To be woke or not to be : comment la suite de "Sex and the City" s’est mise à la page

Publié le 14 janvier 2022 à 17h41, mis à jour le 17 janvier 2022 à 15h29

Source : Sujet TF1 Info

DÉCRYPTAGE – Disponible en France sur Salto depuis décembre, "And just like that…" marque le retour des héroïnes de "Sex and the City" dans une Amérique qui n’est plus tout à fait la même. Elles non plus d’ailleurs. Au point de devenir trop politiquement correcte ? Pas si sûr.

Dans la jungle des remake, revival, reboot, appelez-les comme vous voulez, la résurrection de Sex and the City était l’un des projets les plus attendus et redoutés par les fans. Allaient-ils retrouver l’humour, le charme, l’impertinence, tout simplement l’esprit des aventures amoureuses de Carrie Bradshaw et ses meilleures copines, débutées dans le New York so chic de la fin du XXe siècle ? 

Intituler le programme And Just Like That... (Et d’un seul coup, ndlr), au lieu de le présenter comme la saison 7 de SATC, aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. Cette punchline culte de l’héroïne, prononcée à la fin de chaque épisode comme on referme un chapitre, se teinte ici d'un mélange de nostalgie et d’incompréhension. "Ce sont les mêmes personnages, mais c’est un monde nouveau", résumait le showrunner Michael Patrick King en décembre dernier, à la veille de la diffusion du premier épisode.

Des minorités vraiment visibles

Si la crise cardiaque fatale de Mr. Big a certainement encouragé certains téléspectateurs à faire un check-up complet, And Just Like That… se distingue avant tout par la place accordée aux enjeux de société qui animent l’Amérique contemporaine. Et en particulier à la représentation des minorités. De mémoire, Sex and the City ne manquait pas de protagoniste de couleur. Seulement ils étaient généralement secondaires, toujours de passage, et souvent prétextes à des gags qui passeraient mal aujourd’hui.

En 2022, c’est une toute autre histoire. Non seulement la prof d’université Nya Wallace (Karen Pittman), la documentariste Lisa Todd Wexley (Nicole Ari Parker) et l’agent immobilier Seema Patel (Sarita Choudhury) sont des personnages récurrents. Mais elles viennent mettre en relief les préjugés qui perdurent chez les trois quinquagénaires, donnant lieu à quelques scènes comiques savoureuses comme lorsque Miranda s’emmêle les pinceaux en s’excusant après avoir pris Nya pour une étudiante parce qu’elle porte des tresses. 

Mais la grande affaire de cette nouvelle série, c’est la question de la diversité sexuelle et de genre. Sex and the City n’était pas une série foncièrement hétéro et le couple formé par Stanford et Anthony constituait, à l’époque, une petite révolution télévisuelle. Seulement And Just Like That va bien plus loin. Ainsi autrefois si cool est pertinente, Carrie est désormais présentée comme la chroniqueuse "cisgenre" un peu ringarde du podcast de l’humoriste LGBTQ+ Che Diaz.

Des personnages miroirs de leurs interprètes

Che, justement. Après une première rencontre tendue avec Miranda, elle fait découvrir à cette mère de famille rangée de nouveaux horizons lors de la scène de sexe dans une cuisine la plus torride depuis Liaison Fatale. Il y a enfin Rose, l’un des filles adoptives de Charlotte et Harry, qui leur annonce un matin qu’elle s’appelle désormais Rock, avec la bienveillance du système éducatif qui donnent à ces pauvres parents l'impression d'être d'odieux réactionnaires qui ne comprennent rien à rien.

Trop de progressisme finirait-il par tuer le progressisme ? Outre-Atlantique, la droite conservatrice s'en donne à cœur joie. Pour l’éditorialiste Meghan McCain, cette nouvelle mouture serait bien trop "woke" pour être honnête. Dans une tribune publiée par le Daily Mail, elle explique que si Sex and The City était "un phénomène culturel qui a fait tomber des barrières et ouvert la discussion sur les femmes et leur sexualité", And Just Like That... est "une tentative sinistre pour reformater le programme afin de coller à l’époque puritaine que nous traversons."

L’équipe de la série n’est évidemment pas de cet avis. Sur le site DailyBeast, Sara Ramirez, l’interprète de Che qui se revendique non-binaire dans la vraie vie, défend un personnage "multidimensionnel qui est à la fois drôle, spirituel, problématique, en vrac et au fond très humain". Un peu comme l’était, il y a 15 ans, les héroïnes de Sex and the City, à leur manière. Provocatrice, sinon provocante, libératrice et certainement libérée, c’est elle la vraie remplaçante de Samantha Jones, la croqueuse d’hommes de la série d’origine.

Mais s’il y en a une qui incarne mieux que les autres le propos de cette nouvelle fiction, c’est certainement Cynthia Nixon. Après s’être séparée de son compagnon Danny Mozes en 2003, elle a épousé l’activiste Christine Marinoni en 2012 à New York. "J’ai été avec des hommes toute ma vie. Et il se trouve que je suis tombée amoureuse d’une femme", raconte-t-elle à l’époque au Daily Telegraph. L’évolution du personnage de Miranda s’inspire ouvertement du parcours personnel de son interprète. Jusqu’à quel point ? Il reste encore quatre épisodes pour le savoir…

À l’heure qu’il est, And Just Like That... n’a pas encore été renouvelée par HBO Max. Ses héroïnes auront-elles l’occasion de rempiler ?  À plus d'un million de dollars par épisode chacune, leur banquier serait ravi. Mais après avoir tergiversé pendant plusieurs années, quitte à perdre Kim Cattrall en cours de route, il faut au moins leur reconnaître le mérite de ne pas avoir choisi la facilité en assumant le temps qui passe à l’image d’une Carrie contrainte de se faire opérer de la hanche pour continuer à marcher en Louboutin. Et ça, ce n'est pas woke. C'est vital.

>> And Just Like That... avec Sarah Jessica Parker, Cynthia Nixon, Kristin Davis. Un nouvel épisode chaque vendredi sur Salto


Jérôme VERMELIN

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