RÉCIT - Couronnons sous la pluie : Londres en fête, le roi Charles III... et moi

par Delphine DE FREITAS à Londres
Publié le 6 mai 2023 à 19h40

Source : Couronnement de Charles III

Sept mois après son accession au trône, Charles III a été couronné ce samedi 6 mai à l’abbaye de Westminster.
Une cérémonie à laquelle des centaines de milliers de personnes ont assisté dans les rues de la capitale anglaise.
Au cœur du public, notre envoyée spéciale raconte cette journée pour l’Histoire.

C’est peut-être l’image qui résumera le mieux mon 6 mai 2023. Les smartphones tentent de capturer le passage des avions de chasse des Red Arrows au-dessus du Mall, l’avenue qui mène jusqu’à Buckingham Palace. Dans le ciel, le panache de fumée bleu-blanc-rouge clôturant une parade aérienne raccourcie à cause de la pluie s’efface peu à peu. Comme un symbole de l’instantanéité d’un moment de communion unique qui nourrira prochainement les livres d’histoire.

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Au premier plan, une jeune femme dont les cheveux ont été mouillés par la pluie affiche un large sourire. Qu’importe si le balcon du palais se trouve bien trop loin pour apercevoir la famille royale. Cette bonne humeur ambiante a rythmé une journée folle qui n’a pas vraiment agité mon podomètre, mais m’a réchauffé le cœur. Car oui, voir autant de gens heureux en même temps, ça finit par devenir contagieux. Ce n’est pas tous les jours non plus que vous pouvez marcher dans les rues de Londres totalement vides à 6h du matin. Ou que vous croisez autant de policiers au mètre carré.

"Umbrellas down, umbrellas down !"
La foule près de Trafalgar Square

Ils étaient partout à la sortie de l’hôtel, tout près de l’abbaye de Westminster, où Charles III a été couronné. Ils étaient encore plus nombreux une fois arrivée à Trafalgar Square, où les anti-monarchistes avaient donné rendez-vous à la presse. Pacifiste, la manifestation a viré au concours de chant façon colonie de vacances entre eux et les centaines de badauds qui s’étaient massés le long du parcours de la procession. À bâbord, ça hurlait "Not my King", "pas mon roi". À tribord, ça huait aussi fort que possible. Je ne vous raconte pas la cacophonie lors de l’arrivée du carrosse du couple royal en route vers l’abbaye. Mais le meilleur slogan restera celui de mes voisines de derrière contre ce qui a pourtant été notre meilleur allié de la journée. 

"Umbrellas down, umbrellas down !", "baissez les parapluies !", n’ont-elles eu de cesse de crier alors qu’il n’y avait encore rien à voir et qu’il pleuvait à grosses gouttes. Elles n’ont rien pu faire contre la vague de smartphones qui ont surgi d’un coup lors des deux passages de la procession. Tout le monde voulait son bout d’Histoire. Certains ont pourtant quitté le navire en route, découragés par une météo capricieuse. Je le confesse aisément, c’est depuis un café que j’ai suivi la cérémonie du couronnement. Un bon moyen de recharger les batteries tout en vidant celle de mon téléphone. 

La chorale a repris de plus belle au moment d’entonner le "God save the King" qui a clos les célébrations à l’abbaye de Westminster. Puis une autre petite musique a envahi les rues, celle de la police enlevant les grilles qui barraient la route donnant accès au Mall. De loin, la foule compacte ressemblait un peu à celle qui se jette sous les grilles à l’ouverture des soldes. Sauf que là, les jambes étaient lourdes d’être restées statiques beaucoup trop longtemps. Brigitte, une Marseillaise rencontrée la veille, nous disait que la fatigue n’existait plus pour elle, tant elle vivait un moment "inimaginable".

White Stripes, Rihanna et Gene Kelly

Il y en aura toujours pour se moquer de cette passion dévorante qu’ont certains pour la royauté. Mais ce qu’on ne pourra pas enlever aux Windsor, c’est qu’ils ont réussi, ce samedi 6 mai, le pari de réunir autant ceux qui les aiment que ceux qui veulent leurs têtes. Dans les rues de Londres, j’ai vu quelques tensions, des avis divergents, mais j’ai surtout vu de la cohésion, de la bienveillance et du partage. En anglais, en français, en espagnol et de nombreuses autres langues.  

Je n’ai pas entendu le "Seven Nation Army" des White Stripes que m’avaient promis les anti-monarchistes. Mais j’ai souvent pensé à Rihanna avec son parapluie – "ella, ella, eh, eh" - avant d’imaginer Charles III en Gene Kelly, qu’on aurait couronné sous la pluie. Si son Royaume-Uni ne l’est plus tant que ça depuis plusieurs années, le monarque de 74 ans aura au moins réussi à rassembler une grande partie de la planète autour d’un évènement qui avait pourtant tout d’une machine à remonter le temps. Signe que ce n'est pas encore aujourd'hui qu'on arrivera à percer les raisons de la popularité de la monarchie britannique.


Delphine DE FREITAS à Londres

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