Mis en examen depuis 2020 pour des accusations de viols et d'agressions sexuelles, l'acteur Gérard Depardieu se défend dans une lettre, affirmant n'avoir "jamais abusé d'une femme".Une "stratégie" classique revenant à "remettre en question la parole des femmes", a réagi sur LCI la réalisatrice Andréa Bescond, ce lundi matin.La cinéaste a aussi fustigé une "espèce de complicité" autour des personnalités accusées de violences sexuelles en France.
"Ni violeur, ni prédateur" : dans une lettre ouverte publiée dimanche dans Le Figaro, Gérard Depardieu a démenti les accusations qui pèsent sur lui, après sa mise en examen en 2020 pour des soupçons de viols et d'agressions sexuelles sur la comédienne Charlotte Arnould. Il est également accusé par 13 femmes de violences sexuelles, selon une enquête de Mediapart publiée en avril. Invitée sur LCI ce lundi 2 octobre, la réalisatrice Andréa Bescond a réagi à la prise de parole de l'acteur, fustigeant une "stratégie" habituelle consistant à "remettre en question la parole des femmes". "Pas étonnée" par la teneur du texte, elle a aussi regretté la "grande tribune (accordée) aux personnes accusées de viol et d'agression sexuelle", un "courant très français" à ses yeux.
Dans ce texte fleuve, la star du cinéma français affirme vouloir livrer sa "vérité" : "Jamais au grand jamais je n'ai abusé d’une femme", écrit-il. "Ce qui est difficile, c'est de voir qu'il y a 14 femmes qui témoignent, une mise en examen pour viol et agression sexuelle, ce qui n'est pas anodin, et que cette personne est toujours mise en avant et protégée par les médias, ou la culture ou le milieu du cinéma qui se tait beaucoup", a commenté en réponse la cinéaste.
"C'est toujours compliqué de voir à quel point ces gens-là ont des alliés, c'est extrêmement dommageable. (...) On a cette faculté-là en France de toujours donner la parole à ces personnes", a également réagi la réalisatrice du film Les Chatouilles, lequel met en scène le parcours d'une femme violée pendant son enfance par le meilleur ami de ses parents, une histoire inspirée du drame vécu par la comédienne elle-même.
"Une toute puissance qu'il faut absolument freiner"
"Je pense qu'on réfléchit pas mal à l'envers en France en ce qui concerne les violences sexuelles, et les violences en général d'ailleurs. On pointe d'abord la personne qui accuse, qui prend la parole, et qui révèle les agressions qu'il ou elle a subies. On va d'abord mettre en doute la parole de la personne qui parle", a-t-elle insisté, affirmant que la France était "très en retard" sur ces questions. "Woody Allen ne tourne qu'en France, par exemple", a également relevé l'autrice, renvoyant au dernier film tourné à Paris du réalisateur américain, écarté de Hollywood suite à des accusations d’attouchements sexuels.
Quant au "tribunal médiatique" fustigé par Gérard Depardieu, qui s'est dit victime d'un "lynchage", elle y a vu "la stratégie qu'utilisent tous les hommes accusés de violences, de remettre en question la parole des femmes en disant qu'elles sont hystériques, ou d'attaquer en diffamation, c'est très courant". "On est habitués", a-t-elle soufflé.
Elle est aussi revenue sur les accusations de Charlotte Arnould, qui avait dénoncé fin août 2018 deux viols au domicile parisien de la star, estimant que la comédienne se trouvait dans "une situation d'emprise immense" face à "un monstre du cinéma". "Il y a tout un tas de facteurs qui font qu'il est difficile de croire qu'elle était consentante à des pénétrations digitales lors de ce rendez-vous", a souligné Andréa Bescond. Avant d'insister sur le nombre total de témoignages mettant en cause l'acteur : "ce sont 14 femmes qui témoignent d'agressions verbales puis d'agressions sexuelles jusqu'à une main dans la culotte, une pénétration digitale. On n'est pas sur des faits anodins...", a-t-elle martelé.
On a tout de même un problème en France : on va toujours protéger les personnes accusées, surtout quand elles sont célèbres.
Andréa Bescond, réalisatrice et militante contre les violences sexuelles
Elle a aussi dénoncé une volonté de "minimiser" les faits, tandis que dans sa lettre, Gérard Depardieu se défend de toute agression mais plaide l'humour et s'excuse seulement de s'"être comporté comme un enfant qui veut amuser la galerie". Dénonçant "une toute puissance qu'il faut absolument freiner" autour de personnalités accusées, elle a estimé que "cette espèce de complicité (...) ne les aide pas à sortir du cercle de la violence". "Il y a des lois qu'il faut respecter, Monsieur Depardieu ne doit pas passer au-dessus des lois", a insisté la cinéaste, regrettant que "cet homme-là joue encore à guichet fermé quand il chante Barbara, ou qu'il continue de tourner, de faire les grands plateaux médiatiques".
Elle a toutefois noté qu'"heureusement, MeToo exerce quand même son influence" et la parole des victimes présumées est de plus en plus prise en compte dans notre pays. "Mais on met beaucoup de temps, on a tout de même un problème en France : on va toujours protéger les personnes accusées, surtout quand elles sont célèbres", a-t-elle regretté. Quant à la justice, "on aimerait qu'elle passe la cinquième au niveau des accusations et des plaintes", a-t-elle poursuivi, expliquant que "85% des plaintes pour viol sont classées sans suite, et 1% des personnes accusées écopent d'une condamnation". "On libère énormément la parole, pour l'instant la justice ne suit pas, on espère qu'un jour cela évolue", a-t-elle conclu.