Depuis bientôt deux semaines, Amber Heard assiste en silence au procès en diffamation que Johnny Depp lui intente en Virginie.La jeune femme devrait s’exprimer dans les prochains jours à la barre.L’occasion, peut-être, de restaurer une image brouillée par une bataille judiciaire aussi brutale qu’interminable.
Amber Heard a 36 ans ce vendredi 22 avril. Et elle aurait sans doute préféré fêter son anniversaire ailleurs qu’à Fairfax, en Virginie, où depuis deux semaines, elle assiste au procès en diffamation que lui intente Johnny Depp, ce dernier lui reprochant une tribune parue dans le Washington Post en 2018 où elle se présentait comme une victime de violences conjugales. Ces trois derniers jours, elle a écouté - sans rien dire - son ex-mari donner sa version de leur histoire mouvementée...
Leur premier baiser sous la douche sur le tournage de Rhum Express en 2011. Leurs premiers mois idylliques et leur passion commune pour le blues. Leur mariage aux Bahamas où elle aurait partagé un sachet de MDMA avec ses copines. Mais aussi les disputes, fréquentes et de plus en plus violentes. Avec en point d’orgue ce jour de mars de 2015 où elle lui aurait accidentellement coupé un bout de doigt en lui jetant une bouteille de vodka à la figure. Sans parler de l’étron qu’elle aurait déposé dans le lit conjugal, à la veille de leur rupture.
Elle va bientôt témoigner
Le récit de ces scènes dignes d’un roman de Hunter Thompson, l’écrivain cher à l’acteur, la jeune femme l’a d’abord suivi impassible, coiffure impeccable, regard fixe et mâchoire serrée, sans qu’on parvienne réellement à deviner ce qui se jouait dans sa tête. Tristesse ? Colère ? Regrets ? Dégoût ? À plusieurs reprises, on l’a senti prête à exploser. Mais jamais elle n’a sorti de mouchoir pour essuyer des larmes qui feraient trop plaisir aux tabloïds qui suivent les débats filmés en direct, une particularité à la fois cruelle et savoureuse du système judiciaire américain.
Dans les jours qui viennent, elle devrait être amenée à donner son point de vue, bien différent si l’on se réfère au premier procès qui s’est tenu à Londres en 2020. Citée comme témoin par le tabloïd The Sun, elle s’était défendue avec véhémence, avant d’obtenir une victoire symbolique, les juges estimant "substantiellement vrais" douze des quatorze incidents qui leur avaient été présentés.
Deux ans plus tard, le remake qui se joue outre-Atlantique va-t-il de nouveau tourner en sa faveur ? Si la justice se rendait sur les réseaux sociaux, aucune chance. Mobilisés avec le hashtag #JusticeForJohnnyDepp, les fans de l’acteur se déchaînent, la qualifiant pêle-mêle de "sorcière", de "vampire", de "mythomane" ou encore plus grave, sans doute, de "traitre" à la cause des femmes battues. Pour beaucoup, Amber Heard se serait en effet servie du mouvement #MeToo, apparu quelques mois après son divorce, pour se donner un rôle de victime face à l’un des hommes les plus puissants d'Hollywood. Pour bien comprendre cette unanimité, il faut remonter aux origines de la relation entre les deux vedettes.
Lorsqu’en 2012, Johnny Depp s’affiche au bras d’Amber Heard, beaucoup voient en elle une briseuse de ménage, responsable de la rupture de l’acteur avec Vanessa Paradis, avec laquelle il formait un couple glamour mais discret. Ce n’est peut-être pas faux, même si les principaux intéressés n'ont jamais évoqué les causes de leur rupture. Mais c’est oublier que la jeune actrice américaine avait elle aussi quelqu’un à l’époque : la photographe Tasya von Ree, qui partageait sa vie depuis quatre ans. Une romance marquée par une dispute en public, à Washington en 2009, qui s’était soldée par des accusations de violences conjugales, sans suite judiciaires toutefois.
Une carrière (presque) sans histoire
Pour le reste, le grand public ne connait pas, ou peu, cette fille d’entrepreneurs du Texas, passionnée autoproclamée d'armes à feu et de grosses cylindrées. Après avoir enchaîné les concours de Miss durant son enfance, elle fait ses valises à l'âge de 17 ans pour tenter sa chance à Hollywood. Après quelques apparitions dans une poignée de clips et de séries télé, elle décroche son premier petit rôle au cinéma dans le drame sportif Friday Night Lights, en 2004. Deux ans plus tard, elle est la vedette de All The Boys Love Mandy Lane, un thriller horrifique dans lequel elle incarne une adolescente manipulatrice dont les prétendants finissent dans un bain de sang.
Amber Heard enchaîne les apparitions dans des films sans prétention – Never Back Down, Pineapple Express, Zombieland – jusqu’à sa rencontre avec Johnny Depp sur le tournage de Rhum Express, où elle joue Chenault, la blonde incendiaire qui fait tourner la tête de l’écrivain incarné par l'acteur. Un rôle qu’elle a décroché aux dépens de Scarlett Johansson et Keira Knightley. Malgré l'alchimie évidente entre les deux vedettes, cette adaptation d’un roman de Hunter Thompson est un échec au box-office. Mais elle va modifier à jamais leur destin.
À l’époque, la carrière de Johnny Depp n’est pas encore en péril. Il est toujours le Jack Sparrow de Pirates des Caraïbes et pour jouer dans le cinquième volet, Disney lui verse le salaire record de 50 millions de dollars. Le tournage débute en mars 2015 en Australie, quelques semaines après le mariage du couple aux Bahamas. Un séjour qui va se révéler pour le moins rocambolesque : le 10 mars, la presse annonce que l’acteur s’est blessé en marge du tournage et doit être rapatrié en urgence aux États-Unis, laissant des centaines de techniciens sur le carreau. Ce n’est que bien plus tard qu’on apprendra qu’il a perdu un bout de doigt lors d’une dispute avec sa jeune épouse, un épisode que l’un et l’autre réécrira à sa manière.
