Le talent de Marc Lavoine, qui vient de fêter ses 23 ans, a une nouvelle fois secoué les coachs ce samedi.Lors des cross-battles, il a repris la chanson de Calogero "Nathan" qui parle d’un jeune autiste Asperger comme lui.Son art thérapeute, qui le suit depuis plus de 10 ans, nous raconte l’impact de cette "merveilleuse aventure" sur l’apprenti chanteur.
Le hasard a voulu qu’ils s’affrontent en chansons lors d’un face à face des plus émouvants, ce samedi dans "The Voice". "On sent que pour eux la musique, c’est un mode d’expression. Sinon les choses restent là, comme une lave à l’intérieur du cœur", note Amel Bent à l’issue de leur cross-battle. Même le public sur le plateau a eu du mal à les départager. Avec 50,8% des votes, c’est Clément qui a décroché sa place pour l’étape suivante aux dépens de Luigiano. Une victoire inattendue pour le principal intéressé. "Je n’y crois toujours pas ! Excusez-moi pardon, il ne faut pas en faire des caisses mais c’est incroyable", lance-t-il en coulisses.
Son émotion nous en rappelle une autre. Quelques jours avant Noël, nous étions à l’extérieur du plateau quand Clément a passé son audition à l’aveugle. Avec à nos côtés, celle qu’il appelle désormais "sa marraine artistique" et qui a exulté en découvrant que Marc Lavoine s’était retourné. Art thérapeute, Karine l’accompagne depuis qu’il a été diagnostiqué autiste Asperger à l’âge de 12 ans. "Ça commence à être une longue aventure. Mais ce qui se passe avec 'The Voice', ça va au-delà du cadre de mon travail", nous explique-t-elle au téléphone, parlant d’une "merveilleuse aventure".
Quand je l’ai connu, il ne voulait pas chanter. Il était très bon en théâtre
Karine, l'art-thérapeute de Clément
Un art thérapeute utilise l’art "pour aider les personnes à être plus à l’aise dans leur corps, à mieux gérer leurs émotions, à mieux communiquer". "Ma spécialité, c'est plutôt la danse et le théâtre. Je n’avais aucune idée du niveau de 'The Voice' et de ce qu’on allait attendre de lui. J’avais même un petit peu peur qu’on utilise plutôt son handicap que sa voix au démarrage. Et ça n’a pas été le cas", raconte-t-elle au bout du fil. Quand il s’est présenté à son audition, aucun des coachs ne savait qu’il souffrait de troubles autistiques. Son tout premier passage devant les fauteuils rouges restera assurément l’un des plus marquants de l’histoire du programme. Pourtant au départ, la chanson ce n’était pas vraiment son truc.
"Quand je l’ai connu, il ne voulait pas chanter. Il était très bon en théâtre", se souvient-elle. Le déclic arrive en 2014, lorsque l’association dans laquelle Karine travaille organise un spectacle. Clément fait une scène du Père Noël est une ordure puis se décide à chanter accompagné d’un guitariste. "Tout le monde a dit qu’il avait une super voix et qu’il fallait qu’il se présente à 'The Voice'. Je leur ai dit : 'Mais vous n’y pensez pas ? Tout le travail qu’on a fait peut être bousculé en quelques jours'", poursuit-elle.
Au début, il restait beaucoup dans son coin. Puis il a commencé à faire de la musique avec les autres
Karine, l'art-thérapeute de Clément
L’idée germe pendant un long moment dans l'esprit de l'adolescent. Clément commence à prendre des cours de guitare, il rejoint le conservatoire. Participer au télécrochet "a vraiment été son idée". "Pendant le confinement, il s’est décidé. Ça a été mûrement réfléchi", nous assure Karine. Avant les premières sélections, elle a travaillé avec lui sur sa gestion du stress - "parce que pour lui c’est très empêchant" - et sur sa respiration. Mais c’est seul qu’il répétait les chansons.
Avant d’arriver à Paris, Clément et Karine passent un pacte. "Je ne savais pas du tout jusqu’où ça pouvait mener. Je lui ai dit : 'On joue le jeu mais ça peut s’arrêter la première fois, la deuxième… Mais tu continues la musique quoi qu’il arrive'". De son côté, elle s’engage à le suivre à chacune des étapes de la compétition. Jamais trop loin de lui mais sans jamais interférer. "Plus ça allait et plus je lui laissais de l’autonomie. C’est important pour sa confiance aussi. Il apprend beaucoup. Je l’ai vu surtout dans la relation avec les autres. Au début, il restait beaucoup dans son coin. Puis, il a commencé à faire de la musique avec les autres", relate-t-elle. Et d’ajouter : "C’est amusant parce qu’il y a des choses qu’il refusait de faire avec moi mais une fois dans les studios, il faisait tous les exercices avec les autres jeunes".
Clément a grandi à Tarnos, dans les Landes, où "c’est plus difficile de rencontrer des jeunes qui ont les mêmes centres d’intérêt". "Au début, il ne voulait pas mettre en avant le fait qu’il était autiste Asperger. Mais je lui ai rappelé que c’était une force et qu’il fallait aussi pouvoir parler de ce handicap invisible. Il a été beaucoup mis de côté pendant de longues années, ça a été difficile", témoigne Karine. Elle était évidemment là lors de l’enregistrement des cross-battles.
Après deux morceaux rock qu'il adorait, la production "a proposé à Clément de travailler des textes en français". "Il a eu le choix, il était très content de chanter 'Nathan' alors que ce n’était pas du tout son registre. C’était très émouvant", dit-elle à propos de ce titre bouleversant de Calogero écrit par Marc Lavoine au sujet d’un jeune autiste. "Je te remercie d’avoir pris cette chanson, elle compte pour moi. Tu es un bon chanteur, tu transmets des émotions et je te remercie beaucoup de m’avoir fait confiance", lui a glissé son coach, très fier.
Ses parents sont "bien sûr très fiers" de son parcours. "Eux aussi à chaque étape se disent 'Ah ouais !'", sourit Karine, heureuse de savoir que l’engouement autour de l’émission "donne un espoir" aux jeunes aussi atteints du syndrome d'Asperger. Très perfectionniste, Clément apprend également à accepter les compliments. Malgré son succès lors des cross-battles, il n’a pas voulu trop en faire. Il s’estime "un peu plus légitime on va dire. On ne va pas abuser mais un peu plus". Peu importe qui remportera la finale, il restera pour nous le plus grand gagnant de cette 11e édition de "The Voice".