Dettes, maladie et agression : Dominique, la veuve de Bernard Tapie, se confie dans "Sept à Huit"

par Virginie FAUROUX Propos recueillis par Audrey Crespo-Mara
Publié le 19 mars 2023 à 20h53, mis à jour le 20 mars 2023 à 9h46
Dettes, maladie et agression : Dominique, la veuve de Bernard Tapie, se confie dans "Sept à Huit"

Très discrète, Dominique, la femme de Bernard Tapie, est sortie de sa réserve dans "Sept à Huit".
Face à Audrey Crespo-Mara, elle s'est confiée sur ses 52 ans de vie commune avec l'homme d'affaires, décédé en 2021.
Une interview dans laquelle elle raconte le Tapie aimant et jaloux, mais aussi sa vie sans lui, criblée par les dettes abyssales qu'il lui a laissées.

La gloire et l'opprobre. Dominique a connu les deux extrêmes aux côtés de Bernard Tapie, décédé d'un cancer en octobre 2021. Rien ne la vouait pourtant à embrasser une telle destinée. À 19 ans et demi, la jeune femme est fiancée lorsqu’elle rencontre l'homme d'affaires. "Je travaillais dans une structure commerciale et j'ignorais qui était le véritable patron. Et là, j'ai vu rentrer un énergumène un peu spécial, très agité. Déjà, on l'entendait arriver cinq minutes avant parce qu'il avait à l'époque une Ferrari qui faisait un bruit d'enfer, donc trop show-off pour moi", raconte-t-elle dans la vidéo en tête de cet article, son portrait de la semaine dressé par Audrey-Crespo-Mara dans l'émission "Sept à Huit". 

De plus, ce dernier est marié et père de deux enfants. Et il ne cherche pas à avoir une maîtresse, il en a déjà plusieurs, comme le détaille Dominique dans un livre à paraître le 22 mars, "Bernard, la fureur de vivre" (Éditions de l'Observatoire). "Elles étaient toutes à sa dévotion, mais moi, c'était pas du tout le cas. Donc je pense que c'est ça qui a provoqué une émulation chez lui", soupçonne-t-elle. Résultat, ils vont chacun laisser leur foyer respectif pour ne plus se quitter. 

Un mari "à l'ancienne"

Mais Dominique est bien décidée à continuer à lui résister. "J'ai attendu 17 ans avant de l'épouser", lâche-t-elle, expliquant que c'était sa seule façon d'exister à ses côtés. D'autant que Bernard Tapie est extrêmement jaloux, "très possessif". "Pour un regard, il pouvait aller trouver la personne et à la limite lui mettre son poing dans la figure", dit-elle. Anecdote à l'appui : "Il a fait une crise de jalousie alors qu'il était à l'article de la mort avec son médecin urgentiste qui vient à deux heures du matin. Le pauvre, il était un peu sous morphine, donc il avait pas vraiment toute sa tête. Mais du tréfonds de son âme, il lui a dit : 'qu'est-ce que tu fais là toi ? Tu en as après ma femme ?'", se souvient-elle en souriant. 

Malgré tout, son affection et sa tendresse vont gommer tous les travers de ce mari "à l'ancienne". "J'avais ma place de femme, je devais m'occuper de mes enfants, de la maison et lui travaillait", dit-elle. Et cette gardienne du temple, "son roc", comme il l'appelait, va sagement élever quatre enfants : les deux ainés de Bernard Tapie, Nathalie et Stéphane, et les deux enfants qu'ils ont eus ensemble, Laurent et Sophie. Ce clan affrontera toutes les vicissitudes. "Quand il y a eu la période prison (l'affaire du match truqué VA-OM vaudra à Bernard Tapie six mois de prison en 1997 pour corruption et subornation de témoin, ndlr), ça nous a beaucoup aidés. Tous contre le monde entier", assure Dominique. 