Mais ce n’est pas tout ! En mai, Johnny et Amber sont accusés d’avoir fait entrer sur le sol australien Pistol et Boo, les deux Yorks de la jeune femme, sans respecter la quarantaine obligatoire. L’affaire sera jugée en avril 2016, et outre une grosse amende, le couple est contraint de filmer une vidéo surréaliste, face caméra, dans laquelle ils présentent leurs excuses et vantent la sévérité des lois sanitaires australiennes. Du pain béni pour les réseaux sociaux qui n’hésitent pas à ridiculiser les deux vedettes qui se séparent, un mois plus tard, avant d’entamer la procédure de divorce qu’on connaît.
À tort ou à raison, de nombreux fans associent désormais Amber Heard à la période la plus sombre de la carrière de Johnny Depp. Avant même la rupture, l’acteur n’était plus que l’ombre de lui-même à l’écran, enchaînant les flops retentissants. En coulisses, son train de vie dispendieux n’est un secret pour personne et lors de son audition en Virginie, ce mercredi 20 avril, l’acteur a rappelé que le jour des 30 ans de son ex-épouse, il est arrivé en retard à sa fête d’anniversaire après une réunion où ses conseillers lui ont appris qu’il était ruiné. Forcément, ça refroidit l'ambiance.
Blacklistée, elle aussi ?
L’échec du premier procès en diffamation à Londres, en 2020, ne fait qu’accélérer la descente aux enfers de l’un des plus grands champions du box-office de sa génération. À peine le verdict prononcé, il est contraint de démissionner de la franchise Les Animaux Fantastiques, à demande de la Warner, après seulement trois jours du tournage. Et depuis, personne ne l’a fait travailler outre-Atlantique. "Il est radioactif", avoue en off le patron d’un grand studio dans une terrible enquête parue dans The Hollywood Reporter. De là à dire que les choses sont différentes pour son ex-compagne...
En 2018, Amber Heard donne la réplique à Jason Momoa dans le film de superhéros Aquaman, un franc succès au box-office, même si les critiques ne sont pas spécialement tendres avec sa prestation – et sa perruque rouge en particulier. Dans une interview vidéo réalisée à la sortie par The Hollywood Reporter, elle semble épanouie et confie son admiration pour les grandes actrices d’autrefois comme "Lauren Bacall, Rita Hayworthe. Elles avaient la force et le pouvoir de leurs homologues masculins sans avoir à s’excuser ou à sacrifier leur féminité".
En parallèle, la comédienne est devenue l’une des égéries de L’Oréal pour l'Europe et elle s’est investie auprès de différentes associations auxquelles elle a fait don d'une partie de la somme que Johnny Depp lui a versé dans le cadre du divorce. La publication, en décembre dans le Washington Post, d’une tribune dans laquelle la jeune femme se présente comme une victime de violences conjugales, remet le feu aux poudres. L’acteur décide de la poursuivre en diffamation, même s’il n’est jamais cité dans le texte.
S’il a fallu attendre jusqu’à maintenant pour que l’affaire se règle au tribunal, c’est parce que la pandémie a considérablement retardé ce nouveau face-à-face. D’un point de vue purement technique, les experts cités ces derniers jours dans la presse américaine estiment que Johnny Depp est loin de partir gagnant devant le tribunal de Fairfax. Les premiers jours de procès sont allés plutôt dans son sens, en dépit des SMS scabreux attribués à l'acteur. Jeudi, les avocats de ce dernier ont fait entendre un enregistrement dans lequel c'est la jeune femme qui reconnaît avoir frappé son mari. Ce qui ne veut pas dire que les violences n'étaient pas mutuelles, comme l'a estimé leur thérapeute de couple à la barre.
Amber Heard sortira-t-elle indemne de ce nouveau marathon judiciaire, même si Johnny Depp perd la deuxième manche ? C'est une autre histoire... En amont de l’ouverture du procès, elle a publié sur Instagram un message laissant entrevoir une certaine forme de lassitude, affirmant qu’elle "continuait à payer le prix pour [s]’être exprimée contre les hommes de pouvoir". Un exemple : lors des prochains jours, ses avocats devraient produire à la cour des messages montrant que le big boss de DC Comics a failli la virer de la suite d'Aquaman, avant finalement de revoir son salaire à la baisse.
Si la comédienne compte toujours de nombreux soutiens, le parfum de soufre qui l’accompagne désormais semble en effet effrayer les studios, en proie à une nouvelle vague de politiquement correct. Aux dernières nouvelles, elle n’a aucun projet concret en perspective. Côté privé, les tabloïds affirment qu’elle s’est récemment séparée de Bianca Butti, la cheffe opératrice qui partageait sa vie depuis 2020 et qui l’avait soutenue lors du procès à Londres. C’est d’ailleurs en solo qu’elle a accueilli dans sa vie une petite fille, née d’une mère porteuse l’été dernier.
"Il y a quatre ans, j'ai décidé que je voulais avoir un enfant", écrivait-elle à l'époque sur Instagram. "Je voulais le faire à ma manière. Je sais à quel point il semble radical pour nous les femmes de penser à l'un des aspects les plus fondamentaux de notre destinée en ces termes. J'espère que nous arriverons un jour à un point où il sera normal de ne pas avoir d'anneau pour avoir un bébé. Ma fille s'appelle Oonah Paige Heard. Et c'est le début du reste de ma vie".