Interview

Olivier Chantreau dans "Le Colosse aux pieds d'argile" avec Eric Cantona sur TF1 : "Je n'ai pas le rôle le plus facile"

Publié le 4 mai 2023 à 8h00, mis à jour le 4 mai 2023 à 11h13
Cette vidéo n'est plus disponible

Source : Le colosse aux pieds d'argile

Dans "Le Colosse aux pieds d'argile", il joue le rôle d'un pédophile qui cache bien son jeu.
Un rôle complexe pour lequel il a reporté le Prix d'interprétation masculine au festival TV de Luchon.
Olivier Chantreau nous dit tout sur la fiction inspirée de l'histoire du rugbyman Sébastien Boueilh, violé de 12 à 16 ans par son entraîneur.

C'est un rôle difficile à jouer. Mais Olivier Chantreau relève le défi avec brio. Dans Le Colosse aux pieds d'argile, le comédien se glisse dans la peau de Dilou, un pédophile à qui on donnerait le bon dieu sans confession. Entraîneur de rugby aimé de tous, c'est en réalité un dangereux prédateur qui viole le jeune Sébastien sans que personne ne se doute de rien. 

Doublement récompensée au Festival TV de Luchon –  du Grand prix du jury et du Prix d'interprétation masculine pour Olivier Chantreau – la fiction s'inspire de la véritable histoire de Sébastien Boueilh, violé de 12 à 16 ans par son entraîneur et mari de sa cousine. Si le rugbyman s'est tu pendant dix-huit ans, il a fini par réussir à parler et faire condamner son violeur à dix ans de réclusion criminelle en mai 2013. Réalisé par Stéphanie Murat et emmenée par Eric Cantona, Le Colosse aux pieds d'argile est une fiction bouleversante, mais essentielle qui veut aider à libérer la parole des victimes d'agressions sexuelles. 

Connaissiez-vous l'histoire de Sébastien Boueilh ?

Non, pas du tout. J'ai été très ému en lisant le scénario et encore plus par la lecture de son livre. Ce sont des sujets qui remuent énormément, donc j'ai été très heureux et privilégié de faire partie de ce projet. 

Sébastien Boueilh est souvent venu sur le plateau

Olivier Chantreau

L'avez-vous rencontré ?  

Oui, bien sûr. Il est souvent venu sur le plateau aux côtés de la réalisatrice Stéphanie Murat, et Eric Cantona, qui joue son rôle dans la fiction. Mais je ne l'ai rencontré qu'une journée parce que je n'étais pas de toutes les scènes. 

Avez-vous pu partager des choses avec lui et discuter ? 

En réalité, je ne m'attendais pas à le rencontrer. Et comme vous le savez, je n'ai pas le rôle le plus facile, parce que j'interprète son bourreau. J'ai été impressionné de croiser Sébastien Boueilh et un peu mal à l'aise, j'avoue. Même s'il m'a invité à être à l'aise avec lui, on n'a pas parlé de ce qu'il a subi, car c'est plutôt délicat. Et puis il avait déjà tout couché sur le papier.

Vous incarnez Dilou, l'ami de la famille insoupçonnable qui se révèle être un monstre…

C'est souvent le cas dans ces histoires-là. Ça peut être des proches, des professeurs, des personnes exemplaires par leur profession. Mon personnage, il est non seulement intégré dans la famille, mais il bénéficie de sa position d'éducateur. C'est d'autant plus vicieux et insoupçonnable.

Si on ne protège pas les enfants, on court à notre perte

Olivier Chantreau

Comment se prépare-t-on pour un tel rôle ? 

J'ai beaucoup discuté avec Stéphanie Murat. Une fois passé l'idée qu'il y a quelque chose de monstrueux en lui, on essaie de comprendre le personnage par un biais humain, car on doit l'interpréter. On s'interroge sur son parcours. Est-ce que lui-même aurait pu être une victime ? Parce qu'on sait que beaucoup de pédophiles ont été victimes avant. Même si rien ne l'excuse, je ne voulais pas en faire un monstre. 

Les scènes d'agression sexuelles ont été tournées avec subtilité. Comment les avez-vous vécues, notamment avec le jeune comédien qui interprète Sébastien ? 

Tout le tournage a été assez heureux, mais ces scènes-là ont jeté un froid. J'ai été d'une grande bienveillance, évidemment, envers Timi-Joy Marbot, le jeune acteur. On avait une très belle relation sur le plateau. Mais on a été rattrapés par la scène parce que même en ayant du recul, il y a des caresses, des gestes et forcément, ça glace. On les a digérés, mais ça nous a marqués sur le coup. On ne peut pas être insensible à ça. 

Aujourd’hui, un enfant sur cinq est victime de violences sexuelles. C'est un chiffre terrible…

Oui, c'est vrai. Si on ne fait plus attention à l'enfance, on peut dire adieu à beaucoup de choses. C'est un peu comme avec le troisième âge, quand on voit l'état des maisons de retraite, c'est effrayant. L'enfance et la vieillesse sont les deux pendants de la vie, en réalité. Si on ne protège pas les enfants, on court à notre perte. C'est plus qu'important, c'est vital. 

Lire aussi

"Le Colosse aux pieds d'argile" rappelle aussi qu'il faut parler, libérer la parole.

Oui, le film se termine avec cette injonction à parler, à libérer la parole de l'enfant. C'est profondément important. On était tous contents de pouvoir défendre la parole de Sébastien à travers cette fiction. 

La parole, il faut aussi savoir l'écouter, non ?

Oui, c'est pour cela que Sébastien a créé l'association "Colosse aux pieds d'argile". Il faut pouvoir former des enseignants et des éducateurs sportifs à ce sujet. Il faut également faire attention aux personnes qu'on engage et comment on les engage. Je sais que parfois des enseignants qui ont eu affaire à la justice sont à nouveau engagés. C'est tout un système entre la justice, la pédagogie et les associations qui doit se mettre en branle pour éviter le pire. 

La fiction aborde de plus en plus de sujets de société délicats. C'est aussi le rôle de l'art d'éveiller les consciences ? 

C'est le cas depuis la nuit des temps, que ce soit en littérature, en peinture ou au cinéma. Ce n'est pas une obligation, mais c'est toujours très difficile de faire une œuvre qui ne soit pas politique à un moment donné, même si ce n'est pas toujours frontal.  


Rania HOBALLAH

Tout
TF1 Info