"Sense8" : et si les Wachowski venaient de signer leur chef-d’œuvre ?

Publié le 23 juin 2015 à 17h20
"Sense8" : et si les Wachowski venaient de signer leur chef-d’œuvre ?

MIRACLE – Après une série de longs-métrages franchement décevants, les Wachowski retrouvent des couleurs avec "Sense8", étonnante série diffusée sur la plateforme Netflix. metronews a regardé les 12 épisodes, mélange habile de fantastique, de drame, d'action et de comédie. Et dresse le bilan d'une première saison qui en appelle d'autres.

Depuis l'inégale trilogie Matrix, au tournant des années 2000, l'œuvre de Larry et Lana Wachowksi a connu des hauts et des bas, avec une fâcheuse tendance aux seconds. Dans le fond, comme dans la forme, leurs projets ont toujours suscité l'attente des fans, sans jamais vraiment la combler. Mondes parallèles, quête identitaire, voyages spatio-temporels, critiques des nouvelles technologies et spiritualité 2.0... On a souvent reproché au duo d'en faire trop, de vouloir glisser toutes leurs obsessions dans l'espace contraint du cinéma commercial, y compris lorsqu'ils s'offrent un Cloud Atlas de près de 3 heures.

Sans être le projet de la dernière chance, Sense8 avait des allures de quitte ou double pour ces ex-enfants chéris d'Hollywood. Une série télé pour Netflix, conçue dans le plus grand secret avec l'aide de Joseph Michael Straczynski, auteur respecté de Babylon 5, à la fin des années 1990. Et la participation à la réalisation de plusieurs fidèles comme Tom Tykwer et James McTeigue. A l'arrivée ? Une merveille de récit fantastique, à la fois spectaculaire et intimiste, où tout fonctionne, même les idées les plus improbables.

De Chicago à Séoul, tous connectés

Sense8, pour ceux qui hésiteraient encore, met en scène huit individus, hommes et femmes, riches et pauvres, hétéros et LGBT (c'est important), répartis dans différents coins du monde. L'Amérique du Nord et du Sud, l'Europe, l'Asie, l'Inde, l'Afrique. Ces "Sensitifs" vont tous être mystérieusement connectés par l'esprit, la vue, le goût, le toucher suite à la mort d'Angelica, un personnage féminin totalement flippé. On comprendra plus tard pourquoi.

Une bonne moitié de la saison, composée de 12 épisodes, est consacrée à la découverte de ce don fulgurant. Et à son impact sur la vie quotidienne des uns et des autres. Il y a Will, un flic de Chicago ; Riley, une DJ islandaise installée à Londres ; Wolfgang, une petite frappe berlinoise, Sun Bak, une businesswoman coréenne, adepte des arts martiaux ; Tena, une pharmacienne indienne qui s'apprête à épouser un homme qu'elle n'aime pas ; Capheus, un chauffeur de bus kenyan, fan de Jean Claude Van Damme ; Lito, une star de film d'action latino qui cache son homosexualité au grand public. En Nomi, une blogueuse transexuelle de San Franciso...

Un récit plus personnel qu'on ne le croît

Le premier tour de force de Sense8, c'est de faire vivre ces intrigues en parallèle, sans jamais perdre une seconde en intensité. Drame, thriller, comédie... Les Wachowski jonglent avec les genres avec gourmandise, sur un fil. Jusqu'au moment où les existences des uns et des autres vont s'entremêler. D'abord de manière anecdotique – une sensation de déjà-vu, un son, un parfum – puis de façon cruciale lorsque les enjeux dramatiques s'accélèrent.

A partir de ces destins individuels, les créateurs de Sense8 tissent une formidable métaphore du monde connecté, prétexte à d'inoubliables séquences à deux. Ou à plusieurs. La plus jolie ? Lorsque Riley écoute "What's Up? ", le tube des 4 Non Blondes, et que le spleen de la mélodie parvient jusqu'à ses sept camarades. La plus musclée ? Lorsque Sun Bak prête ses aptitudes au combat à Capheus, en mauvaise posture. La plus hot ? Lorsque Lito et Nomi initient, sans le vouloir, la plus incroyable partouze de l'histoire des séries télé...

Déjà des records de téléchargements illégaux

De sexe, il est souvent question dans Sense8. Mais jamais de façon gratuite. Le dilemme de Lito, mais surtout le destin de Nomi, née Michael, font forcément écho au parcours de Lana Wachowski, née Andy. Comment survivre dans l'industrie du divertissement lorsqu'on ne correspond pas aux codes ? Comment vivre dans un corps d'homme lorsqu'on se sait femme ? Jamais la moitié du duo le plus azimuté du cinéma américain ne s'était livrée avec autant de franchise. Et d'authenticité à travers la performance vibrante de la comédienne Jamie Clayton, trans elle aussi.

Cette quête d'identité, ce désir de vérité, les Wachowski l'étendent au poids de la culture, des conventions sociales ou encore des secrets de famille jusqu'au climax qui verra les huit Sensitifs se réunir pour sauver la peau de l'un d'entre eux. Un épatant tour de force qui boucle la boucle de cette saison. Mais laisse de multiples pistes narratives à explorer en vue d'une deuxième. Si l'on se fie au niveau de piratage – plus de 500 000 téléchargements illégaux en trois jours –, Netflix ne devrait pas tarder à l'annoncer...

EN SAVOIR >> Mais qui est Jamie Clayton, la star trans de Sense8 ?



Jérôme VERMELIN

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