Snobée par les Oscars, l’actrice Danielle Deadwyler se dit victime de "misogynoir"

Publié le 10 février 2023 à 18h07

Source : TF1 Info

L’actrice américaine Danielle Deadwyler est la vedette de "Emmett Till", dans les salles françaises depuis mercredi.
Applaudie par la critique pour son interprétation d’une figure des droits civiques, elle n’a pas été retenue dans la course à l’Oscar.
Une absence qui s’expliquerait, selon elle, par les discriminations dont sont victimes les femmes noires Outre-Atlantique.

Pour ses admirateurs, c’était son année. Dans Emmett Till, un drame historique en salles en France ce mercredi, la comédienne Danielle Deadwyler incarne Mamie Till, une enseignante du Mississippi devenue une célèbre militante des droits civiques après le meurtre de son fils de 14 ans par des suprémacistes blancs, en 1955. Un drame emblématique, qui entre hélas toujours en résonance avec l’actualité, et dans lequel la performance de la jeune femme a été salué par la critique.

Le 24 janvier dernier, à l’annonce des nominations aux Oscars, de nombreux internautes ont été étonnés qu’elle ne figure pas dans la liste des prétendantes au trophée de la meilleure actrice. Une absence d’autant plus remarquée que Viola Davis, l’autre comédienne afro-américaine pressentie pour son rôle d'Amazone dans The Woman King, a elle aussi été mise de côté par les votants qui leur ont préféré Cate Blanchett, Michelle Yeoh, Ana De Armas, Michelle Williams et l’invitée surprise Andrea Riseborough.

Nous parlons de gens qui ont peut-être simplement choisis de ne pas voir le film. Nous parlons de misogynoir
Danielle Deadwyler

Il n’en fallait pas plus pour déclencher la colère de Chinonye Chukwu, la réalisatrice du film, qui s’est fendue d’un post Instagram cinglant dès l'annonce des nominations. "Nous vivons et travaillons dans des industries qui sont agressivement engagées à entretenir la blanchité et à perpétuer une misogynie assumée à l’encontre des femmes noires", a-t-il écrit en légende d’une photo où elle pose aux côtés de la militante Myrlie Evers-Williams.

Mais qu’en pense la principale intéressée ? Interrogée pour la première fois sur le sujet il y a quelques jours dans le podcast de cinéma "Kermode & Mayo’s Take", Danielle Deadwyler a abondé dans le sens de sa réalisatrice. Selon elle, l’absence récurrente de comédiennes afro-américaines parmi les nommées aux Oscars serait la conséquence d’un "racisme systématique" au sein du gouvernement et de la société tout entière.

"Nous parlons de gens qui ont peut-être simplement choisis de ne pas voir le film", insiste l’actrice. "Nous parlons de misogynoir". Danielle Deadwyler fait référence à un concept évoqué pour la première fois en 2010 par la chercheuse américaine Moya Bailey. Contraction de "misogynie" et de "noir", il décrit les discriminations dont sont victimes les femmes noires dans la société américaine, notamment leur faible visibilité dans les médias. 

Une diversité encore trop faible ?

Aux Oscars, elles sont 10 seulement à avoir remporté une statuette dorée depuis la création de la cérémonie, en 1929. La première d’entre elles, Hattie McDaniel, a été récompensée pour son rôle de servante dans Autant en emporte le vent, en février 1940. Mais la cérémonie se déroulant dans un hôtel réservé aux Blancs à Los Angeles, la production avait été contrainte de faire une demande spéciale pour qu’elle puisse y assister. Elle avait finalement été autorisée à s’installer à une table à part, loin de ses partenaires. Un scandale dont tout le monde parle encore à Hollywood.

Depuis, huit comédiennes afro-américaines ont reçu comme elle le trophée de la meilleure actrice dans un second rôle. Parmi elles, Whoopi Goldberg, Jennifer Hudson, Lupita Nyong'o ou encore Viola Davis. En revanche une seule femme noire a reçu l’Oscar de la meilleure actrice à ce jour : c’était Halle Berry en 2002 pour À l’ombre de la haine, où elle jouait la mère d’un condamné à mort. Depuis, il faut bien reconnaître que la catégorie est régulièrement trustée par des comédiennes blanches. En 2016, l’absence totale d'interprètes noirs avait entraîné la naissance du mouvement #OscarsSoWhite sur les réseaux sociaux.

Depuis, l’Académie des Oscars a fait un effort non-négligeable en faveur de la diversité en ouvrant le collège des votants à des talents du monde entier. Avec des résultats plus ou moins apparents pour les talents afro-américains. L’an dernier, Will Smith est devenu le cinquième seulement à remporter l’Oscar du meilleur acteur pour La Méthode Williams, dans les circonstances qu'on connaît, tandis que la révélation de West Side Story Ariana DeBose recevait celui du meilleur second rôle féminin. Un trophée que pourrait remporter à son tour Angela Bassett, nommée cette année pour Black Panther : Wakanda Forever.


Jérôme VERMELIN

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