Sept à huit

VIDÉO - J'ai été mariée de force : le témoignage glaçant d'Afshan dans "Sept à Huit"

par Virginie FAUROUX | Propos recueillis par Audrey Crespo-Mara
Publié le 24 septembre 2023 à 22h11, mis à jour le 25 septembre 2023 à 11h21
Cette vidéo n'est plus disponible

Source : Sept à huit

D'origine pakistanaise, Afshan Riaz a toujours vécu en France.
Mais lors de vacances dans le village natal de ses parents, elle a été forcée de se marier.
Une descente aux enfers qu'elle a racontée ce dimanche face à Audrey Crespo-Mara dans "Sept à Huit".

"Honneur et liberté" : voilà deux mots qui collent à la peau d'Afshan Riaz, Française d'origine pakistanaise à qui Audrey Crespo-Mara a consacré son portrait de la semaine ce dimanche dans "Sept à Huit". L'honneur de son père qui veut perpétuer des traditions qu'elle juge archaïque, et la liberté qu'elle a chevillée au corps. Deux mots qui s'entrechoquent et qui vont l'écarteler. Car depuis sa plus tendre enfance, il est impensable de tenir tête à ce père qui semble tout-puissant et qui sème la terreur. "Ma mère, c'est la personne que j'ai vue le plus pleurer au monde. J'ai vu ma mère courir dans la maison avec mon père derrière elle pour la frapper parce qu'elle a répondu ou parce qu'elle a été contre un choix que lui a fait", dépeint-elle tout de go, comme pour mieux planter le décor. 

Une violence qui était aussi destinée à Afshan et dont elle garde des séquelles physiques. "J'ai reçu des grandes claques, des grands coups de poing, des coups de pied si je suis par terre", détaille-t-elle dans la vidéo à retrouver en tête de cet article (également en replay sur MyTF1). Impossible également pour la jeune femme de regarder son père dans les yeux. "Non, j'ai trop peur", explique-t-elle. Et pas question de se rebeller : "Quand j'ai refusé de travailler avec lui, il ne m'a plus adressé la parole pendant cinq ans dans la même maison".

"Pression psychologique"

Tout bascule en 2016. Afshan a 25 ans et décide de passer ses vacances d’été au Pakistan avec une partie de sa famille. Un voyage qui devait être synonyme de retour aux sources pour la jeune femme, et qui va bouleverser sa vie et ses certitudes, comme elle le raconte dans un livre à paraître le 4 octobre. Car, à sa grande surprise, ses tantes (les sœurs de son papa, ndlr) ont commencé à lui parler mariage. "Moi, j'ai posé les choses clairement en disant : 'je ne veux pas me marier ici', donc j'ai été claire. Quand elles ont vu que j'étais sérieuse dans mes propos, elles ont commencé à me faire de la pression psychologique", explique-t-elle. 

Et tel un ballet bien orchestré, dans la foulée, le père d'Afshan reprend contact avec elle. "Il a joué avec mes émotions, avec mes sentiments. J'étais en manque de mon papa. Pendant cinq grosses années, il ne m'a pas parlé, donc forcément, une fille a toujours besoin de sa figure paternelle", lâche-t-elle dans un sanglot. Et d'enchaîner : "Du coup, quand tu ne l'as pas, tu arrives à un certain stade où tu te dis : 'peu importe ce qu'il me demande, je lui dirai oui' (...) Je lui ai pardonné la violence, je lui ai tout pardonné sans qu'il me demande pardon. Dans mon cœur, c'était passé. Je me suis dit : 'c'est pas grave, c'est mon papa quand même'". 

J'étais sous l'emprise de tous. Ils m'ont rendue complétement légume.
Afshan Riaz

À l'usure, à force de pressions et de manipulations, à coup de phrases mêlant l'honneur et la fierté, le père d'Afshan l'a fait finalement chanceler. "Je crois que toute ma vie, j'ai cherché son approbation, mais je n'ai jamais eu ça", avoue-t-elle. La jeune femme se persuade alors que son mariage va pouvoir tout sauver. Mais ce qu'elle ne sait pas encore, c'est que son mari est déjà désigné. "C'est un cousin éloigné de la famille du côté de mon papa. Il a deux ans de plus que moi et il est encore en étude de droit au Pakistan", détaille-t-elle. La rencontre a aussitôt lieu en présence de sa famille et sans un mot à son futur époux, comme le veut la tradition de son pays d'origine. "Je n'ai pas le droit de lui parler", lance-t-elle, avant d'ajouter : "J'étais sous l'emprise de tous. Ils m'ont rendue complétement légume. Je n'ai plus cette capacité de réflexion, de discernement". 

La fin de l'été approche. Afshan finit par céder et consent à se marier. "J'ai fini par dire oui, j'ai accepté", reconnaît-elle. Quant à cet inconnu, devenu son mari, il se tait et se montre distant. La jeune femme comprend pourquoi au bout d'un certain temps. "Il était marié de force par son père avec moi et il n'avait pas du tout envie de venir vivre en Europe", affirme-t-elle. Mais comment mettre fin à cette mascarade ? "C'est un grand déshonneur de divorcer, surtout pour la femme. De plus, il faut l'autorisation d'un des hommes de la famille pour pouvoir le faire et mon père refuse complétement le divorce", témoigne la jeune femme.

N'aspirant qu'à retrouver sa liberté, Afshan rentre finalement en France. Mais elle doit continuer à vivre avec ses parents. "Je n'avais pas le droit de quitter le logement tant que je n'avais pas un mari avec moi. C'est interdit, une femme ne vit pas seule", souligne-t-elle. Pour autant, cette corde au cou devient trop étouffante, Afshan claque la porte et s'enfuit. Une décision qu'elle va payer au prix fort. "Toute ma famille me rejette", assure-t-elle. 

Sauf que sa ténacité finit par porter ses fruits. Au bout de trois ans, la jeune femme obtient le divorce. Elle devrait s'en réjouir, néanmoins toute médaille a son revers : ses parents ont coupé les ponts avec elle. "Tant que mon père n'aura pas accepté de passer outre ça, je n'aurai jamais de liens avec lui", regrette Afshan. Et même si elle le souhaite "du plus profond de son cœur", elle en est sûre :  "Il ne changera pas"

En janvier dernier, alors que les enlèvements, mariages et conversions forcés de jeunes filles issues de minorités religieuses augmentent au Pakistan, des experts des droits humains de l'ONU ont exhorté le gouvernement pakistanais à agir au plus vite pour mettre fin à ces pratiques. 


Virginie FAUROUX | Propos recueillis par Audrey Crespo-Mara

Tout
TF1 Info