"France" de Bruno Dumont, ou la satire ratée de l’info spectacle

Publié le 25 août 2021 à 17h39, mis à jour le 25 août 2021 à 18h02
"France" de Bruno Dumont, ou la satire ratée de l’info spectacle
Source : ARP

COUP DE GUEULE – Dans "France", en salles ce mercredi, Bruno Dumont met en scène une star de l’info confrontée à la vacuité de son existence. Une tragicomédie qui se révèle aussi caricaturale qu’ennuyeuse, malgré toute la bonne volonté de Léa Seydoux, sa vedette.

France débute par une scène irrésistible. Star d'une chaîne d'info en continu, l’héroïne incarnée par Léa Seydoux interroge Emmanuel Macron durant une conférence de presse à l’Élysée. Magie du numérique, l’illusion est bluffante. Mais alors pourquoi la suite de cette pseudo-satire du monde des médias sonne-t-elle aussi faux ? Le principal écueil du film de Bruno Dumont, réalisateur et scénariste qu’on a connu plus inspiré, de L’Humanité à Ma Loute, est sans doute de fantasmer des coulisses qu’il n’a visiblement jamais fréquentées. 

Dans le monde imaginaire de Bruno Dumont, France enfile casque et treillis un matin pour aller filmer des rebelles dans un pays en guerre. Sur place, elle met en scène ses interlocuteurs pour avoir des images choc et se donner le beau rôle. Puis revient le lendemain à Paris présenter son reportage bidonné dans son propre talk-show où elle débat de la marche du monde avec des experts qui n’ont pas le centième de son charisme. Ni le tailleur Chanel. Vous n’avez jamais vu cette émission ? Nous non plus.

Tout est cynique, tout est artificiel

Dans son monde imaginaire, France vit dans un appartement de 300 m2 rempli d’œuvres d’art hors de prix. Dans son monde imaginaire, France est mariée à un écrivain, joué par un Benjamin Biolay livide qui gagne cinq fois moins qu’elle parce que la télé, ça pue le fric contrairement à la littérature, c’est bien connu. Dans son monde imaginaire, France fond en larmes lorsqu’un invité lui reproche de ne penser qu’à l’audimat et file se requinquer dans un spa suisse quand le vide de son existence lui est devenu insupportable…

Du classique Network de Sidney Lumet à la récente série The Newsroom avec Jeff Daniels, Hollywood a souvent réussi à croquer l’envers du décor du journalisme télé avec ses forces et ses faiblesses, ses valeurs et ses renoncements. Parce que la nuance n’exclut pas le spectacle, heureusement. Chez Dumont, en revanche tout est cynique, tout est artificiel, tout est vain, l’objectif de la caméra n’étant qu’un miroir tendu à l’égo de ceux qui la fixent. Bref il n’y a rien à sauver.

Si encore France était une caricature volontaire, une bonne grosse comédie franchouillarde comme il y en a tant, l’expérience serait presque tenable. Le hic, c’est que Bruno Dumont filme son scénario avec un premier degré qui plombe toute l’entreprise, des gros plans interminables sur des visages sans émotion à la partition musicale sinistre de feu Christophe. Au centre de ce ratage gênant, Léa Seydoux serre les dents pour donner un brin d’épaisseur à son héroïne désincarnée, en vain. 

Il y a sans doute un grand film à faire sur les travers de ce métier tel qu’il est exercé en 2021, ici comme ailleurs. Les polémistes qui ont un avis sur tout et sur rien, l’obsession pour la petite phrase et la tentation du conflit permanent, importée des réseaux sociaux où la parole d’un anonyme prend autant de valeur que celle d’un spécialiste. Ce serait drôle, méchant, rythmé. Vivant. Tout ce que Bruno Dumont a sans doute chercher à faire. Sans jamais ouvrir sa télé.


Jérôme VERMELIN

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