Sa prestation a tellement perturbé Amel Bent, Vianney, Marc Lavoine et Florent Pagny qu’aucun n’a retourné son fauteuil ce samedi.Nolwenn Leroy a été très touchée par son interprétation de "Drôle d’époque", de Clara Luciani."On est souvent jugé sur ce que l’on voit et j’ai eu envie de perturber tout ça", nous explique l’artiste.
Son avenir dans l’émission ne tient qu’à un buzz. Celui de Nolwenn Leroy, qui a préféré "se laisser le temps de la réflexion" avant de repêcher ce talent venu du monde du cabaret. "C’est délicat, c’est sensible. Quand j’ai ouvert les yeux, tout a pris sens", dit-elle à l’issue d’une prestation qui a totalement déboussolé les coachs de "The Voice".
À 23 ans, Kilian se définit comme "une créature chimérique", "une créature de la nuit qui vient jouer de l’ambiguïté des genres". Pour son audition à l'aveugle, l’artiste a choisi "Drôle d'époque", une chanson qu'on entendait déjà dans Miss. Un film qui, lui aussi, mettait en lumière la fluidité des genres. Rencontre.
* TF1info n’utilisant pas l’écriture inclusive, les pronoms masculins sont employés dans cet article en accord avec Kilian, qui s’identifie comme non-binaire.
Comment passe-t-on du cabaret parisien Madame Arthur au plateau de "The Voice" ?
Je connaissais Bruno Berbérès, le directeur de casting de l’émission, depuis ma formation artistique à Cannes. J’ai étudié à la Diamond School pendant deux ans et demi. Chaque année, il passait à l’école et il m’a vu "en civil". Quand il a vu que j’avais pris mon envol, que j’étais intégré dans une structure de cabaret et que j’avais aussi progressé sur le plan vocal, il m’a proposé de passer la première étape des auditions de "The Voice".
Vous avez eu des doutes avant d’accepter ?
Forcément, oui. Parce que c’est de la télévision, c’est une mise à nu pour un artiste de cabaret. Je suis un artiste travesti. Je ne suis pas une drag queen, je ne suis pas non plus transformiste. Les transformistes jouent sur leur ressemblance avec des stars. Les drag queens, c’est encore des codes différents, qu’on voit dans l’émission RuPaul’s Drag Race avec l’épreuve du lipsync (où les candidates chantent en playback, ndlr). Chez Madame Arthur, nous sommes des créatures chimériques, des artistes de variété qui se présentent de manière masculine ou féminine, mais travestie. On chante en live, en français et on réadapte chaque semaine les morceaux d'autres artistes.
En tant que "créature chimérique", qu’attendez-vous de cette émission ?
J’attends que ce soit un tremplin pour des artistes, une mise en valeur et une mise en lumière, mais pas que. Je pense que c’est important de se montrer pour le message de tolérance qu’il y a derrière. J’ai aussi fait cette émission pour apporter une visibilité à la communauté LGBTQIA+, montrer qu’on existe et qu’on est visibles.
Il y a trois ans, Leona Winter était le premier artiste transformiste à participer à "The Voice". Son parcours vous a-t-il poussé à vous lancer ?
Oui, le parcours de Leona et ceux d’autres talents de "The Voice" dans le monde entier m’ont inspiré. Je me suis dit : "Allons-y. C’est en train de se démocratiser". Ça m’a donné plus de confiance pour participer à mon tour à cette émission.
Partager la scène avec Clara Luciani, ce serait incroyable
Kilian
"Troublant" est sans doute le mot qui résume le mieux votre prestation. Vianney s’est dit "admiratif" de votre interprétation. C’était une évidence, de vous jouer de la notion de genre avec votre voix ?
Oui et non. Je voulais faire cette chanson avant tout pour le texte et tout ce qui s’en dégage. Le premier couplet de "Drôle d’époque" renvoie à certaines injonctions discriminantes qu’hommes ou femmes peuvent recevoir au quotidien. Que ce soit du sexisme, de l’homophobie ou du racisme. C’est un sujet important. Et puis à l’écoute, il y a cette ambiguïté des genres qui rentre en jeu. Tant mieux si j’ai troublé les coachs !
Vous dites que "monter sur scène, c’est votre oxygène". Mais est-ce qu’on n’a pas un peu le souffle coupé juste avant d'entrer sur celle de "The Voice" ?
Le souffle n’est pas coupé, mais on sent quand même une certaine adrénaline. Ce n’est pas le même enjeu que sur scène. Là, on sait que c’est un enregistrement pour la télévision. On a vraiment une seule chance. C’est assez intense comme émotion et ça demande beaucoup en termes d’énergie.
Les coachs ne se sont pas retournés, mais n’ont pas été avares en compliments. Vianney assure que vous avez "réussi cette étape" des auditions à l’aveugle. C’est votre sentiment également ?
Pour moi, j’ai réussi cette audition. C’était une expérience hyper intense. J’ai pu passer mon message et j’ai vécu la chanson. On est souvent jugé sur ce que l’on voit et j’ai eu envie de perturber tout ça. Il y a encore cette notion de trouble dont on parlait tout à l’heure.
Quand les coachs vous découvrent, Amel Bent vous demande "comment on dit quand c'est les deux ?", il et elle. C’est important et plutôt inattendu de parler de non-binarité dans un programme si populaire…
Oui. J’ai aussi participé à "The Voice" pour la visibilité des identités de genre en général. Il y en a énormément. La non-binarité est l’un des spectres de la transidentité. Aujourd’hui, il y a tellement de nuances et de sensibilités que c’est important de déconstruire les genres et de pouvoir s’identifier. Forcément, on met dans des cases, mais c’est pour mieux se retrouver aussi. Dans mon cas, j’ai une forte énergie masculine et une forte énergie féminine. Je me suis beaucoup questionné sur mon genre au fil des années. J’ai aussi mon métier qui rentre en jeu, car je performe le genre, ce qui est encore différent. Là on parle bien de l’identité de genre, et non d’un métier ou d’une orientation sexuelle.
Au moment où vous quittez la scène, Vianney vous dit : "Clara Luciani sera fière de ce que tu as fait". Et si vous repreniez "Drôle d’époque" ensemble ?
Ce serait un rêve ! J’y ai pensé la semaine dernière. Partager la scène avec cette artiste, ce serait incroyable.
Les coachs attendent déjà leur invitation pour le cabaret. Elle est prévue pour bientôt, cette folle soirée chez Madame Arthur ?
On va se mettre en relation et je crois qu’on va partir sur le spectacle sur la politique auquel je participe, du 7 au 9 avril !