Quand Disney s'inspire de la France : "La Belle et la bête", comme un air des châteaux de la Loire

Publié le 23 juillet 2020 à 8h00
Sorti en 1992, "La Belle et la bête" est le premier dessin animé Disney pour lequel les animateurs se sont déplacés jusqu'en France pour trouver l'inspiration.
Sorti en 1992, "La Belle et la bête" est le premier dessin animé Disney pour lequel les animateurs se sont déplacés jusqu'en France pour trouver l'inspiration. - Source : The Walt Disney Company France

FLASHBACK - À l’occasion de l’arrivée sur Disney+ de la version live de "La Belle et la bête" avec Emma Watson le 24 juillet, LCI a replongé dans les archives francophiles de Walt Disney avec l’aide du spécialiste Sébastien Durand. Focus sur la version animée de cette histoire millénaire sortie en 1992 .

De ses nombreux voyages dans l'Hexagone, Walt Disney est revenu les valises débordant de livres et d'illustrations. Mais surtout la tête remplie d'histoires qu'il a souhaité animer pour petits et grands. "Plusieurs pays ont souvent inspiré Disney mais la France est probablement celui qui a le plus inspiré de films et dessins animés, à la fois du vivant de son fondateur et après sa mort", nous explique Sébastien Durand, spécialiste aussi passionné que passionnant de la firme aux grandes oreilles.

Après avoir évoqué Cendrillon, premier conte français adapté par Walt Disney, il refait pour LCI l'histoire originelle de La Belle et la bête, sorti au cinéma en 1992. Un récit souvent critiqué pour la relation de pouvoir entre ses deux personnages principaux qui marque pourtant un tournant dans la manière de dresser le portrait des héroïnes Disney.

Cocteau comme première base de travail

"Tale as old as time". "C'est une histoire vieille comme le monde", chante Madame Samovar au début de la chanson Histoire éternelle. La Belle et la bête ne déroge pas à la règle des contes de fée qui, "pour la plupart, jusqu'à Andersen, n'ont pas une paternité absolue" et voient leurs différentes versions coexister. Il faut remonter à l'époque romaine pour trouver les premiers signes de cette histoire. 

"Les Métamorphoses d’Ovide racontent comment un homme est transformé en âne parce qu’il ne s’est pas bien conduit. A partir de là, il ne peut plus approcher les autres hommes ni la femme qu’il aime sans passer pour un monstre. Au XVIIIe siècle, La Belle et la bête a été écrit deux fois, par Madame de Villeneuve puis par Jeanne Leprince de Beaumont. Parce que, quand un conte plaisait, il fallait une version qui puisse être racontée aux chastes oreilles des enfants et être souvent un peu adoucie", note Sébastien Durand.

S'il ne sort qu'en 1992, "le film est déjà en réflexion à l'époque de Walt Disney". Ce dernier est attiré par cette "histoire pleine de magie", comme l'était Cendrillon. Il se murmure qu'il a été "ébloui par l'adaptation de Jean Cocteau avec Jean Marais, en grande partie constitué par les dîners entre la Belle et la Bête aux deux extrémités d'une même table". Les objets y sont enchantés, avec des bras tenant des chandeliers. Puis le projet est mis de côté par les studios à cause du sujet premier du récit : "C’est quand même l’histoire d’une fille qui est enlevée et qui va tomber amoureuse de son ravisseur. Les questions ne se posaient pas encore comme on se les pose aujourd’hui en termes d’emporwement féminin mais ils n'ont pas trouvé la manière adéquate de traiter le sujet".

Belle, héroïne féministe ?

Le succès de La Petite sirène à la fin des années 1980 va offrir un second souffle à La Belle et la bête. Les esquisses faites à l'époque de Walt Disney sont ressorties du placard et le duo, constitué du compositeur Alan Menken et du parolier Howard Ashman, se met au travail. "Ce sont eux qui ont mis Ariel à l’eau et qui font de Belle la première héroïne Disney véritablement moderne", relate Sébastien Durand. La jeune femme et la bête entament "une relation d'égalité qui va leur permettre de tomber amoureux alors que, jusqu’à présent, les héroïnes étaient infériorisées par rapport à l’objet dont elle tombaient amoureuses"

Belle serait-elle une héroïne féministe ? "En général chez Disney, ils n’aiment pas trop ce terme mais oui, je le pense. En plus, c’est le premier scénario d’un dessin animé Disney écrit par une femme", souligne-t-il. Pour Linda Woolverton, qui a ensuite modernisé Alice avec Tim Burton, la tâche n'a pas été simple. "C'était important pour elle que Belle ait une passion et elle a opté pour la lecture. Les hommes du studio voulaient qu’elle passe son temps à faire de la pâtisserie. Selon eux, ce serait moins intéressant à animer si elle passait son temps à tourner les pages d’un livre que si elle faisait la cuisine. Linda s’est vraiment bagarrée"

En étant celle qui lit, Belle possède quelque chose que personne d'autre au château n'a : la culture. "Il y a toujours une chanson au début d'un film Disney où le héros ou l’héroïne exprime ses attentes. Là, c’est Belle qui chante que sa vie ne la satisfait pas. La Bête n’a pas de chanson à elle dans le dessin animé qui lui permette de dire ce qu’il attend de la vie", note Sébastien Durand. Doit-on voir une signification particulière dans le fait que cette première héroïne affirmée soit Française ? Pas franchement selon lui, sinon que la femme française a toujours fasciné les Américains.

Les studios en voyage

Nouvelle héroïne et nouvelles méthodes de travail, La Belle et la Bête vient chambouler la maison Disney. "C’est l’un des  premiers dessins animés Disney de l’ère moderne où les artistes se sont déplacés en France pour faire un voyage d’études pendant la réalisation", relate Sébastien Durand. Pendant plusieurs semaines, animateurs et décorateurs vont visiter les châteaux de la Loire et le Louvre "pour s’inspirer des paysages français" et d'une "lumière différente de celle qu'ils ont en Californie". Objectif ? "Que le film ait une saveur spéciale". Il sera d'ailleurs le premier dessin animé de l'histoire à être nommé à l'Oscar du meilleur film. Les voyages d’études sont devenus une évidence au studio avec La Belle et la Bête. On citera par exemple l'équipe de La Reine des neiges 2 qui a été jusqu'en Islande pour prendre pleinement conscience des décors naturels qu'ils allaient mettre à l'écran.

>> "La Belle et la bête" de Bill Condon (2017)

avec Emma Watson, Dan Stevens, Luke Evans et Josh Gad

disponible sur Disney+ dès le 24 juillet


Delphine DE FREITAS

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