"Temple Solaire, l’enquête impossible" : Gilles Bouleau raconte l’affaire qui a bouleversé sa carrière

Publié le 17 juin 2022 à 21h04, mis à jour le 18 juin 2022 à 12h53
JT Perso

Source : Sujet TF1 Info

TMC diffuse ce soir les deux premiers épisodes "Temple Solaire, l’enquête impossible", une série documentaire consacrée à la secte qui a marqué les années 1990.
On y retrouve Gilles Bouleau, jeune journaliste à la rédaction de TF1 à l’époque, embarqué dans une enquête hors norme.
Une aventure professionnelle et humaine qui a marqué sa vie à jamais, comme il l'a confié à TF1info.

L’affaire du Temple Solaire ? "Ça m’est tombé dessus et je n’en suis plus jamais ressorti", avoue Gilles Bouleau. En 1994, le futur présentateur du 20H de TF1 est de permanence au service des infos générales lorsque ses patrons l’envoient enquêter sur le volet québécois d’une tragédie qui coûtera la vie à 74 adeptes, adultes et enfants, de cette organisation dont on mesure alors mal les ramifications. C’est toujours aussi passionné qu’on le retrouve ce soir dans "Temple Solaire, l’enquête impossible", la minisérie documentaire diffusée à partir de ce soir sur TMC. À ses côtés, les deux journalistes avec lesquels il a travaillé à l’époque.

Le premier d’entre eux, Bernard Nicolas, est le spécialiste des mouvements sectaires au sein de la rédaction de la première chaîne. "C’est quelqu’un qui adore gratter là où les autres ne sont pas allés gratter", raconte Gilles Bouleau. "J’étais très inexpérimenté et il m’a appris que même quand judiciairement les choses sont terminées, même quand les policiers sont partis, certains dossiers sont en déshérence et il suffit d’avoir du temps pour trouver des choses."

On voulait comprendre comment dans des pays aussi normés, aussi contrôlés que la France, la Suisse, la Belgique, le Canada, cette contre-société avait pu se développer en toute impunité

Gilles Bouleau

Le troisième larron, c’est le Suisse Arnaud Bédat, jeune reporter dans la presse de son pays au moment où le drame éclate. "Son chemin a croisé le nôtre", se souvient Gilles Bouleau. "Avec Bernard, on cherchait des pièces, on trouvait des témoignages formidables. Mais on n’était pas toujours les premiers. Il y avait souvent un petit Suisse qui était devant nous. Un type doté d’un talent incroyable pour faire témoigner les gens. Partout où j’allais, il était déjà passé ! Et une amitié incroyable est née à cette époque." 

Très vite, les trois hommes comprennent qu’ils sont face à une affaire qui va bien au-delà du simple fait divers, aussi monstrueux soit-il. "On voulait comprendre comment dans des pays aussi normés, aussi contrôlés que la France, la Suisse, la Belgique, le Canada, cette contre-société avait pu se développer en toute impunité", se rappelle le journaliste. "Où déclaraient-ils leurs impôts ? Comment faisaient-ils pour acheter leurs chalets, leurs voitures, etc. Tout ça pendant des années et des années."

À la tête du Temple Solaire, il y a deux hommes, le médecin homéopathe belge Luc Jouret et l’escroc français Joseph Di Mambro. Après avoir été recherché plusieurs jours pendant la police, ils sont identifiés parmi les cadavres. L’enquête des trois journalistes permettra d’éclairer la personnalité de ces deux personnages sulfureux, dont le pouvoir de conviction sur leurs adeptes fascine encore, près de trois décennies plus tard.

Des retrouvailles surprenantes

"Ils ont séduit, embarqué des gens de toutes origines", insiste le présentateur qui a co-signé deux ouvrages sur le sujet avec ses collègues, parus en 1996 et 2000. "Dans tous ceux qui sont morts, il n’y avait aucun alcoolique, aucun drogué, aucun psychopathe même si certains ont fini par agir ainsi. C’était des gens désespérément normaux. Bourgeois, intégrés, de toutes les couches de la société. Des artistes, des médecins, avec aucune revanche sociale à prendre. Ça nous a passionné d’essayer de comprendre."

C’est également grâce aux trois hommes que le chef d’orchestre Michel Tabachnik a accepté de témoigner devant les caméras des réalisateurs Nicolas Brénéol-Raphaël Rouyer. Inspirateur de la pensée ésotérique du Temple solaire, il a été inculpé pour son rôle présumé dans la mort de 16 membres de la secte, avant d’être relaxé deux fois, en 1997 et 2006. Sa participation n’était pas acquise puisqu’il a longtemps voué une rancœur tenace envers Gilles Bouleau, au point de le poursuivre en diffamation, sans succès.

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Lors d’une rencontre avec Arnaud Bédat, durant la préparation du documentaire, il demande à rencontrer celui qui est devenu depuis le présentateur vedette de TF1. Un déjeuner est organisé à Lausanne, un brin surréaliste. "Il était égoïstement intéressant pour moi de le revoir, et de la convaincre d’apparaitre dans le documentaire, en étant à la fois le mieux et le moins bien placé, sachant qu’il me tient responsable d’avoir brisé sa carrière", se rappelle Gilles Bouleau.

"C’est un personnage extrêmement lettré, cultivé, talentueux", raconte le journaliste qui n’oubliera jamais une confidence que lui a fait le chef d’orchestre ce jour-là. "Alors que nous venions de parler de gens qui étaient morts dans des conditions atroces, il se met de parler de la vie au sein de la secte et il me dit : ‘Gilles, il faut que je vous dise : c’était formidable'." Glaçant.


Jérôme VERMELIN

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