : 11 septembre" et "Fluctuat Nec Mergitur" reviennent sur cet incendie qui a bouleversé la planète.

C'est un drame qui a bouleversé le monde entier. Le 15 avril 2019, alors que la cathédrale Notre-Dame de Paris est en pleine restauration, un gigantesque incendie ravage l'édifice vieux de plus de 850 ans. Sous le regard incrédule de milliers de personnes, la flèche, la toiture, l'horloge ainsi qu'une partie de sa voûte s'écroulent, suscitant une vive émotion. Devant leur télévision à ce moment-là, Jules et Gédéon Naudet sont sous le choc. 

Sidérés par l'émotion qui secoue alors la planète, les réalisateurs français rendus célèbre en 2002 grâce à leur documentaire New York : 11 septembre, puis leur bouleversante série sur les attentats de Paris (Fluctuat nec mergitur), décident alors de s'emparer du sujet. Baptisé Notre-Dame de Paris, leur film revient sur cette nuit où tout a basculé. 

Où étiez-vous le jour de l'incendie de Notre-Dame ?

Jules Naudet : On était à New York, scotchés et terrifiés devant notre télévision comme le monde entier. Notre-Dame, c'est la cathédrale de notre enfance, car nous sommes nés à Paris. Rapidement, nous nous sommes rendus compte que nos amis américains, puis les gens autour du monde, ont tous ressenti cette même émotion face à ce drame. C'est comme si on avait appris qu'un membre de notre famille était à l'hôpital. Mais on ne s'est pas dit tout de suite qu'on allait faire un documentaire. 

Qu'est-ce qui vous a poussé à le réaliser ? 

Jules Naudet : Nous avons appelé nos amis pompiers pour les féliciter et leur dire qu'on était fiers d'eux. C'est en parlant à certains d'entre eux qu'on s'est rendus compte qu'il y avait de belles histoires humaines à raconter, que ce soit du côté des pompiers que des personnes qui gravitent autour de Notre-Dame.

On a tous réalisé de façon inconsciente une chose terrifiante : rien de dure
Gédéon Naudet

Comment expliquez-vous cette sidération ? 

Gédéon Naudet : Qu'on soit religieux ou pas, Français ou pas, on s'est tous rendus compte qu'un monument sublime risquait de disparaître. Mais il y avait autre chose de plus traumatisant, qui nous a mis mal à l'aise, c'est cette sensation qu'un monument censé être immuable, risquait de disparaître. On a tous réalisé de façon inconsciente une chose terrifiante : rien de dure. C'est comme le Covid : du jour au lendemain, tout bascule et ce qu'on pensait acquis ne l'est pas. 

Une fois encore vous rendez hommage aux pompiers...

Jules Naudet : Tout comme pour le 11 septembre, ils ont fait une fois de plus un travail hallucinant. C'est une profession qui se met en danger pour sauver des gens, et cette fois, pour sauver un symbole. On voit aussi à travers les différents témoignages toute leur dualité : un pompier ne souhaite pas qu'un feu se déclare, mais si c'est le cas, il veut être en première ligne pour l'éteindre. Il y a une certaine adrénaline à combattre le feu.

Gédéon : Il y a des corps de métier dont on ne comprend pas pourquoi ils ne sont pas mieux protégés et mieux payés. C'est fou car on les tient pour acquis. Quand on a besoin d'eux, on les applaudit, mais le lendemain on les a déjà oubliés. 

En voyant le documentaire, on se dit que la solidarité peut faire des miracles, non ?

Jules Naudet : Oui, la vie est pleine de miracles. Ce qui est extraordinaire et qui nous réchauffe le cœur, c'est qu'il y a toujours des personnes qui sont là dans les moments difficiles. Même s'il peut être capable de choses horribles, l'être humain est aussi capable du meilleur dans ces moments-là. 

Ce qui nous nourrit, c'est de nous dire qu'il peut y avoir de l'humanité au milieu de l'horreur
Jules Naudet

Quand la flèche de Notre-Dame s'effondre, on ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec les tours du World Trade Center qui s'écroulent. L'avez-vous ressenti ? 

Jules Naudet : Je dois avouer que l'image était quasi identique. J'ai eu une juxtaposition des deux images à ce moment-là. Émotionnellement, c'était une sensation vertigineuse. 

Gédéon Naudet : Ce qui est dingue, c'est que si la flèche s'était écroulée, c'était dix pompiers qui périssaient d'un coup…  

Comment digérez-vous tous ces événements auxquels vous êtes confrontés ?

Jules Naudet : On doit être un peu masochistes ! On est toujours attirés par ces histoires remplies d'humanité, avec des montages russes d'émotions. Ce qui nous nourrit, c'est de nous dire qu'il peut y avoir de l'humanité au milieu de l'horreur, qu'il peut y avoir de l'humour au milieu du désespoir.

Gédéon Naudet : Ça ne doit pas être très sain ce que l'on fait parce que depuis le choc du 11 septembre, c'est comme si on avait besoin d'autres chocs pour se rassurer sur la nature de l'être humain. De se dire qu'il n'est pas foncièrement mauvais et qu'on ne court pas à notre perte. 

Allez-vous travailler sur la pandémie actuelle ? 

Gédéon Naudet : Non, nos familles ont refusé ! On va peut-être faire une fiction ou une comédie pour changer un peu. 

Jules Naudet : On a des projets, mais tant que les contrats ne sont pas signés, on ne peut rien dire. Nous sommes trop superstitieux ! 

Notre-Dame de Paris, mardi 13 avril à 21h15 sur TMC.


Propos recueillis par Rania Hoballah

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