Quand victimes et agresseurs se réparent ensemble, les vertus de la justice restaurative sur grand écran

Publié le 28 mars 2023 à 18h19, mis à jour le 29 mars 2023 à 9h51

Source : JT 13h WE

Cinq ans après le magnifique "Pupille", Jeanne Herry signe "Je verrai toujours vos visages" un film coup de poing sur la justice restaurative.
Mis en place depuis 2017, ce dispositif propose de confronter les victimes et auteurs d'agressions afin d'éviter la récidive.
Un film sur l'importance du dialogue et la puissance des mots, dont on ressort avec la foi en la nature humaine.

C'est un film qui donne de l'espoir. Cinq ans après Pupille, son long-métrage bouleversant sur l'adoption, Jeanne Herry frappe à nouveau un grand coup avec Je verrai toujours vos visages, un film puissant sur la justice restaurative, en salles ce mercredi. Peu connu en France, ce dispositif venu du Québec, instauré en France par la loi Taubira de 2014 et mis en place depuis 2017, propose de confronter des victimes et des auteurs d'agressions afin de réparer les blessures et éviter la récidive.

Un mécanisme - qui ne remplace pas les condamnations - que Jeanne Herry a découvert par hasard, en écoutant un podcast. Le sujet l'interpelle tout de suite. "Quand j'étais adolescente, je me souviens de l'histoire d'une femme qui était devenue la visiteuse de prison de l'assassin de sa fille. Ça m'avait beaucoup marquée. Quand j'ai entendu parler de justice restaurative, j'ai immédiatement pensé à cette femme. Je trouvais que ce dispositif situationnel était extrêmement fort", admet la fille de Julien Clerc et de Miou-Miou. 

Des mots pour soulager les maux

Fascinée par la nature humaine et le pouvoir restauratif de la parole, elle décide d'en faire un film à la limite du documentaire. Je verrai toujours vos visages suit ainsi le parcours de victimes et d'auteurs d'infraction qui s'engagent dans cette aventure à la fois complexe et pasionnante sous la supervision de médiateurs.

On y croise trois victimes de vols avec violence (Miou-Miou, Leïla Bekhti, Gilles Lellouche) entamer un chemin vers la réparation grâce à leur confrontation avec à trois délinquants (Dali Benssalah, Fred Testot et Birane Ba), qui prennent, quant à eux, conscience de leurs actes. 

En parallèle, on découvre également l'histoire d’une jeune fille violée durant son enfance par son demi-frère (Adèle Exarchopoulos et Raphaël Quenard) et qui décide de faire appel à une médiatrice (Elodie Bouchez) pour être sûre de ne pas le croiser alors qu'il est de retour dans la même ville qu'elle. 

Ce dispositif demande du temps, des gens, de l'énergie et de la volonté. Des choses qui ne sont pas dans l'air du temps
Jeanne Herry

Si la justice restaurative a fait ses preuves, elle reste encore très marginale. "Mettre en place ce genre de dispositif demande du temps, des gens, de l'énergie et beaucoup de volonté. Des choses qui ne sont pas dans l'air du temps", regrette Jeanne Herry. "Sans compter que la rentabilité financière de ces dispositifs est nulle. En revanche, la rentabilité en termes de réparation psychique est énorme. Je pense que la justice restaurative est dans l'intérêt de la société", poursuit Jeanne Herry qui admet que cette pratique va "à contre-courant" de la justice pénale qui est là pour punir et séparer les victimes des auteurs d'infractions. "Mais peut-être qu'il faut reconstruire le lien pour pouvoir le déconstruire".

C'est captivant de voir les gens se raconter
Jeanne Herry

"Le temps long n'est pas très valorisé à notre époque", déplore la réalisatrice. "Notre société génère beaucoup d'hystérie, de cacophonie. Que ce soit sur les réseaux sociaux, dans les cours d'école, à l'Assemblée nationale ou sur les plateaux de télé, on est dans l'incapacité d'écouter l'autre et de débattre dans une manière investie, mais pas forcément véhémente".

Sans aucun artifice, mais grâce à la puissance des mots, Je verrai toujours vos visages happe ainsi le spectateur dès les premières images pour ne plus le lâcher jusqu'à son dénouement. On suit toutes ces histoires humaines au plus près des personnages, avec la sensation de toucher à la fois à l'intime et à l'universel. 

À ce titre, le long-métrage fait penser à En thérapie, la série d’Olivier Nakache et Éric Tolédano qui nous plonge dans l'intimité du cabinet d'un psy. "Je trouve ça captivant d'écouter et de voir des gens se raconter. C'est une action très forte, la parole, quand elle n'est pas anodine. Le but du film était de rendre ces rencontres captivantes et de laisser au spectateur la possibilité de se fabriquer ses propres images, de réfléchir à sa propre vie. On peut enfin s'entendre penser, et ça, c'est très agréable".


Rania HOBALLAH

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