Dans un entretien exclusif accordé dimanche à "Sept à Huit", Emmanuelle Seigner prend la parole sur les accusations de viol et d'agression sexuelle contre son mari, Roman Polanski.Pour l'actrice, la présomption d'innocence est "totalement bafouée".
Elle se montre angoissée à l'idée d'évoquer l'histoire de son mari Roman Polanski, mais dans le même temps déterminée. Dans une prise de parole inédite diffusée ce dimanche dans "Sept à Huit", une interview à regarder en intégralité dans la vidéo en tête de cet article, l'actrice Emmanuelle Seigner révèle qu'elle publiera un livre le 26 octobre prochain, un plaidoyer intime et documenté. Elle cherche à y défendre le réalisateur franco-polonais de 89 ans, visé par plusieurs accusations de viol et d'agression sexuelle. "L'homme avec qui je vis, ce n'est pas du tout la personne dont j'entends parler", affirme-t-elle, assurant se faisant l'avocate d'"un très bon mari, un très bon père".
Face à Audrey Crespo-Mara, l'actrice remonte le fil des dernières décennies. À plusieurs reprises, son époux est rattrapé par une affaire remontant à 1977 : sous le coup d'un mandat d'arrêt international lancé par un procureur américain, Roman Polanski est accusé d'avoir d'avoir drogué et violé cette année-là une adolescente à Los Angeles. Samantha Gailey avait 13 ans à l'époque, lui 43 ans. "C'est très jeune, mais elle avait déjà une vie sexuelle, elle avait un petit ami, elle a dit à Roman qu'elle prenait de temps en temps une drogue récréative, qu'ils avaient consommée ce jour-là", tente de relativiser Emmanuelle Seigner.
"Il a fui l'injustice"
Un évènement qu'il faut selon elle replacer dans le contexte d'une "époque très permissive". "Le rapport à l'âge a beaucoup changé depuis", poursuit la comédienne de 56 ans, mariée depuis plus de trente ans au cinéaste multi-récompensé, avec qui elle a deux enfants. "On n'est pas obligé d'applaudir cette époque, mais c'était comme ça", insiste-t-elle.
Pour éviter un procès public à la jeune fille, le procureur de l'époque avait abandonné les accusations les plus graves, demandant en contrepartie à Roman Polanski de reconnaître avoir eu une relation sexuelle avec une mineure. Après 42 jours passés en prison, le réalisateur avait finalement quitté les États-Unis lorsqu'un juge semblait sur le point de revenir sur l'accord, pour le condamner à plusieurs années de prison. "C'était tellement effrayant et tellement malhonnête, il a fui l'injustice en fait", plaide sa femme, qui craint toujours qu'il soit extradé vers les États-Unis.
Samantha Gailey, de son côté, a publiquement pardonné à Roman Polanski en 1997. "Ils ont vraiment de très bonnes relations depuis (... ) Elle n'en peut plus de ce statut de victime, je pense qu'elle n'a pas du tout envie de ça", assure Emmanuelle Seigner. Elle affirme aussi qu'un témoignage d'un ancien procureur de cette affaire, dont la confidentialité a été levée cet été, prouverait que la justice n'a pas respecté un accord conclu avec le réalisateur. Le contenu exact de la prise de parole n'a toutefois pas été communiqué, et l'actuel procureur du comté de Los Angeles a insisté sur le fait que le cinéaste "reste un fugitif" et "devrait se rendre à la justice pour être condamné par le tribunal supérieur" de son comté.
"Je pense qu'il n'avait besoin de violer personne"
À cette affaire s'ajoutent ces dernières années, dans le sillage du mouvement de libération de la parole #MeToo, les déclarations de plusieurs femmes, notamment des actrices, qui accusent Roman Polanski de viols et d'agressions sexuelles, lorsqu'elles étaient mineures pour la grande majorité d'entre elles. Des allégations niées par le réalisateur. "Moi, quand j'ai connu mon mari, toutes les femmes et les jeunes filles voulaient coucher avec lui. C'était un truc de dingue", répond son épouse. "C'était un grand metteur en scène, donc il attirait énormément. Je pense qu'il n'avait besoin de violer personne", lance-t-elle, déplorant que la présomption d'innocence soit aujourd'hui "totalement bafouée" à ses yeux.
Quant aux centaines de manifestants qui ont protesté contre les douze nominations aux Césars 2020 de son thriller historique J'accuse, portant sur l'affaire Dreyfus, "c'est une folie", assure la comédienne. La cérémonie, qui s'est tenue le 29 février 2020, a d'ailleurs été boudée par Roman Polanski lui-même et les équipes de son film. Il reçoit tout de même le prix du meilleur réalisateur. L'actrice Adèle Haenel quitte alors la salle Pleyel, criant "la honte" et "bravo la pédophilie", une image qui fait le tour du monde. Un choix encore "fou", pour Emmanuelle Seigner, qui déclare ne pas le comprendre.
En 2014, lors de la sortie du film La Vénus à la fourrure, réalisé par son époux et dans lequel elle jouait, elle raconte qu'Adèle Haenel avait salué sa propre performance : "Elle est venue me voir au déjeuner des Césars, j'étais nommée pour la meilleure actrice. Elle s'est agenouillée, elle m'a pris la main, elle m'a vraiment félicitée pour mon rôle".
Si Emmanuelle Seigner concède trouver "de très bonnes choses" dans le mouvement #MeToo, qui fête ce mois-ci ses cinq ans, elle s'en prend à "beaucoup de dérives, d'abus, de mensonges, qui décrédibilisent ces victimes et qui ne leur rendent pas service". Quant à son mari, "la prison d'aujourd'hui est pire que celle d'hier", déclare-t-elle. "Il ne peut pas monter un film", lance la comédienne, se disant elle-même "blacklistée en France".
"Qu'on lui foute la paix", appelle-t-elle désormais. Le mois dernier, un procès en diffamation a été ordonné contre le cinéaste suite à une plainte de l'actrice britannique Charlotte Lewis, pour des propos dans lesquels il mettait en doute la véracité des accusations d'abus sexuels qu'elle porte contre lui.