"Aussi brillant qu'invivable"

Infatigable, excessif, indomptable, les adjectifs ne manquent pas pour qualifier Bernard Tapie. Dominique, elle, le résume ainsi : "il était aussi brillant qu'invivable". "Invivable parce qu'il était difficile de le contredire et d'aller à l'encontre de ce qu'il avait décidé. Mais en même temps, souvent, il avait raison", tempère-t-elle, estimant qu'on ne lui a pas pardonné "son franc-parler". Aimante, mais critique, elle l'a mis en garde contre ses propres démons : "Je lui disais d'essayer de se formater un peu et de se fondre dans le moule, mais ça, il ne l'a jamais voulu, il ne l'entendait pas comme ça", explique-t-elle, le comparant à "un pur sang que l'on ne peut pas dresser"

Incarnation de la réussite sociale au milieu des années 80, "Nanard", comme on le surnommait à l'époque, sera nommé en 1993 ministre de la Ville dans le gouvernement Bérégovoy. Un événement qu'il a vécu comme "une consécration", révèle par ailleurs Dominique. "Il était tellement fier d'avoir été choisi, de pouvoir représenter son pays. Il était français jusqu'au bout des ongles et pour lui, être au service de l'État, c'était la consécration suprême", se souvient-elle. Mais comment vivre avec cette grande gueule aux serments faciles ? "On a eu des grands clashs, mais il est revenu me chercher. Il fallait de temps en temps un peu le rappeler à l'ordre", répond-elle.

Il me prend la main, et il me dit : 'on y va tous les deux ?' Il avait envie qu'on parte ensemble.
Dominique Tapie

Dominique a donc préféré rester, aussi et surtout parce qu'"elle l'aimait", traversant aux côtés de son mari bien des épreuves, judiciaires, médiatiques, et la plus dévastatrice d'entre elles, le double cancer de l'estomac et de l’œsophage, diagnostiqué chez l'homme d'affaires en 2017. "Il avait une résistance à la douleur, il voulait rester maître du jeu même avec la maladie. Il n'a jamais lâché", reconnait-elle.  Mais alors que son époux est le plus affaibli, quelques mois avant son décès, ils sont frappés, ligotés et cambriolés par quatre hommes qui se sont introduits dans leur maison de Seine-et-Marne avant de prendre la fuite avec des bijoux. 

"On est en plein sommeil et je vois une grande silhouette toute noire qui m'éclaire. Et j'ai à peine le temps de réagir qu'un oreiller m'étouffe et là, je crois que ma dernière heure est arrivée (...) Ensuite, il commence à me traîner, alors je lui donne mon sac, la montre, les bijoux que j'avais à côté et après, ils m'ont trainée dans toute la maison pour chercher un coffre qui n'existait pas", se remémore-t-elle. Cet épisode affaiblira encore un peu plus Bernard Tapie, touché en plein cœur pour avoir "failli à son rôle de protecteur". Et lorsqu'il se sent proche de la fin, il fera une demande surprenante à sa femme : mourir à deux. "Il me prend la main, et il me dit : 'on y va tous les deux ?' Il avait envie qu'on parte ensemble", lâche-t-elle. Mais elle lui rétorquera qu'il ne peut pas lui demander ça. 

Dès la mort de son mari, Dominique est aussitôt confronté à un autre tourment, celui des affaires judiciaires en cours. "Il était en première ligne, mais moi, j'étais solidaire", s'exclame-t-elle, avouant qu'elle a hérité d’une dette colossale, inextinguible de "647 millions et quelques". "C'est de la folie alors que la dette initiale, ce que nous avons touché à l'arbitrage du Crédit Lyonnais, a été largement remboursée". Bernard Tapie lui avait pourtant assuré quelque temps avant sa disparition : "C'est ma peau qu'ils veulent, donc ils te ficheront la paix"

Prise dans un engrenage infernal, Dominique a été contrainte de déménager, précipitamment, de l'hôtel particulier de la rue des Saints-Pères à Paris que le couple possédait depuis 35 ans. Tous ses autres biens ont aussi été saisis. Sa seule ressource, la retraite de député de son mari divisée par deux, soit 600 euros. Pour l'épauler, elle a heureusement pu compter sur l'aide de certains de ses amis comme Jean-Louis Borloo. "C'est lui qui m'a relogée, et d'autres m'ont aidée financièrement", conclut-elle, confiant qu'elle en a un peu voulu à son mari. 


Virginie FAUROUX Propos recueillis par Audrey Crespo-Mara

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