Interview

VIDÉO - James Cameron : "Avatar est un monde fantastique ancré dans une réalité émotionnelle"

Propos recueillis par Jérôme Vermelin
Publié le 8 décembre 2022 à 8h00

Source : TF1 Info

Le cinéaste canadien est de retour avec "Avatar : la voie de l’eau", la suite du plus grand succès de l’Histoire du cinéma.
Au-delà du grand spectacle, ce blockbuster hyper attendu porte un message écologique plus que jamais d’actualité.
De passage à Paris, son auteur a confié ses ambitions intactes à TF1info.

Dire que James Cameron est un homme de défis est un euphémisme. Qu’il fantasme l’affrontement entre les hommes et les robots dans la saga Terminator, préfigure les catastrophes climatiques dans Abyss ou recrée le naufrage du Titanic, une pluie d’Oscars à la clé, le cinéaste canadien a toujours conjugué le grand spectacle avec une ambition visionnaire. En 2009, Avatar repoussait les limites de l’expérience cinéma en embarquant les spectateurs sur la planète Pandora dans une 3D immersive encore jamais vue.  

Au lieu de se reposer sur ses lauriers, ce rêveur infatigable a décidé de donner non pas une mais quatre suites au plus grand succès de l’histoire du Septième art. Un projet complètement fou puisqu'au moment où nous écrivons ces lignes, les épisodes 4 et 5 sont encore en cours de fabrication. Intitulé Avatar : la voie de l’eau, le deuxième volet arrive sur nos écrans le 14 décembre. Et TF1info a eu la chance de s’entretenir avec le maître lors de son récent séjour à Paris… 

Le challenge avec la suite, les suites d’Avatar, ce n’est pas juste de recréer la magie du premier film. C’est d’aller plus loin, non ? 

James Cameron : Absolument ! Je crois que l’art de la suite, c’est de faire quelque chose de familier qui réconforte le public. Il faut lui donner ce qu’il veut et ce qu’il attend. Et ensuite aller au-delà de leurs attentes. Je crois qu’on a été assez clair avec le marketing de ce film. Ça parle de la famille, c’est un voyage différent de celui du premier épisode. Mais les chemins que nous empruntons dans ce voyage réserve pas mal de surprises. Bien sûr, on suit Jake et Neytiri. Mais on suit aussi leurs enfants adolescents qui deviennent les personnages principaux pendant un moment. Et ensuite toute la famille est réunie pour affronter la crise finale. 

Ce que nous voulions, c’est capturer de manière parfaite les expressions et les émotions les plus subtiles de la part des acteurs
James Cameron

Est-ce qu’il y a des choses, d’un point de vue technique, qu’il était impossible de faire à l’époque du premier film et qui vous ont donné envie de tourner cette suite ? 

Chaque jour sur le premier film, on se disait : "On ne peut résoudre ça maintenant, mais on le fera sur la suite !". Si bien qu’on en est sorti avec une longue liste de choses qu’on voulait améliorer. Après le tournage, on est parti tous ensemble avec l’équipe, on s’est retrouvé dans un petit hôtel pendant trois jours, et on a partagé toutes ces idées, ce qui me semble être une bonne manière de faire dans d’autres domaines. Ensuite, pendant que j’écrivais et que je créais l’univers du nouveau film, l’équipe technique travaillait sur tous les outils dont nous allions avoir besoin pour faire tout ce que nous pouvions imaginer. Les nouveaux mondes, les océans, les créatures aquatiques… Mais je dirais que notre plus grand défi se situait ici (il désigne du doigt son regard – ndlr). Ce que nous voulions, c’est capturer de manière parfaite les expressions et les émotions les plus subtiles de la part des acteurs. Même aujourd’hui, lorsque je regarde les plans terminés, je suis épaté par la manière dont notre système a été capable de prendre ce que Sam Worthington a fait, ce que Sigourney Weaver a fait, etc. pour le transmettre à l’intérieur de ces créatures extraterrestres. Parce que rappelez-vous bien que ce n’est pas fait avec du maquillage ou un trucage à l'image, mais d’une manière jamais vue avant au cinéma. Mais attention, le public s’en moque. Il s’en moque qu’on utilise une caméra ou un ordinateur, du moment que l’émotion est là. 

Avec "Avatar", je voulais emmener les gens dans un monde fantastique qui serait ancré dans une réalité émotionnelle
James Cameron

On peut aborder ce film comme un simple divertissement. Mais en même temps, il est rempli de thèmes très actuels : les guerres de territoires, la protection des océans, la souffrance animale, la famille recomposée… C’est presque votre film le plus politique, non ? 

Isaac Asimov, le grand écrivain, disait que la science-fiction, ce n’est que de l’évasion. On s’échappe de notre vie de tous les jours dans un monde où il y a la guerre nucléaire, des catastrophes écologiques, des robots qui prennent le pouvoir (rires). Ce qu’il disait, de manière facétieuse, c’est que la science-fiction est un prisme pour regarder notre monde et comprendre nos problèmes, mais aussi qui nous sommes en tant qu’êtres humains. Avec Avatar, je voulais emmener les gens dans un monde fantastique qui serait ancré dans une réalité émotionnelle. Tout le monde a une famille, ou bien rêve d’avoir d’en avoir une. Dans le film, nous avons des parents avec des enfants naturels, un enfant adoptif… En tant que scénariste, j’utilise ma propre expérience de la famille. Celle dans laquelle j’ai grandi et celle que j’ai créée avec ma femme Suzie en accompagnant nos enfants à travers l’adolescence.

Avez-vous l’impression que le monde réel est devenu plus sombre que vos films ?

Le monde réel est en état de crise. Mais vous savez, j’ai été adolescent dans les années 1960 et c’était déjà une époque de chaos. On pensait que c’était la fin du monde ! C’était aussi une époque où les jeunes se mobilisaient. Il y avait le mouvement des droits civiques, le féminisme, des manifestations contre la guerre… C’était le chaos. Et j’ai la même sensation aujourd’hui. Nous vivons une période où nous avons besoin de faire des changements. Comme le dit le proverbe chinois : "Puissiez-vous vivre des temps intéressants". Nous vivons des temps très intéressants. Mais il faut prendre les bonnes décisions.

Vous pensez qu’un film comme le vôtre peut y contribuer ? 

Je crois que l’art en général - le cinéma, la littérature, la peinture -  participe d’un processus collectif. J’espère que Avatar : la voie de l’eau aura un petit rôle pour nous faire réfléchir à des choses qui sont importantes pour nous. La famille, c’est important. Les droits des populations indigènes, c’est important. Ne pas détruire toute la sagesse ancienne dont nous avons hérité de nos ancêtres, c’est important. La nature, c’est important. Si les gens sont captivés par la beauté et ressentent une connexion avec les personnages aquatiques du film, peut-être qu’à un tout petit degré, ils quitteront le cinéma en ayant envie d’en faire plus pour protéger les océans. Parce que s’il y a bien une source de vie sur cette Terre, ce sont les océans. 

Au fait, vous allez encore nous faire attendre 13 ans pour le prochain épisode ? 

Non, non ! Le troisième est déjà tourné, donc il sortira dans deux ans comme prévu. Je vous le promets !

>> Avatar : la voie de l’eau de James Cameron. Avec Sam Worthington, Zoe Saldana, Sigourney Weaver, Kate Winslet. 3h12. En salles le 14 décembre.


Propos recueillis par Jérôme Vermelin

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