Des podiums aux rayons Prisunic : Pierre Cardin, le couturier qui habillait la rue

Publié le 29 décembre 2020 à 18h59

Source : TF1 Info

STYLE - Mort ce mardi à l'âge de 98 ans, le trublion de la mode a réussi à démocratiser la haute-couture. À l'époque, ce fils d'immigrés italiens n'hésite pas à s'autoproclamer "premier socialiste de la mode".

Le monde de la mode n'a pas été tendre avec Pierre Cardin. Dans les années 60, il agace Coco Chanel et Yves Saint Laurent lui fait de l'ombre sur les podiums. Peu importe. Le couturier se sent à l'étroit dans le cercle très fermé de la haute-couture. Fils d'immigrés italiens, il veut bâtir un empire et réussi un pari fou : s'inviter dans les armoires de tous les Français. 

Tout commence dans les années 50, lorsque le jeune homme créé sa maison de couture à Paris, au 10 rue Richepanse. Très vite, le couturier français se distingue en réalisant la première collection pour les hommes. C'est d'ailleurs lui qui invente la mode unisexe. Précurseur, il se tourne très tôt vers l'Asie où il jouit d'une grande notoriété. Très vite, il met le monde du design dans ses poches de visionnaires. Au lieu de sacraliser la haute-couture, il  décide au contraire de la démocratiser en inventant le prêt-à-porter en 1959.

"Mon but, moi, c’était la rue, que mon nom et mes créations soient dans la rue. Les célébrités, les princesses... Ce n’était pas ma tasse de thé. Je les respectais, je dînais avec elles, mais je ne les voyais pas dans mes robes. De toute façon, elles auraient été ridicules", disait-il. L'aventure du prêt-à-porter façon Cardin a commencé en 1954, lorsqu'il ouvre sa boutique "Eve" destinée aux femmes. Trois ans, plus tard un deuxième magasin "Adam", consacré aux hommes, voit le jour. 

En 1959, Pierre Cardin va plus loin. Il décide d'ouvrir un "corner" dans le magasin Printemps. Pour la première fois, un couturier propose des vêtements de luxe produit en série. Il s'attire les foudres de la chambre syndicale de la couture parisienne qui décide de le sanctionner. Cette information sera démentie par la Chambre quelques années plus tard. Dans le monde de la mode, il est fortement critiqué par ses pairs, notamment chez Saint Laurent à travers Pierre Bergé. Ironie du sort, la Maison Saint-Laurent finira par fonder sa marque de prêt-à-porter "Saint-Laurent rive gauche", en 1966.  

Mon grand trait de génie, c'est le prêt-à-porter
Pierre Cardin, créateur

Dans les années 60,  le prêt-à-porter cartonne en France. En 1965, les femmes et les hommes ont la possibilité de s'acheter des vêtements tout en faisant leurs courses dans les supermarchés Prisunic. Le couturier français dessine des modèles légers et faciles à porter comme la mini-jupe qui fera fureur à cette époque. Selon Pierre Cardin, "la mode, c'est une radiographie de la société". Le styliste visionnaire extirpe la haute-couture de la sphère bourgeoise et mise sur l'image d'un couturier accessible. Il s'autoproclame "le premier socialiste de la mode". 

Il faut dire que le contexte est favorable. Au milieu des années 60, la société de consommation est en pleine ascension. Miser sur le prêt à-porter fait partie des solutions pour survivre face aux mastodontes américains tels que Levis et Nike. "Mon grand trait de génie, c’est le prêt-à-porter alors qu’il n’y avait que la haute couture (...) On me disait que ça ne durerait pas deux ans. J’ai foncé à pleins blocs en croyant à mon idée. On m’a critiqué, on m’a imité", expliquait-il. Le couturier l'avoue lui-même : "C'est grâce à l'argent gagné du prêt-à-porter que j'ai pu créer davantage." 

Et le créateur est insatiable. En plus de démocratiser la mode, Pierre Cardin se diversifie. Véritable homme d'affaire, il veut que son nom apparaisse dans tous les rayons. Parfums, ceintures, mais aussi vaisselle, réveil-matin ou mobilier : pendant des décennies, Pierre Cardin a multiplié à outrance les accords de licences, au point de diluer la marque portant son nom. Il avait affirmé à de nombreuses reprises que sa marque valait "un milliard". "Il y a la ligne [couture] mais aussi 800 produits, et si vous demandez un million minimum par produit, ça fait déjà 800 millions", arguait-il en 2011. 

Cette diversification permet de populariser son nom à l'extrême. Que ce soit les chocolats, les montres ou les sièges de voiture, l'homme d'affaire met son nom partout. "Quand on dessine un siège, on choisit les matériaux et la couleur et quand on dessine un chapeau, c’est la même façon de travailler", déclarait-il à l'époque. En permettant à tout le monde de s'offrir un petit fragment de Pierre Cardin, le couturier a créé un véritable empire.  


La rédaction de TF1info

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