En plein cœur du Festival de Cannes, un collectif qui se présente comme rassemblant des professionnels du milieu du cinéma multiplie les affiches contre les murs de la ville.Il accuse les organisateurs de "complaisance" vis-à-vis d'agresseurs, notamment sexuels, dans la sélection des films en compétition.Ses membres dénoncent plus largement les violences du milieu et plaident pour des tournages "éthiques".
En face du tapis rouge, à quelques mètres de l'entrée du Palais des festivals de Cannes, cinq lettres tracées en noir sur des feuilles A4 se découpent sur un banc : "shame", la honte. Ces dernières heures, un collectif a investi la Croisette avec ses collages féministes, accusant l'un des rendez-vous majeurs du Septième art de fermer les yeux sur les violences sexistes et sexuelles dans le milieu, et même de s'en rendre "complice" dans ses choix de programmation. "Sous le tapis la violence", est-il ainsi inscrit contre un muret, "Patriarcannes" sur une façade, "les violeurs sous les projecteurs" au détour d'une ruelle.
Créé à l'occasion de l'évènement, le collectif "Tapis Rouge Colère Noire", qui se présente comme un rassemblement de cinéastes et de techniciennes et techniciens du métier, dénonce en particulier la sélection de certains films sur la Croisette. "Votre violence nous Depp", ont ainsi affiché les militants, en colère face à la présentation en ouverture du Festival de Jeanne du Barry, de Maïwenn, dont Johnny Depp, accusé de violences conjugales contre son ancienne compagne Amber Heard, est la tête d'affiche.
L'an dernier, à l'issue de six semaines de débats, les jurés du tribunal de Fairfax avaient conclu que Johnny Depp et son ex-femme s'étaient mutuellement diffamés, mais estimé que les dommages subis par l'acteur étaient supérieurs. Sur le fond du dossier, les violences conjugales, il n'a donc jamais été condamné. Toutefois, à l'issue d'un autre procès, à Londres en 2020, qui portait sur un article publié dans le tabloïd The Sun présentant Johnny Depp comme un "mari violent", la justice britannique avait tranché contre l'acteur, estimant que "la grande majorité des agressions présumées avaient été prouvées".
"J’accuse l’homme, j’emmerde l’artiste", peut-on notamment lire dans les rues cannoises. "Je m’intéresse à Johnny Depp comme acteur", s'était défendu de son côté Thierry Frémaux, le délégué général du Festival.
Sur d'autres murs se découpent aussi les lettres "Équipe opprimée, film nominé", en référence au film de Catherine Corsini Le Retour, maintenu en compétition malgré des polémiques au sujet de son tournage. "Cannes is the real Triangle of Sadness", inscrit aussi le collectif, en écho au long-métrage de Ruben Östlund, qui avait reçu la Palme d'or l'an passé, ou encore "Cannes, les 400 couilles", détournant Les Quatre Cents Coups de François Truffaut.
"Complaisance, déni et banalisation de la violence"
"Nous refusons la complicité du Festival de Cannes envers les agresseur.se.s et les harceleur.se.s sexuel.le.s, physiques et moraux", affirme le collectif dans un communiqué partagé sur Instagram, accusant la sélection officielle de "choisir la complaisance, le déni et la banalisation de la violence". "Pire encore, cette violence est brandie comme une composante inévitable du processus artistique et justifiée par le mythe du génie. Non, tout n'est pas excusable au nom de l'art", tempête-t-il. "Est-ce que la Palme justifie les moyens ?", s'interrogent ainsi les professionnels avec l'un de leurs collages.
"Comme on travaille tous sur les plateaux de tournage, ça fait un moment qu’on est hérissés par tout ce qui se passe, pour l’avoir vu, souvent sans pouvoir rien dire, l’avoir vécu ou subi", expliquaient dimanche les membres du collectif à Libération. "On veut leur dire que ça doit changer, que Cannes ne peut plus être leur maison dorée, et qu’on ne les lâchera plus", poursuivaient-ils, en collant un message "Les grands films existent, les plateaux éthiques aussi" sur une esplanade, face à la mer.
Les militants se disent notamment "solidaires" de la tribune de l'actrice Adèle Haenel, qui a annoncé début mai "son "arrêt du cinéma" en accusant le milieu de "complaisance généralisée" avec les agresseurs sexuels, s'en prenant ouvertement au Festival de Cannes. Mais aussi de celle de plusieurs acteurs et actrices, dont Julie Gayet, Géraldine Nakache et Laure Calamy, qui ont publié un texte la semaine passée dans Libération. Ils y saluaient le message de la comédienne et reprochaient aux organisateurs de l'évènement de "dérouler le tapis aux hommes et aux femmes qui agressent".
Il y a un an, les "colleuses" à l'honneur sur la Croisette
"Tapis Rouge Colère Noire" dit par ailleurs s'inscrire "dans la lignée" du mouvement féministe des "colleuses", initialement créé pour rendre hommage aux victimes de féminicides, et qui affiche depuis plusieurs années maintenant des slogans féministes dans les rues de plusieurs villes françaises, lors de virées nocturnes. Elles avaient été à l'honneur du Festival de Cannes l'an passé, à l'occasion de la projection hors compétition d'un film qui leur était dédié, Riposte féministe, et avaient déployé sur les marches une banderole en mémoire de femmes tuées.
Mais le ton a bien changé pour cette nouvelle édition, laissent entendre les militantes. Sur son compte Instagram, le collectif de colleuses parisiennes a également partagé plusieurs messages placardés dans les rues pour dénoncer les choix du Festival, dont les photos ci-dessus.
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