"L’origine du monde" censuré sur les réseaux sociaux ? L’Académie des beaux-arts s’insurge

Jérôme Vermelin avec AFP
Publié le 17 février 2022 à 15h15
"L’origine du monde" censuré sur les réseaux sociaux ? L’Académie des beaux-arts s’insurge
Source : AFP

Intransigeants avec la nudité, les réseaux sociaux censurent de nombreux tableaux de référence.
Une tendance que dénonce l’Académie de beaux-arts, appelant à une réaction des pouvoirs publics.
Pour les experts, la tyrannie des algorithmes conduirait à une "pudibonderie marketing" dangereuse pour l’art.

L’Académie des beaux-arts part en guerre contre les réseaux sociaux. Dans un communiqué publié mercredi 16 février, cette instance consultative des pouvoirs publics s'insurge contre la censure d’œuvres sur Instagram, Facebook, Twitter et autre TikTok pour cause de nudité représentée, ce qui entrave "considérablement la promotion de l'art sur ces médias incontournables", estime-t-elle.

Les réseaux ne permettent "pas la nudité ou la nudité suggérée", "ne faisant ainsi, par le biais de leurs algorithmes, aucune différence entre des œuvres d'art et des selfies et autres clichés personnels de nus portés à la vue de tous", proteste l'Académie, qui cite en exemple d'œuvres censurées des tableaux de référence comme L'origine du monde de Gustave Courbet ou La Liberté guidant le peuple, d'Eugène Delacroix.

"Ouvrir le débat sur le rôle des algorithmes"

Cette "situation ubuesque impose une réaction légitime" et l'Académie appelle "à se poser la question de la liberté de la diffusion de l'information et des moyens à mettre en œuvre pour la protéger". Un débat qui devient problématique pour nombreux jeunes créateurs, qui comptent sur les réseaux pour se faire connaître, au risque d’être contraints de s'autocensurer.

L’an dernier, l’Office de tourisme de Vienne a jeté un pavé dans la mare en proposant à la plateforme OnlyFans, connue pour ses contenus sexuellement explicites, d’héberger des nus du peintre Egon Schiele ou des toiles de Modigliani, censurées sur les réseaux sociaux. L’objectif ? "Ouvrir le débat sur le rôle des algorithmes et des géants de la tech dans l'art", expliquait son directeur, Norbert Kettner.

Une initiative "plutôt maline", estime Thomas Schlesser, auteur d'un ouvrage intitulé L'art face à la censure. "En basculant sur le réseau OnlyFans, les œuvres reprennent de fait le caractère provocateur, voire pornographique qu'elles pouvaient avoir à leur époque", commente cet historien de l'art, directeur de la Fondation Hartung-Bergman.

Ces derniers mois, les responsables d’Instagram & co ont promis d’adopter des règles plus nuancées vis-à-vis de la nudité. "La réalité, c'est que concernant la représentation des corps, notamment féminins, rien n'a réellement bougé, que cela relève ou non d'une forme artistique", commente Olivier Ertzscheid, enseignant-chercheur en sciences de l'information à l'Université de Nantes qui constate une "forme de pruderie ou de pudibonderie marketing".


Jérôme Vermelin avec AFP

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