HOMMAGE - Joséphine Baker, qui entrera au Panthéon le 30 novembre, a mené une double vie dès le début de la Seconde Guerre mondiale : artiste de music-hall au front et, à l'arrière, agent du renseignement.
"Mes notes auraient été très compromettantes si elles avaient été découvertes, mais qui aurait osé fouiller Joséphine Baker jusqu'à la peau ?". Dans son autobiographie publiée en 1976, Joséphine Baker avait évoqué sans ambages sa double vie durant la guerre : celle d'une star de cabaret qui, lorsque les projecteurs s'éteignaient, devenait une espionne au service de la Résistance.
Une Résistance dont elle a tout de suite embrassé la cause : dès les premiers mois du conflit, elle se porte volontaire pour divertir les soldats français déployés sur la ligne Maginot. Naturalisée française en 1937 après son mariage avec Jean Lion, un industriel juif, celle qui était arrivée à Paris en 1925 à l'âge de 19 ans considère alors qu'il s'agit d'un juste retour des choses. Et très vite, elle propose ses services : "C'est la France qui m'a faite ce que je suis, je lui garderai une reconnaissance éternelle. Vous pouvez disposer de moi comme vous l'entendez", affirme-t-elle à l'automne 1939 à Jacques Abtey, chef du contre-espionnage militaire à Paris au service Forces françaises libres.
Elle sert de couverture au chef du contre-espionnage
La star de cabaret va dès lors profiter des réceptions auxquelles elle est conviée dans les ambassades pour recueillir du renseignement pour le contre-espionnage. Et n'hésite pas à prendre des risques : après l'Appel du 18-Juin du général de Gaulle, elle sert de couverture à Jacques Abtey. Devenu son "impresario", il se déplace avec elle, sous la fausse identité de Jacques Hébert, avec d'autres agents sous couverture.
L'une de ses premières missions ? Se renseigner sur les intentions du régime de Mussolini. Ce sera chose faite auprès de l'attaché militaire de l’ambassade d’Italie, qui lui délivre des renseignements confidentiels sur les forces italiennes dans les Balkans.
"C'est très pratique d'être Joséphine Baker"
Devant l'avancée des troupes allemandes en mai 1940, c'est l'heure de la fuite. Cap d’abord sur son château des Milandes, perché au-dessus des eaux de la Dordogne, puis vers le Portugal. Dans ses bagages, elle emporte des partitions musicales… et en profite pour correspondre avec Londres. Les informations récoltées sont en effet rédigées à l'encre sympathique, invisible sur ces documents. L'artiste transporte parfois elle-même ces notes compromettantes dans son soutien-gorge.
"C'est très pratique d'être Joséphine Baker. Dès que je suis annoncée dans une ville, les invitations pleuvent. À Séville, à Madrid, à Barcelone, le scénario est le même. J'affectionne les ambassades et les consulats qui fourmillent de gens intéressants. Je note soigneusement en rentrant(...). Mes passages de douane s'effectuent toujours dans la décontraction. Les douaniers me font de grands sourires et me réclament effectivement des papiers, mais ce sont des autographes !", s'amusera plus tard la danseuse dans l'ouvrage autobiographique "Joséphine" (éd. Robert Laffont).
Du renseignement récoltée pour l'état-major de de Gaulle
Installée en Afrique du Nord à partir de 1941, elle va collaborer avec la Résistance française et utiliser ses relations pour obtenir des passeports pour les Juifs fuyant les nazis en Europe de l'Est. Mais la vedette, épuisée par cette double vie, tombe gravement malade. Mais elle reprend en 1943 son activité artistique au service des troupes alliées tout en récoltant du renseignement pour l'état-major du général de Gaulle. En juin 1944, elle manque de mourir dans un accident d'avion au large de la Corse. "Les naufragés (...) virent arriver à la nage un détachement de (tirailleurs) sénégalais", relate le journal de marche du groupe de liaison aérienne ministérielle, dessins colorés à l'appui, signé en 1946 de la main de l'artiste.
Engagée dans les forces féminines de l'armée de l'Air avec le grade de sous-lieutenant, elle débarque à Marseille en octobre 1944. La chanteuse donne des concerts près du front pour les soldats comme pour les civils. Après le 8 mai 1945, elle se produira en Allemagne devant des déportés libérés des camps. En 1946, elle reçoit la médaille de la Résistance. Puis on lui propose la Légion d'honneur à titre civil, mais elle la désire à titre militaire. Sa demande est appuyée par plusieurs personnalités de la France libre. Une France qui, des décennies plus tard, s'apprête à lui rendre hommage en l'intronisant au Panthéon. "Notre mère a servi le pays, elle est un exemple des valeurs républicaines et humanistes" mais "elle a toujours dit : 'Moi je n'ai fait que ce qui était normal'", a raconté son fils aîné, Akio Bouillon.
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