CRITIQUE - Premier long métrage de Julia Ducournau en salles mercredi, "Grave" n'est pas qu'un film d'horreur comme les autres. C'est avant tout un beau conte vénéneux sur la fin de l'adolescence, racontant à travers les us et coutumes du genre, les métamorphoses d'une végétarienne attirée par le cannibalisme. Saignant, comme on aime.
Il était une fois... l'histoire de Justine, fille de vétérinaires, végétarienne comme toute sa famille. Alors qu'elle intègre à 16 ans l'école de "véto" où sa sœur est déjà étudiante, commence un bizutage musclé, au cours duquel on oblige Justine à manger un rein de lapin cru. Désormais irrésistiblement attirée par la viande, Justine découvre que son nouveau penchant va bien au-delà de la chair animale, et qu'il s'agit plutôt d'un goût pour la chair humaine...
Depuis sa présentation à la Semaine de la critique au Festival de Cannes l'an passé, Grave a glacé l'échine de tous ceux qui l'ont vu. Pas seulement pour des raisons horrifiques. Car Grave n'est pas un énième film d'horreur, un objet à frissons pour grossir les rangs des multiplexes.
Une végétarienne qui découvre son goût pour... la chair humaine
Sa réalisatrice Julia Ducournau, ancienne étudiante de la Fémis qui a bien révisé son David Cronenberg illustré, sonde la découverte du corps en mutation à travers les sempiternelles conventions du genre horrifique et la propension à la surenchère (épilation se terminant par la dégustation d'un doigt ou corps à moitié mangé découvert au réveil). Ainsi, avec un regard empreint de poésie, elle filme les corps au plus près et sans apprêt, dans une lumière brute, et fouille incidemment dans les tréfonds archaïques du désir.
Peu étonnant, d'ailleurs, car cette fille de médecins, dont la mère est gynécologue et le père dermatologue, considère Grave comme une tragédie antique moderne. Ses préoccupations se révèlent plus viscérales que poseuses ou superficielles. D'ailleurs, elle avait déjà tourné avec sa jeune et épatante actrice principale, Garance Marillier un court-métrage, Junior, et un téléfilm, Mange, qui traitaient tous deux d'une métamorphose physique et dont Grave se révèle la parfaite excroissance.
"Carrie" made in France
Evidemment, il n'est pas interdit de penser à d'autres films devant Grave. Notamment à Carrie au bal du diable de Brian de Palma, portrait sublime d'une souffre-douleur qui racontait quelque chose du corps, de la marginalité, de la monstruosité. On s'évoque aussi d'autres cinéastes français qui ont fait de l'horreur au féminin, de Claire Denis (Trouble Every Day, somptueux poème convulsif où Béatrice Dalle dévorait d'amour fou Nicolas Duvauchelle) à Marina de Van (Dans ma peau, dans lequel une trentenaire accordée avec l'existence s'automutilait et finissait par se dévorer).
Ce que raconte au fond Grave, au-delà des thématiques (le dérèglement intérieur comme l'affirmation de soi) et ce qui relie incidemment tous ces films, c'est le beau bizarre. Le romantisme étincelant qui émane lorsque l'on gratte le vernis gore.
Insistons, pour finir, sur la nécessité d'un cinéma ambigu et dérangeant à une heure de grande pusillanimité, de manichéisme éhonté et de standardisation exténuante. Et réjouissons-nous que des producteurs comme Julie Gayet prennent le pari d'un cinéma "autre" a fortiori en France, ne serait-ce que pour la beauté du geste artistique. À vous maintenant de le découvrir en salles, de le soutenir, de l'aimer, de le défendre...
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