INTERVIEW - Immense star en Inde où elle a été popularisée par le diptyque "Gangs of Wasseypur", Richa Chadda est en tête d’affiche du drame "Masaan" de Neeraj Ghaywan. A 27 ans, cette ravissante et talentueuse comédienne évoque pour metronews les difficultés vécues par les femmes dans son pays d’origine.
Quelle a été la réaction de votre famille quand vous leur avez annoncé votre désir de devenir actrice ?
J’ai grandi à Delhi, qui est une ville culturelle et créative. Depuis toute jeune, mes parents m’ont suivie dans mes envies artistiques : j’ai fait du chant, de la danse classique indienne et du théâtre. Ma famille très proche n’a donc pas émis d’objection par rapport à ça. En revanche, c’était différent du côté de mes oncles, mes tantes, mes voisins… Eux, ils se méfiaient du showbiz comme de la peste et se demandaient qui allait bien pouvoir m’épouser si j’empruntais une telle trajectoire. Maintenant que je suis populaire, ces considérations n’existent plus vraiment. Ils sont satisfaits (rires). Je suis allée vers mon destin avec quelques embûches, mais rien d’insurmontable.
C’est étonnant d’entendre ce que vous dites quand on connait la popularité hallucinante des actrices indiennes de Bollywood. Certaines d’entre elles sont considérées comme des légendes vivantes…
Oui, vous avez absolument raison. En fait, les gens pensent que les filles issues de familles respectables ne devraient pas faire ça. C’est une notion qui nous est inculquée depuis très longtemps. Mais aujourd’hui, avec les progrès dans l’éducation, la globalisation, la place prépondérante d’internet, les choses commencent à bouger. Il y a un peu moins de complexe à devenir actrice.
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Masaan situe son action à Bénarès, une cité sainte au bord du Gange. C’est là que Devi, votre personnage, vit torturée par un sentiment de culpabilité suite à la disparition de son premier amant. Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce projet ?
Varun Grover a écrit le scénario en pensant à moi. C’était très flatteur. J’ai été prise par l’histoire et j’ai le sentiment qu’elle devait être racontée. Les gens doivent savoir que le cinéma indien ne se résume pas à Bollywood. Nous avons des genres différents : du réaliste, de l’expérimental, de l’abstrait… Tout ça existe. Nous sommes vraiment chanceux que Masaan voyage à travers le monde et qu’il ait l’attention d’un public des quatre coins du monde.
A quel point ce que ce film raconte est vrai ?
C’est 100% vrai, surtout sur sa peinture des femmes ! (Réflexion) Je ne vais personnellement pas me plaindre. Je suis une personne privilégiée, mes parents ont une bonne situation. Mon père est businessman. Mais j’ai déjà vécu des pressions avec des propos tels que : "A l’âge que tu as, j’avais déjà eu trois enfants." Pour moi, devenir mère n’est pas une fin en soi même si je ressens aujourd’hui le besoin de me poser… (Son beau regard se perd et elle reprend) En Inde, beaucoup de filles subissent la pression du mariage. Souvent, les parents leur choisissent un homme de leur caste, de leur religion… Et tant pis s’il n’y a pas d’amour. Dans les petites villes de mon pays, comme on peut le voir dans le film, il y a une vraie confusion. Les filles ont accès à Facebook, à la pornographie sur Internet… Elles sont tiraillées entre les règles à respecter et les choses qui se passent ailleurs.
Dans les médias, on entend souvent parler de faits divers sur des femmes victimes d'attouchements de la part des hommes... Est-ce courant ?
C’est gravement courant ! Les hommes sont élevés en étant persuadés d’être supérieurs aux femmes. 90% d’entre eux sont sexistes. En Inde, l’homme fait ce qu’il veut. Il pense qu’il a tous les droits. 99,9% des femmes ont déjà été touchées de manière inappropriée voire carrément molestées. C’est d’une tristesse innommable. Cela m’est déjà arrivé. Et pas qu’une fois. Un jour, je me suis faite caresser par un homme alors que j’allais à l’école. J’ai senti sa main sur mon épaule. Plus tard, à 19 ans, je me suis endormie dans un bus et un homme a peloté mes seins. Il m’a ensuite accusée d’avoir rendu son geste possible. Du coup, aujourd’hui, de nombreuses femmes ont des serviettes hygiéniques sur elles… Et vous savez, les politiciens n’agissent pas vraiment et n’arrivent à rien. C’est pathétique. Il y a une hypocrisie religieuse de folie. Pendant 20 jours chaque année, vous verrez des hommes de la religion hindoue prier des déesses de la fertilité, de la nourriture… ect. Tout ça après avoir fait des trucs dégueulasses. (Réflexion) Je suis devenue actrice pour avoir une tribune et pouvoir crier mon désarroi (elle a 1,1 million de fans sur Facebook et près de 100.000 followers sur Twitter, ndlr).
Que se passe-t-il si une femme cherche à se défendre ?
Tout dépend des gens qui sont autour d’elle. Parfois, certains s’interposent. Et puis, souvent, rien.
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Les femmes sont-elles donc malheureuses en Inde ?
Oui… Pas toutes mais une grande majorité. Il y a des mariages qui prennent l’eau, des femmes déprimées sexuellement, forcées de se marier avec des gens qu’elles ne connaissent pas… Il y a des femmes qui n’ont pas connu d’orgasme depuis une éternité. Voire jamais. Je ne vous parle même pas des crimes d’honneur… Il y a encore du chemin à parcourir. Mais je suis confiante. Les lignes bougent. Tenez, mes parents font partie de ces personnes qui soutiennent le mariage interreligieux. Ils sont très open. Des voix s’élèvent… Comme il y a 10 ans, cette actrice qui a parlé du sexe pré-marital en appelant à la précaution, à l’utilisation de préservatifs… A l’époque, ça a fait un tollé. Certains ont crié haro sur elle. Ils ont dit qu’elle avait corrompu la culture indienne alors que c’est aussi celle du kama sutura et de l’acceptation des sexualités… Je crois qu’après la colonisation et la modernisation de notre pays, on a supprimé nos vrais instincts.
Revenons à Masaan. Croyez-vous qu’il va marcher à sa sortie en Inde ?
Dans le passé, on aurait eu tout le mal du monde à sortir ce type de film parce que c’est de l’art et essai. Personne ne veut voir la réalité. On accuse parfois le public indien de snober ces films sur leur territoire. Mais il ne faut pas omettre qu’une large majorité de la population est illettrée et comprend mieux des films chatoyants où ça chante et ça danse.
Bollywood serait donc une forme de trompe-l’oeil ?
Oui, un échappatoire… Pour beaucoup de gens, Bollywood c’est ça. Mais c’est aussi une manière de perpétuer des traditions de danse classique, de vieux chants ancestraux… C’est un peu comme l’opéra. Le style Bollywood est accessible. Il est d’ailleurs utilisé dans des films plus sérieux de nos jours. Je suis contente de voir que des longs métrages exigeants trouvent leur public. Les classes moyennes et aisées, friandes de séries comme Breaking Bad ou Sex and the City, recherchent désormais des choses mieux écrites et ont contribué à ces changements.
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