Russell Brand accusé de viols : la rock star de l’humour ne fait plus rire les Britanniques

Sa gueule de rock star truste la Une des médias britanniques. L’humoriste Russell Brand, 48 ans a bâti sa carrière sur son goût de la provocation et une vie sentimentale "débridée" sans le moindre tabou. S’il s’en est toujours sorti par une pirouette, piochant dans ses déboires personnels la matière de ses spectacles, les accusations de viols et d’agressions sexuelles qui se multiplient contre lui pourraient bien avoir raison d’une carrière aussi météorique que controversée.

Russell Brand n’a que six mois lorsque ses parents se séparent. Élevé par sa mère, il développe une forme de boulimie sévère lorsqu’elle est hospitalisée pour un cancer, puis un second. Adolescent, il quitte le domicile familial et sombre dans la drogue, une jeunesse douloureuse qu’il racontera dans plusieurs livres. À l’âge de 16 ans, il intègre une école de théâtre mais s’en fait renvoyer avant la fin de la première année pour "mauvais comportement".

Après une décennie d’errance et d'anonymat, c’est grâce à la télévision qu’il va exploser. Journaliste et présentateur sur la chaîne MTV, il présente les tubes du moment et arpente les boites de nuit avec sa dégaine de rock star, cheveux en pétard et eyeliner à la Robert Smith de The Cure. Il se fera virer de la chaîne musicale au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 après être venu au travail déguisé en Oussama Ben Laden, accompagné de son dealer. "J’étais sous crack et héroïne", racontera-t-il des années après. "Et j’avoue que ce n’était pas le jour idéal pour faire ça."

Outre-Manche, son humour borderline fait des ravages. Il est engagé pour présenter la téléréalité "Celebrity Big Brother", décroche sa propre émission de radio sur la BBC et une tribune dans The Guardian où il partage sa passion pour l’équipe de foot de West Ham. Mais c’est sur scène qu’il donne le meilleur de lui-même dans des one-man shows aux titres évocateurs comme "Better Now", dans lequel il évoque a toxicomanie, ou encore "Eroticized Humour" et "Shame", cultivant son image de tombeur aux 1000 conquêtes. 

Outre-Manche, sa notoriété est telle qu'en 2007, il est invité à se produire devant Elizabeth II et le prince Philip dans le cadre d'un gala de charité organisé par l'association du Prince Charles. Sans surprise, Hollywood lui fait les yeux doux et en 2008, il décroche le rôle de la rock star décadente Aldous Snow dans la comédie Sans Sarah rien ne va avec Kristen Bell. Le personnage est tellement populaire que deux ans plus tard, les producteurs font de lui la vedette d'American Trip avec Jonah Hill. C’est sur le tournage que l’humoriste fait la rencontre de la chanteuse Katy Perry.

À l’automne 2010, les tourtereaux se marient lors d’une cérémonie rituelle au Rajahstan et font les choux gras de la presse tabloïd. Leur séparation pour "différends irréconciliables", 14 mois plus tard, n’en sera que plus retentissante. Après leur divorce, l'interprète de tube "I Kissed A Girl" plongera dans une profonde dépression. Plus tard, elle révèlera même avoir songé au suicide tandis que son ex rentrait au pays.

Moins présent dans les médias traditionnels, c’est sur les réseaux que Russell Brand entretient sa popularité grâce à des vidéos qui enregistrent des millions de vues. Il y évoque son veganisme, sa pratique de la méditation et donne même des conseils conjugaux, lui qui dit s’être assagi auprès de Laura Gallacher, une blogueuse écossaise de 36 ans qu’il a épousée en 2017, après l'avoir fréquenté lorsqu'en avait 18, et qui est aujourd’hui enceinte de leur troisième enfant. Ses détracteurs lui reprochent en revanche son intérêt pour les théories complotistes et ses diatribes contre les atteintes aux libertés durant la pandémie de Covid. 

Samedi 16 septembre, c'est dans l'une de ces vidéos face caméra qu'il a évoqué les accusations le concernant, avant même leur publication le lendemain dans The Times, The Sunday Times et Channel 4. Et alors qu'il s'apprêtait à se produire à guichets fermés à Wembley, le temple du rock. "Toutes mes relations sexuelles ont toujours été consenties", assure-t-il dans ce plaidoyer qui cumule près de 68 millions de vues depuis sa publication. 

Dans l'enquête dévoilée dimanche, quatre femmes, dont une mineure au moments des faits, accusent Russell Brand de viols, violences sexuelles et violences psychologiques entre 2006 et 2013. Lundi, Scotland Yard révèle avoir enregistré le témoignage d'une cinquième personne qui dénonce une agression sexuelle dans le quartier branché de Soho à Londres, en 2003. Toutes dénoncent l'aveuglement du showbiz d'un personnage dont les frasques ont longtemps fait rire des millions de spectateurs. Plus pour longtemps ?

Si aucune plainte n'a été enregistrée à ce jour contre Russell Brand, son agent et son éditeur ont annoncé suspendre leur collaboration tandis que les dernière dates de sa tournée ont été annulées par les salles de spectacle concernées. Signe de l'ampleur du scandale, le porte-parole de Downing Street s'est déclaré "attentif" à la situation, l'humoriste ayant longtemps collaboré avec la BBC et Channel 4, deux chaînes publiques qui ont ouvert des enquêtes internes pour savoir si ses agissements ont été couverts par ses producteurs.

Muré dans le silence, l'humoriste a reçu lundi le soutien de son père, le photographe Ron Brand, un personnage au moins aussi sulfureux qui l'emmena il y a bien longtemps perdre sa virginité lors d'un séjour en Thaïlande. Dans un message posté sur les réseaux sociaux, et effacé depuis, le septuagénaire dénonce "une vendetta" des médias contre son fils et s'interroge : "Est-ce qu'il n'y a pas des choses plus importantes dans le monde en ce moment ? Les immigrés ? Le coût de la vie ? Des dizaine de milliers morts en Ukraine ?". Gênant, vous avez dit gênant.