Accusé d’être "un ennemi de dieu" et de "corruption sur Terre", Toomaj Salehi est jugé à huis clos depuis dimanche.Ce rappeur de 26 ans est devenu l'un des symboles de la révolte contre le régime, après la mort de Mahsa Amini.Depuis le début des manifestations, six condamnations à mort ont déjà été prononcées contre des opposants.
Il est devenu l’une des voix de la révolte de la jeunesse depuis la mort de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans décédée le 16 septembre par la police des mœurs à Téhéran. Arrêté fin octobre, le rappeur Toomaj Salehi, 26 ans, est jugé depuis dimanche 27 novembre à huis clos, et risque la peine de mort, a indiqué le même jour l’Autorité iranienne. Soutien des manifestations hostiles au pouvoir, il est accusé d’être "un ennemi de dieu" et de "corruption sur Terre", deux crimes passibles de la peine capitale.
Originaire de la tribu des Bakhtiari, un peuple nomade iranien, Toomaj Salehi a grandi dans la ville d'Ispahan, où il a étudié la mécanique et le design industriel. Son engagement, il le doit à son père, lui-même opposant au régime, qui fut emprisonné en raison de ses activités politiques. Depuis 2020, le jeune homme multiplie les titres qui dénoncent la crise sociale et la répression des libertés. Surtout, il fédère une communauté active sur les réseaux sociaux, avec près d’1 million d’abonnés sur Instagram.
Vous avez affaire à une mafia prête à tuer la nation toute entière afin de conserver son pouvoir, son argent et ses armes
Toomaj Salehi en octobre sur la chaîne CBC
En septembre 2021, le jeune rappeur est arrêté une première fois à son domicile, accusé de propagande contre le régime. Libéré sous caution, il est condamné à six mois de prison et à une amende. Sa deuxième arrestation intervient le 30 octobre dernier, suite à la diffusion d’une interview accordée à la chaîne canadienne CBC. "Vous avez affaire à une mafia prête à tuer la nation toute entière afin de conserver son pouvoir, son argent et ses armes", dénonçait-il.
Dans le clip d'une chanson postée sur YouTube il y a tout juste un mois, Toomaj Salehi, vêtu de blanc, prend un café dans le désert avec un homme en noir, symbole de la république islamique, et évoque ouvertement le décès Mahsa Amini. "Quelqu’un a perdu son enfant et quelqu’un a perdu sa jeunesse. Quelqu’un est mort sans décision de justice. Le crime de cette personne, c’était de danser les cheveux au vent", lance-t-il à son interlocuteur, silencieux.
Depuis qu’il est derrière les barreaux, ses proches craignent que son cas serve d’exemple au pouvoir, afin de décourager les manifestants. Le 2 novembre, quelques jours après son arrestation, l'agence officielle Irna avait diffusé une vidéo le montrant, bandeau sur les yeux, disant avoir "commis une erreur". Des "aveux forcés" ont aussitôt dénoncé ses soutiens. Depuis le début des manifestations, plus de 2000 personnes ont été inculpées et six condamnations à mort ont été prononcées.
Si de nombreux artistes iraniens en exil expriment leur colère contre leur pays, il est plus difficile de le faire depuis le sol iranien. Le 20 novembre dernier, l'actrice Hengameh Ghaziani a été arrêtée après avoir publié sur Instagram une vidéo tournée dans une rue de Téhéran dans laquelle, sans parler, elle est tête nue face à la caméra. Accusée de soutenir les émeutes, elle a finalement été libérée sous caution ce dimanche.