"Le jour où j'ai brûlé mon cœur" : Jonathan Destin nous raconte le calvaire du harcèlement scolaire

Publié le 5 novembre 2018 à 21h00
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Source : Le jour où j'ai brûlé mon coeur

INTERVIEW - TF1 diffuse ce lundi 5 octobre "Le jour où j'ai brûlé mon cœur", une fiction inspirée de l'histoire vraie de Jonathan Destin, ce jeune garçon harcelé durant des années qui a décidé de s'immoler par le feu pour en finir. Rencontre avec un jeune homme qui tente aujourd'hui de se reconstruire.

Son histoire est bouleversante. TF1 diffuse ce lundi 5 octobre "Le jour où j'ai brûlé mon cœur", un téléfilm inspiré de l'histoire de Jonathan Destin. Le 8 février 2011, fatigué d'être harcelé depuis des années par des camarades de classe, le jeune homme de 16 ans décide de mettre fin à ses jours en s'immolant par le feu. Sauvé in extremis, Jonathan est brûlé aux deux tiers de son corps. Il passera deux ans à l'hôpital. 

Aujourd'hui encore, ses blessures le font souffrir, mais il a décidé d'aller de l'avant et de faire tout ce qui est en son pouvoir pour aider les victimes de harcèlement, un fléau qui touche un élève sur 10 en France. Après avoir publié en 2013 un livre qui raconte son histoire, "Condamné à me tuer (XO Editions), il espère que la fiction de TF1, librement inspirée de son histoire, fera bouger les choses. Rencontre avec un jeune homme qui force le respect. 

Gilles Gustine/TF1/Ango Productions

LCI : Comment avez-vous réagi en voyant le téléfilm ? 

Jonathan Destin : C'est quelque chose de merveilleux, je n'aurais jamais pu imaginer cela. Je me dis que ça va aider beaucoup de personnes en difficulté. Il ne faut pas rester enfermé dans son coin, pour combattre le harcèlement, il faut en parler. 

On se sent honteux quand on est harcelé, alors qu'on ne devrait pas. Comment l'expliquez-vous ? 

Moi, j'étais honteux par rapport à mon papa, car il a toujours été fort. A l'école il ne se faisait jamais embêter, c'était plutôt lui la brute. Il ne se laissait pas faire. Pareil pour mon grand-père. Dans la famille, les hommes sont forts. 

Vous avez commencé à être harcelé dès l'âge de 10 ans, et vous avez vécu un enfer. Qu'est-ce qu'on vous disait ?

Ça a duré 6 ans. J'ai été harcelé puis racketté après. Au départ, c'était des petites moqueries, des brimades, puis les coups ont commencé. Dès que je me coupais les cheveux, c'était des coups dans la tête. On se moquait de mon nom de famille aussi : "Ton destin c'est d'être gros". Ça s'est accentué avec le temps.

Je suis en période de reconstruction, j'avance, chaque pas que je fais est un pas en plus.
Jonathan Destin

Vous n'aviez pas d'amis pour vous aider ?

Chaque début d'année scolaire, j'arrivais à me faire un ou deux amis, mais comme ils voyaient que je me faisais harceler, ils partaient. Ils ne voulaient pas faire partie du clan des harceleurs. 

Dans la fiction, votre père dit : "S'il se réveille, il n'aura pas de vie". A quoi ressemble votre vie aujourd'hui ? 

Aujourd'hui encore, je dois subir des soins pour mes brûlures, car j'ai vécu deux années entières à l'hôpital. Mais je suis en période de reconstruction, j'avance, chaque pas que je fais est un pas en plus. J'ai envie de me bouger et de faire bouger les choses au niveau du harcèlement, et pour moi aussi. Continuer à en parler, ça m'aide psychologiquement. Je suis souvent contacté par des gens qui ont vécu la même chose, des professeurs, des parents. Ils me demandent des conseils. 

Justement, quel conseil pouvez-vous leur donner ? 

Il faut en parler et ne pas rester dans son coin. C'est la parole qui peut nous libérer du harcèlement. A l'époque, quand j'étais harcelé je ne savais pas ce qu'il fallait faire, j'étais perdu.

"Le jour où j'ai brûlé mon cœur" - Un tournage fort en émotions pour Camille Chamoux et Michaël YounSource : Le jour où j'ai brûlé mon coeur

Je me disais que la douleur du feu ne pouvait pas être pire que celle que je ressentais.
Jonathan Destin

Etes-vous retourné à l'école ? 

Non, je ne suis jamais retourné à l'école après ce qui est arrivé. Là je fais une remise à niveau scolaire. J'aimerai ensuite faire une formation, peut-être en informatique. J'ai quelques idées.

Les personnes qui vous ont harcelées sont-elles venues s'excuser à un moment ? 

Mes harceleurs ne sont pas venus s'excuser. J'aurai bien aimé… Mais peut être qu'avec le film, ils le feront. En revanche, j'ai rencontré un harceleur de Lyon, qui avait été lui aussi harcelé. Il a fait une grande lettre pour s'excuser au nom des harceleurs de France. 

Pourquoi avoir choisi de vous immoler par le feu, c'est très violent…

Oui c'est très dur. Au départ, j'avais pensé à prendre des médicaments. Mais le jour où mes harceleurs m'ont mis une arme sur la tempe, je me suis dit qu'il fallait que j'en finisse rapidement avant qu'ils me suppriment. Je ne voyais pas d'autre issue. Je me disais que la douleur du feu ne pouvait pas être pire que celle que je ressentais.

Aujourd'hui, regrettez-vous votre geste ? 

Énormément. Mais je me dis que je dois dépasser tout cela et continuer à vivre. On peut toujours se reconstruire. 

Il paraît que vous êtes fan de Michael Youn, qui joue le proviseur du lycée dans la fiction…

Oui, très fan ! Je l'ai rencontré le jour du tournage à Strasbourg. C'était vraiment un rêve. J'ai adoré discuter avec lui, c'est quelqu'un de génial, de très humain aussi. 

Quel est votre rêve aujourd'hui ? 

Aujourd'hui, je rêve de prendre mon indépendance. Et d'avoir une vie normale : fonder une famille, avoir ma voiture, et me lever tous les jours pour aller au travail. 


Rania HOBALLAH

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